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14/03/2017 | FRANCE | N°16PA00716

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 14 mars 2017, 16PA00716


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Locam a demandé au Tribunal administratif de Paris de résilier le contrat de location d'une photocopieuse conclu le 13 septembre 2010 avec la ville de Paris et de condamner la ville de Paris ou l'Etat à lui verser, à titre principal, au titre des dispositions contractuelles, la somme de 21 039,18 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 janvier 2013, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, ou à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, la somme d

e 19 023,24 euros, augmentée des intérêts à compter du 5 mars 2014, ces intérêts...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Locam a demandé au Tribunal administratif de Paris de résilier le contrat de location d'une photocopieuse conclu le 13 septembre 2010 avec la ville de Paris et de condamner la ville de Paris ou l'Etat à lui verser, à titre principal, au titre des dispositions contractuelles, la somme de 21 039,18 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 janvier 2013, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, ou à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, la somme de 19 023,24 euros, augmentée des intérêts à compter du 5 mars 2014, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

Par un jugement n° 14009958/7-3 du 23 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2016, la société Locam, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la ville de Paris ou l'Etat à lui verser, à titre principal, sur le fondement des dispositions contractuelles, la somme de 21 039,18 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 janvier 2013, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, ou à titre subsidiaire, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la somme de 22 526,76 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2014 ;

3°) d'enjoindre à la ville de Paris de lui restituer, à ses frais, le matériel donné en location à celle-ci, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, le tribunal administratif ayant omis de statuer sur ses conclusions à fins d'injonction ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le litige doit être tranché sur le terrain contractuel, compte tenu notamment du fait que plusieurs autres contrats analogues, concernant l'école d'application, avaient été signés et exécutés au cours des années antérieures ; aucun loyer n'a été réglé par la ville de Paris depuis le 30 décembre 2012 ; le contrat prévoit la restitution du matériel, le versement d'une somme égale au montant des loyers impayés, majorée d'une clause pénale de 10 %, ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat ; en tout état de cause, la ville doit payer le montant total des loyers qui étaient dus pour la période comprise entre décembre 2012 et février 2016 ;

- subsidiairement, la responsabilité extra contractuelle de la ville de Paris est engagée sur le terrain de l'enrichissement sans cause ; le matériel est resté à disposition de la ville et lui a été utile ; le montant des débours de la société s'élève à la somme de 22 526,76 euros ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2016, la ville de Paris conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'éducation nationale ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Petit,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant que la société Locam a conclu, le 13 septembre 2010, avec le directeur de l'école élémentaire d'application située 14 rue François Coppée à Paris (15ème arrondissement) un contrat de location de matériel de reprographie pour une période de vingt et un trimestres expirant le 29 février 2016 ; que les loyers ont été acquittés par la coopérative scolaire jusqu'en novembre 2012 ; que par un courrier du 30 juillet 2013, réceptionné par l'établissement scolaire le 31 juillet suivant, la société Locam a mis en demeure ce dernier de payer diverses sommes, en exécution des stipulations contractuelles ; que cette mise en demeure étant restée infructueuse, la société Locam a adressé à la ville de Paris une réclamation préalable, réceptionnée par celle-ci le 12 mars 2014 par laquelle, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, elle lui a demandé de lui verser la somme de 21 039,18 euros et de "résilier le contrat" ; que la ville de Paris, par un courrier du 18 avril 2014, a rejeté cette demande au motif, notamment, que la conclusion du contrat à l'origine du litige résultait de l'initiative exclusive du directeur de l'établissement scolaire bénéficiaire du matériel loué et qu'aucune délégation de pouvoir ou de signature ne l'autorisait à contracter pour le compte de la collectivité ; que la société Locam a ensuite saisi le Tribunal administratif de Paris en lui demandant, à titre principal, de prononcer la résiliation du contrat et de condamner, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle soit la ville de Paris, soit l'Etat ou, à titre subsidiaire, de condamner la ville de Paris sur le terrain de la responsabilité extra contractuelle en invoquant la faute qu'aurait commise cette collectivité ; que, par un jugement du 23 décembre 2015, le tribunal administratif a rejeté la demande de la société ; qu'il a estimé que le contrat, entaché d'un vice de consentement d'une particulière gravité, devait être écarté et a rejeté les conclusions fondées sur la responsabilité extra contractuelle en estimant que la ville de Paris n'avait commis aucune faute ; que la société Locam fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal administratif de Paris a omis de statuer sur les conclusions d'injonction présentées en première instance par la société Locam ; qu'il y a lieu, dans cette seule mesure, d'annuler le jugement attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer sur ces conclusions ;

