Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 6 août 2015 par lequel le préfet de police a refusé son admission au séjour au titre de l'asile et décidé sa remise aux autorités portugaises, en lui laissant un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français.
Par un jugement n° 1516755/2-2 du 18 mai 2016 le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 6 août 2015 du préfet de police en tant qu'il prononce la remise de M. A...aux autorités portugaises, a enjoint au préfet de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 1516755/2-2 du 18 mai 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il annule sa décision de remise aux autorités portugaises ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- sa décision ne méconnaît pas les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, dès lors que M. A...a reçu une note d'information sur la procédure de réadmission le jour où ses empreintes ont été relevées puis, les brochures A et B le jour du dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que M. A...a ainsi été en mesure de fournir à l'administration les éléments relatifs à sa situation personnelle qui le dispensaient d'organiser un entretien individuel ;
- il renvoie à ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par M.A....
Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2017, M. A... représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 2 000 euros à verser à Me C...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et enfin de le convoquer à l'audience.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de police à l'encontre de la décision de remise aux autorités portugaises ne sont pas fondés ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- il excipe de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile à l'encontre de cette décision ;
- il a été privé de la garantie consistant au bénéfice de l'entretien individuel ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car le guide du demandeur d'asile ne lui a pas été remis ce qui l'a privé d'une garantie ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., ressortissant guinéen né le 25 février 1987 à Conakry, entré en France le 10 décembre 2014 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 11 juin 2015 ; que, par un arrêté du 6 août 2015, le préfet de police a opposé un refus à sa demande et prononcé sa remise aux autorités portugaises sur le fondement de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police relève appel du jugement du 18 mai 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé sa décision portant remise de M. A...aux autorités portugaises ; que, par la voie de l'appel incident, M. A...relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande en annulation de la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile ;
Sur l'appel principal du préfet de police concernant la décision de remise aux autorités portugaises :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : 1 a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; 1 b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; 1 c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; 1 d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; 1 e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; 1 f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. " ; qu'aux termes du 2 de l'article 20 de ce règlement : " Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat concerné (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite ; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte du b) du 2 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 que l'Etat membre responsable peut se dispenser de mener un entretien avec l'étranger qui dépose une demande de protection internationale lorsque, ayant reçu les informations visées à l'article 4 de ce règlement, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable ;
5. Considérant qu'il est constant que M. A...s'est présenté en préfecture de police le 11 juin 2015 et que l'administration a procédé au relevé de ses empreintes et à la consultation du fichier " Eurodac ", ce qui a permis de constater que l'examen de sa demande de protection internationale relevait des autorités portugaises ; que M. A...en a été informé le jour même par la remise d'une note d'information précisant les conditions d'application du règlement du 26 juin 2013 ; que le 26 juin 2015 M. A... a remis au préfet de police le formulaire d'admission au séjour au titre de l'asile, renseigné et signé par ses soins, qui constitue la demande de protection internationale visée aux articles 4 et 20 du règlement précité ; que, si ce n'est qu'à cette date du 26 juin 2015 que le préfet de police lui a remis les brochures d'information " A " et " B " comportant l'ensemble des éléments prévus par l'article 4 du règlement UE n° 604/2013, il disposait du temps utile, avant l'intervention de l'arrêté en litige du 6 août 2015, pour faire valoir toute information pertinente susceptible d'avoir une incidence sur la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que M. A... a donné dès le 26 juin 2015 des informations sur son itinéraire depuis son départ de Guinée le 15 novembre 2014 ainsi que sur sa situation personnelle et familiale ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir qu'il se trouvait dans le cas prévu au b) du 2 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 où il n'était pas tenu de mener un entretien individuel et qu'il n'a dès lors pas méconnu les dispositions de cet article ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 pour annuler l'arrêté contesté du préfet de police ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
8. Considérant, en premier lieu, que la décision de remise aux autorités portugaises vise notamment le règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement d'exécution n° 118-2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et, les articles
L. 741-4, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle indique que la demande d'asile présentée par M. A...relève de la compétence du Portugal qui a accepté le 8 juillet 2015 de le reprendre en charge, que l'intéressé, qui s'est vu remettre les brochures communes d'information visées par le 2° de l'article 4 du règlement (UE), n'a fait valoir aucun élément de nature exceptionnelle ou humanitaire susceptible de remettre en cause la décision envisagée à son encontre, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale ; qu'ainsi la décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de M. A...n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne peut dès lors qu'être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, que pour les motifs exposés ci-dessous dans le cadre de l'appel incident, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de remise aux autorités portugaises serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 août 2015 en tant qu'il porte décision de remise de M. A... aux autorités portugaises, qu'il lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois suivant la notification de ce jugement et qu'il a condamné l'Etat à verser à l'intéressé la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur l'appel incident de M. A...concernant la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile :
12. Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile, M. A...se borne à reprendre les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'a pas reçu le guide du demandeur d'asile ; que toutefois, il n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau, ni ne produit de nouvelles pièces ou éléments probants de nature à remettre en cause l'appréciation retenue par les premiers juges ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, aux points 2 et 4 de leur jugement ;
13. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant l'admission au séjour de M. A...au titre de l'asile le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ; que par suite ce moyen doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1516755/2-2 du 18 mai 2016 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour contre la décision de remise aux autorités portugaises sont rejetées.
Article 3 : L'appel incident de M. A...contre la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
Lu en audience publique le 25 avril 2017.
Le rapporteur,
A. MIELNIK-MEDDAH Le président,
J. KRULICLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02228