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28/03/2017 | FRANCE | N°16PA02795

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 28 mars 2017, 16PA02795


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... de Lemos a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle le ministre des affaires étrangères et du développement international a mis fin à ses fonctions de chef de chancellerie au consulat général de France à Lagos (Nigéria) et l'a muté, dans l'intérêt du service, en administration centrale, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 151

1000/5-1 du 23 juin 2016 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... de Lemos a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle le ministre des affaires étrangères et du développement international a mis fin à ses fonctions de chef de chancellerie au consulat général de France à Lagos (Nigéria) et l'a muté, dans l'intérêt du service, en administration centrale, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1511000/5-1 du 23 juin 2016 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2016, M. de Lemos, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1511000/5-1 du 23 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du ministre des affaires étrangères en date du 5 juin 2015 mettant fin à ses fonctions de chef de chancellerie au consulat général de France à Lagos pour le muter dans l'intérêt du service en administration centrale ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont écarté ses moyens tirés de ce que :

- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- cette décision constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête d'appel est irrecevable et que les moyens soulevés par M. de Lemos ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi de finances du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que M. de Lemos, secrétaire de chancellerie, a été nommé, à compter du 12 juin 2012, au consulat général de France à Lagos (Nigéria), en qualité de consul adjoint de 1ère classe, chef de chancellerie ; que l'inspection générale du ministère des affaires étrangères et du développement international a diligenté une mission au consulat général de France à Lagos du 12 au 16 janvier 2015, enquête qui a notamment révélé la délivrance de visas de manière irrégulière ; que, dans un rapport, en date du 30 janvier 2015, les inspecteurs dudit ministère ont préconisé que soit mis fin au séjour de l'intéressé dans les plus brefs délais ; que, par un arrêté du 3 mars 2015, M. de Lemos a été suspendu de ses fonctions, à titre conservatoire, pour une durée maximale de quatre mois ; que, par une lettre du 15 mai 2015, le directeur des ressources humaines du ministère des affaires étrangères a informé l'intéressé de son intention de procéder à sa mutation dans l'intérêt du service ; que, par une décision du 5 juin 2015, le ministre des affaires étrangères et du développement international a procédé à la mutation de M. de Lemos dans l'intérêt du service, en administration centrale ; que par jugement n° 1511000/5-1 du 23 juin 2016 le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressé tendant à annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle ledit ministre a mis fin à ses fonctions de chef de chancellerie au consulat général de France à Lagos et l'a muté, dans l'intérêt du service, en administration centrale ; que par la présente requête M. de Lemos relève régulièrement appel de ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " L'autorité compétente procède aux mouvements de fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. (...) Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / -l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / -l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / -l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. / Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. / La radiation du tableau d'avancement peut également être prononcée à titre de sanction complémentaire d'une des sanctions des deuxième et troisième groupes. / L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis. " ; qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 susvisée : " Tous les fonctionnaires (...) ont droit à la communication personnelle et confidentielle de (...) tous (...) documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté " ; qu'il résulte de ces dispositions précitées combinées qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de la personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier préalablement à cette mesure ;

3. Considérant qu'une mutation dans l'intérêt du service ne constitue une sanction déguisée que s'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle ou statutaire de ce dernier ; qu'en l'espèce, il ressort des conclusions du rapport de l'inspection générale dudit ministère en date du 30 janvier 2015, sur lequel s'est fondé le ministre des affaires étrangères pour prononcer la mutation dans l'intérêt du service de l'intéressé, que le service des visas au sein du consulat général de France à Lagos était affecté par de graves dysfonctionnements, tenant notamment à des irrégularités dans la délivrance de visas ; que les inspecteurs du ministère des affaires étrangères, prenant acte de cette situation, ont préconisé de " mettre un terme, dès que possible, au séjour de M. de Lemos " ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier que la réputation du consulat général à Lagos s'est trouvée remise en cause en raison des dysfonctionnements constatés au sein du service des visas ; que, compte tenu du positionnement du requérant dans le consulat général et des dysfonctionnements constatés au service des visas dont il avait la charge, la décision du 5 juin 2015 par laquelle le ministre des affaires étrangères et du développement international a décidé de muter l'intéressé au sein de l'administration centrale, qui n'a pas eu d'effet sur le déroulement de sa carrière, l'affectation régulière à l'administration centrale du ministre des affaires étrangères et du développement international constituant une obligation statutaire de tous les agents et des divers corps de fonctionnaires de ce ministère, présente, du fait de cette absence d'effet sur sa carrière, non pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée, mais celui d'une mutation prononcée dans l'intérêt du service ; que, par suite, cette décision n'avait pas à être soumise à la procédure disciplinaire prévue par les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; qu'en tout état de cause, conformément aux dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, M. de Lemos a été informé, par lettre du 15 mai 2015, de l'intention du ministre des affaires étrangères et du développement international de procéder à sa mutation dans l'intérêt du service, décision prise en considération de la personne du fonctionnaire ; qu'il a pu prendre connaissance de son dossier administratif avant que la commission administrative paritaire compétente à l'égard des agents du corps des secrétaires de chancellerie ne se prononce sur sa mutation, le 28 mai 2015 ; que la circonstance que la commission administrative paritaire a rendu un " avis partagé " sur la mutation de l'intéressé, est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les moyens de M. de Lemos tirés de ce que la décision par laquelle le ministre des affaires étrangères et du développement international a procédé à sa mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction disciplinaire déguisée et qu'elle est entachée d'un vice de procédure en ce que la procédure disciplinaire n'a pas été respectée, devaient être écartés ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter ces deux moyens ;

4. Considérant, en second lieu, que le rapport susvisé du 30 janvier 2015 fait état de graves dysfonctionnements en matière de délivrance des visas, ainsi que d'un défaut d'organisation, d'encadrement et de contrôle du poste consulaire dans son ensemble, d'une absence d'organigramme et de l'inexistence d'un système afférent aux binômes et aux calendriers des congés et des permanences consulaires ; que ce même rapport mentionne que ces dysfonctionnements ont porté atteinte à la crédibilité du consulat général à Lagos et à la validité des visas qu'il délivre et que, d'ailleurs, le consulat général d'Allemagne à Lagos s'en est ému auprès de la direction des affaires consulaires à Berlin ; que, si l'intéressé fait valoir qu'aucune faute personnelle ne lui a été reprochée dans la survenance de ces dysfonctionnements, il n'en conteste pas pour autant utilement leur existence ; qu'en outre, si M. de Lemos fait mention d'une négligence dans la gestion comptable et financière de la régie du consulat général à Lagos, s'agissant notamment de la disparition d'une somme de 10 917 euros qu'il aurait intégralement remboursée en sa qualité de comptable public, il ne ressort pas des pièces du dossier que ledit ministre se serait fondé sur cette circonstance pour procéder à sa mutation dans l'intérêt du service ; que, par suite, la décision par laquelle le ministre des affaires étrangères et du développement international a procédé à la mutation de l'intéressé était fondée sur l'intérêt du service, et que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le moyen de M. de Lemos tiré de ce que la matérialité des faits rapportés par l'inspection générale du ministère des affaires étrangères, concernant, d'une part, l'organisation du service des visas et, d'autre part, le fonctionnement de la régie, n'était pas établie, devait être écarté ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, M. de Lemos n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. de Lemos est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... de Lemos et au ministre des affaires étrangères et du développement international.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 mars 2017.

Le rapporteur,

A. LEGEAI

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre des affaires étrangères et du développement international en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA02795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02795
Date de la décision : 28/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : MANDICAS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-28;16pa02795 ?
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