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09/11/2021 | FRANCE | N°20PA04038

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 09 novembre 2021, 20PA04038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 19 octobre 2020, le vice-président du tribunal administratif de Melun a transmis au tribunal administratif de Paris le jugement de la requête de M. A... qui demandait au Tribunal :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destinat

ion duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son égard une interdiction de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 19 octobre 2020, le vice-président du tribunal administratif de Melun a transmis au tribunal administratif de Paris le jugement de la requête de M. A... qui demandait au Tribunal :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son égard une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2017302/8 du 9 décembre 2020, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au benefice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 16 octobre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français en tant que la durée de cette interdiction excède douze mois et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020, M. B... A..., représenté par

Me Garcia, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler intégralement l'arrêté mentionné ci-dessus du 16 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val de Marne à titre principal de lui délivrer une carte de séjour, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement est irrégulier car il mentionne un nom erroné, outre plusieurs autres erreurs; il n'a pas fait l'objet d'une rétention, il n'était pas représenté par Me Berdugo; il n'était pas présent à l'audience, il est fait mention par erreur au préfet de police en page 5 du jugement.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions :

- ces décisions méconnaissent le principe du droit d'être entendu ;

- elles méconnaissent le principe du droit d'être assisté d'un avocat lors de cette audition.

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée de défaut de motivation et de défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

- le risque de fuite de l'intéressé n'est pas caractérisé ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a produit des piéces complémentaires les 27 avril, 25 mai et 4 août 2021.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014 de la Cour de Justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

La rapporteure publique a été dispensée sur sa proposition de présenter des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 22 août 1987, a fait l'objet d'un arrêté du

16 octobre 2020 du préfet du Val-de-Marne qui l'a obligé de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination vers lequel il sera renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois. M. A... a formé un recours à l'encontre de cet arrêté. Par un jugement du 9 décembre 2020, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 16 octobre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français en tant que la durée de cette interdiction excède douze mois et a rejeté le surplus de la demande de M. A.... Ce dernier relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement .

3. En l'espèce, M. A... soutient qu'il n'a pu présenter d'observations préalablement à l'édiction de la décision contestée. Contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, le préfet ne s'est pas fondé sur le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais sur le 1° du même article. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait été entendu dans le cadre d'une demande d'asile ou de titre de séjour, alors que, par ailleurs, le préfet n'a produit aucune défense ni en première instance ni en appel. Dès lors, en l'état du dossier, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été édicté au terme d'une procédure irrégulière pour méconnaissance de son droit à être entendu avant son édiction et à demander, pour ce motif, son annulation.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction:

5. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que l'administration délivre un titre de séjour à M. A... mais seulement qu'il réexamine sa situation administrative. Il y a donc lieu, en vertu de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du

Val-de-Marne de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 2017302/8 du 9 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 16 octobre 2020 du préfet du Val-de-Marne pris à l'encontre de

M. A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation administrative de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2021.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA04038 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04038
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SELARL GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-09;20pa04038 ?
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