Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision implicite du ministre des affaires étrangères et du développement international rejetant sa demande préalable d'indemnisation du harcèlement moral qu'il estime avoir subi durant son service volontaire international à Bucarest du 15 septembre 2013 au 15 septembre 2014.
Par jugement n° 1430240/5-3 du 20 janvier 2016 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 mars 2016, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1430240/5-3 du 20 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du ministre des affaires étrangères et du développement international ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice subi résultant pour lui des faits de harcèlement dont il aurait été victime ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens.
Il soutient que :
- le Tribunal administratif de Paris n'a pas répondu sur la matérialité des faits invoqués qui sont constitutifs de harcèlement moral au sens des articles 6 ter et 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dont il relève ;
- le Tribunal administratif de Paris n'a pas répondu sur la carence de l'administration à agir en réponse à son signalement des faits de harcèlement moral et à lui accorder la protection fonctionnelle alors qu'elle n'a engagé aucune enquête ni procédure disciplinaire ;
- en s'abstenant de répondre à son recours gracieux du 8 août 2014 dénonçant des faits de harcèlement moral, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité qui justifie sa demande en réparation du préjudice subi à hauteur de 45 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du service national ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...a été nommé le 12 août 2013 par le ministre des affaires étrangères et du développement international en tant que volontaire international, affecté à Bucarest, pour y exercer durant 12 mois à compter du 15 septembre 2013 les fonctions de chargé de mission pédagogique au sein du collège juridique franco-roumain d'études européennes ; que la demande préalable d'indemnisation qu'il a adressée au ministre des affaires étrangères et du développement international pour faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis durant cette période, a été implicitement rejetée le 8 octobre 2014 ; qu'il relève appel du jugement du 20 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en annulation de cette décision implicite de rejet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que pour rejeter la demande en réparation du préjudice que M. B... estime avoir subi, les premiers juges ont énoncé les faits de harcèlement moral qu'il a invoqués et, après avoir exposé les arguments de l'administration, précisé les motifs pour lesquels ils ont considéré que les éléments fournis n'étaient pas de nature à faire présumer de l'existence d'un harcèlement moral pouvant déclencher une procédure de protection fonctionnelle ; qu'ils n'étaient pas, en revanche, tenus de répondre à chacun des arguments invoqués, ni de détailler davantage les motifs de leur rejet ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué au regard de la matérialité des faits reprochés et de la carence présumée de l'administration, manque en fait ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-6 du code du service national : " Les volontaires internationaux sont placés sous l'autorité d'un ministre. Ils relèvent à cet égard des règles de droit public résultant du présent chapitre, des textes réglementaires et des décisions pris pour son application. " ; qu'en application de cet article, l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et relatif au harcèlement moral ne peut être invoqué par le requérant en l'absence de dispositions en ce sens ; que, toutefois, indépendamment de cet article, le fait de soumettre un volontaire du service international à des agissements répétés de harcèlement moral est susceptible d'engager pour faute la responsabilité du ministre sous l'autorité duquel il est placé ;
4. Considérant qu'il appartient à un volontaire international qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
5. Considérant que M. B...soutient qu'il a été victime, durant son année en tant que volontaire international auprès du collège juridique franco-roumain d'études européennes à Bucarest, d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de la secrétaire générale de l'institution et de l'attaché de coopération universitaire, de déstabilisation, de dénigrement, de dénonciations calomnieuses, d'injures, de comportements dangereux et vexatoires ; qu'il soutient également que ses conditions de travail étaient désorganisées et humiliantes et qu'il faisait l'objet d'une surveillance acharnée et malveillante ; qu'il ajoute que ses objectifs étaient flous, non définis et contradictoires, qu'il a fait l'objet de mises à l'écart systématiques et de discriminations liées à ses origines ; qu'il fait valoir à l'appui de ses allégations qu'il a produit de nombreux