Sur la responsabilité de l'Etat et de la ville de Paris :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 212- 4 du code de l'éducation, inclus dans le titre 1er de ce code, relatif à la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales pour l'organisation et le fonctionnement des écoles et classes élémentaires et maternelles : "La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique d'oeuvres protégées." ; qu'il résulte de ces dispositions que les dépenses de fonctionnement des écoles publiques élémentaires relèvent des communes ; que les contrats par lesquels sont achetés ou loués des matériels nécessaires à ce fonctionnement constituent des marchés publics et sont conclus entre les communes et des opérateurs économiques ; qu'ainsi, le contrat en litige, relatif à la location d'un matériel de reprographie, doit être regardé comme ayant été conclu pour le compte de la ville de Paris ; que les conclusions par lesquelles la société Locam entend rechercher la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle de l'Etat ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;

4. Considérant, en second lieu, que lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'en l'espèce, aucune disposition législative ou réglementaire ne permettait au directeur de l'école élémentaire d'application de conclure un marché public ; que la ville de Paris a ignoré l'existence de ce marché jusqu'en 2012 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'irrégularité tenant à l'incompétence du directeur de l'école pour conclure le marché litigieux constitue un vice affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, d'une particulière gravité ; que, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, ce marché doit être écarté ; que, par suite, le litige ne peut être réglé sur le terrain contractuel ;

Sur la responsabilité extra-contractuelle de la ville de Paris :

5. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ; que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ;

6. Considérant que la société Locam est recevable à invoquer, pour la première fois en appel, l'enrichissement sans cause dont aurait bénéficié la ville de Paris ; qu'il résulte de l'instruction que le matériel en cause a été acheté par la société Locam à la société Riso pour un montant de 22 526,76 euros ; que la coopérative scolaire de l'école élémentaire a acquitté, au titre des loyers, un montant total de 9 711, 52 euros ; que ce matériel a été utile à cette école ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le matériel en cause serait encore, à la date du présent arrêt, en possession de la ville de Paris ni, en tout état de cause, qu'il serait encore en état de fonctionnement ; que, dans ces conditions, le montant des dépenses inutilement exposées par la société Locam s'élève à la somme de 12 815,24 euros ; que la responsabilité de la ville de Paris est ainsi engagée, à hauteur de ce montant, sur le terrain de l'enrichissement sans cause ; que la société Locam a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 12 mars 2014, date de réception de sa réclamation préalable par la ville de Paris ; qu'à la date du 19 février 2016, à laquelle la capitalisation des intérêts a été demandée, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande de capitalisation à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Locam est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas fait droit, à concurrence de ce montant, à ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

8. Considérant que si la société requérante soutient que le matériel de reprographie en cause ne lui pas été restitué, il ne résulte pas de l'instruction que, comme il a été dit au point 7 ci-dessus, cette restitution serait encore possible à la date du présent arrêt ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la ville de Paris, de lui restituer ce matériel ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées par la société Locam au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris le versement à la société Locam de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1 : La ville de Paris est condamnée à verser à la société Locam la somme de 12 815,24 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2014. Les intérêts échus le 19 février 2016 seront capitalisés à cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La ville de Paris versera à la société Locam une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Locam est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 14009958/7-3 du Tribunal administratif de Paris du 23 décembre 2015 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions à fins d'injonction présentées par la société Locam et réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Locam et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 février 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mars 2017.

Le rapporteur,

V. PETITLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00716
Date de la décision : 14/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Effets.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP MAURICE RIVA VACHERON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-14;16pa00716 ?
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