échanges de courriels avec sa supérieure hiérarchique afin de démontrer que les difficultés qu'il a rencontrées dans l'exécution de ses tâches et dans ses rapports professionnels avec les autres partenaires du collège résultaient d'un comportement, de la part de cette dernière, constitutif de harcèlement moral ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a été recruté après un appel à candidature public sur la base d'une fiche de poste détaillée et a été reçu, préalablement à son affectation, par la direction des ressources humaines du ministère des affaires étrangères ; que mis en contact avec son prédécesseur, il a pu obtenir des informations précises sur les tâches correspondant à son poste ; qu'au sein du bureau qu'il partageait avec un collègue recruté en application du droit local, il disposait d'un ordinateur, d'une imprimante et d'un téléphone ; que s'il a eu l'occasion d'avancer le prix de photocopies faites à l'extérieur en raison du non remplacement de la photocopieuse du collège, il n'établit, ni même n'allègue ne pas avoir été remboursé de ses frais ; qu'en lui adressant des consignes sur le traitement des dossiers, les priorités à respecter, en lui faisant des rappels à la réglementation, notamment sur la fermeture de la bibliothèque ou sur la notation des élèves, ou, en exigeant un visa préalable de ses messages électroniques professionnels, il ne ressort pas des pièces que sa responsable aurait outrepassé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique ; qu'elle lui a expressément indiqué qu'il était uniquement astreint à respecter ses horaires de bureaux ; que le fait de rappeler à l'intéressé à plusieurs reprises des urgences signalées et de ne pas accueillir sa proposition de mettre en place un système de rendez-vous ne suffit pas à démontrer l'existence d'un harcèlement moral ; que la circonstance qu'il ne participait pas aux réunions de service ne suffit pas à démontrer une volonté de sa supérieure de le mettre à l'écart, celle-ci n'étant pas elle-même systématiquement conviée aux réunions ; qu'il ne ressort pas des échanges de courriels que sa responsable aurait tenu à son encontre des propos à caractère discriminant ou vexatoire ou l'aurait volontairement exclu notamment des cérémonies organisées par l'ambassade ; que s'il allègue avoir fait l'objet d'une campagne de dénigrement de la part de cette responsable mettant en cause ses compétences ou son comportement, il ne produit aucun document en ce sens ; qu'à échéance de son service volontaire international, l'administration n'était pas tenue de procéder à son évaluation ni, en aucun cas, de lui accorder le renouvellement de son contrat ; que si M. B...soutient que la circonstance qu'il n'a pas obtenu de réponse à sa demande de renouvellement présentée le 17 juin 2014 a engendré une nouvelle source de déstabilisation, il ressort des pièces du dossier que l'attaché de coopération universitaire qui l'avait informé le 14 mai 2014 d'un probable rejet de sa demande en raison des relations conflictuelles avec sa supérieure, a adressé le 15 juillet suivant à la direction des ressources humaines du ministère des affaires étrangères, un avis défavorable à la prolongation de sa mission au-delà du terme initial de douze mois, en conformité avec la procédure applicable aux volontaires internationaux ; que l'administration a pu ainsi, sans irrégularité, rejeter implicitement sa demande de renouvellement de contrat ; que, par suite, les éléments de faits invoqués par M. B..., pris dans leur ensemble et au regard d'une gravité limitée, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre ; que le courriel, que l'intéressé produit pour la première fois en appel, échangé avec un enseignant vacataire qui aurait été témoin des faits invoqués, n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, dès lors que ce message qui traduit essentiellement un désir de vengeance personnelle de la part de son auteur est dépourvu de tout caractère objectif ; qu'il s'en suit que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en rejetant implicitement sa demande préalable en réparation de faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis, l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
7. Considérant que le harcèlement moral allégué n'étant pas démontré, M. B... n'est pas fondé à invoquer la carence de l'administration à lui assurer une protection au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'il affirme avoir subis ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de sa requête tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre des affaires étrangères et du développement international.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
Lu en audience publique le 25 avril 2017.
Le rapporteur,
A. MIELNIK-MEDDAH Le président,
J. KRULICLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre des affaires étrangères et du développement international en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01027