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28/02/2017 | FRANCE | N°16PA01607

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 28 février 2017, 16PA01607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 80 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis en sa qualité d'agent de la collectivité territoriale et de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1425797/2-1 du 22 mars 2016, le Tribunal administrat

if de Paris a rejeté les conclusions de la requête de Mme B...fondées sur l'applica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 80 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis en sa qualité d'agent de la collectivité territoriale et de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1425797/2-1 du 22 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de la requête de Mme B...fondées sur l'application du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles institué par le livre IV du code de la sécurité sociale comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 12 mai et 29 novembre 2016, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1425797/2-1 du 22 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la Polynésie française au versement de la somme de 80 000 euros au titre des dommages et intérêts pour l'ensemble des préjudices qu'elle a subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en la forme, ce jugement doit être annulé à défaut d'avoir été signé, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- en rejetant les conclusions de la requête fondées sur l'application du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles institué par le livre IV du code de la sécurité sociale comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et ce en vertu de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal a commis une erreur sur sa compétence, dès lors que Mme B...se bornait à demander l'engagement de la responsabilité pour faute de son employeur sans référence à une maladie professionnelle ou à sa situation d'inaptitude ; d'ailleurs le syndrome d'épuisement professionnel, ou " burn-out ", dont elle souffrait n'était alors pas reconnu comme maladie professionnelle à la date de son licenciement le 12 août 2008 ;

- sa dépression et son inaptitude physique à exercer ses fonctions sont la conséquence d'un manquement de la délégation de la Polynésie française à Paris à son obligation d'assurer la sécurité et la santé de ses agents, en méconnaissance des dispositions de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983, lequel constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la Polynésie française ;

- la délégation a également commis une faute en méconnaissant l'obligation de reclassement qui lui incombait à son égard ;

- elle a subi de ce fait un préjudice moral, estimé à hauteur de 20 000 euros, ainsi qu'un préjudice financier, estimé à hauteur de 60 000 euros.

Par mémoires en défense, enregistrés le 8 septembre 2016 et le 11 janvier 2017, la Polynésie Française, représentée par Me A...E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la créance invoquée par Mme B...était prescrite à la date de sa demande indemnitaire du 27 juillet 2014, en vertu de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée, et qu'à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 janvier 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la délibération de l'assemblée de la Polynésie française n° 98-122 APF du 6 août 1998 relative au statut du personnel de la délégation de la Polynésie française à Paris ;

- la délibération de l'assemblée de la Polynésie française n° 2004-15 APF du 22 janvier 2004 relative aux agents non titulaires des services et des établissements publics administratifs de la Polynésie française à Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Torregroza, avocat représentant MmeB....

1. Considérant que MmeB..., née le 20 novembre 1965, a été recrutée par contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1993 par le président du gouvernement du territoire de la Polynésie française en tant que secrétaire générale de la délégation de la Polynésie française à Paris puis, à partir de septembre 2007, de chef du bureau du budget, des ressources humaines et de la comptabilité en catégorie D1 ; qu'elle a été déclarée définitivement inapte à exercer ses fonctions à la délégation de la Polynésie française à Paris par le médecin du travail le 16 octobre 2007 ; que Mme B...ayant refusé le poste qui lui a été proposé en vue de son reclassement, en catégorie D2, le président de la Polynésie française l'a informée par courrier daté du 12 août 2008 de son licenciement à compter de la réception de ce courrier, l'intéressée, après perception d'une indemnité de préavis, d'une indemnité pour congés non pris et d'une indemnité légale de licenciement, ayant été prise en charge par Pôle Emploi qui lui a versé 20 256 euros au titre de l'année 2009 et 23 750 euros au titre de l'année suivante ; que Mme B... a vainement adressé le 27 juillet 2014, soit près de six ans après son licenciement, une demande indemnitaire au président de la Polynésie française ; que par un jugement n° 1425797/2-1 du 22 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B... visant à condamner la Polynésie française à des dommages et intérêts, en invoquant, d'une part, la faute dans l'organisation du service de la délégation de la Polynésie française à Paris, qui serait la cause de son inaptitude définitive, d'autre part, la méconnaissance de l'obligation de reclassement incombant à la collectivité ; que par la présente requête, l'intéressée relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 751-2 du même code : " Les expéditions des décisions sont signées et délivrées par le greffier en chef ou, au Conseil d'Etat, par le secrétaire du contentieux " ; que si la requérante soutient que le jugement attaqué doit être annulé à défaut d'avoir été signé, et ce en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, toutefois, il résulte des pièces du dossier que la minute du jugement en cause comporte les signatures requises par les dispositions précitées ; que ce moyen doit par suite être écarté comme manquant en fait ;

3. Considérant, en second lieu, que la situation de MmeB..., en sa qualité d'agent de la délégation de la Polynésie française à Paris, était régie par les dispositions de la délibération de l'assemblée de la Polynésie française n° 98-122 APF du 6 août 1998 relative au statut du personnel de la délégation de Polynésie française à Paris et notamment par son article 20, prévoyant l'application du régime de protection sociale " selon les dispositions prévues par la sécurité sociale " ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'elle bénéficiait du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles institué par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en vertu des articles L. 142-1 et suivants de ce code, il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des contestations soulevées par l'application de ce régime ; que dans la mesure où Mme B...soutient que la dépression dont elle a souffert à la fin de son contrat de travail et qui, selon elle, l'a rendue définitivement inapte à ses fonctions, a été causée par ses conditions de travail à la délégation de la Polynésie française à Paris, l'appréciation de l'étendue des droits qu'elle tient de la législation sur les maladies professionnelles et, notamment, des prestations en espèces susceptibles de lui être versées en raison d'une incapacité permanente de travail, ressortit à la compétence du juge judiciaire ; que, dès lors, c'est à juste titre que, dans cette mesure, les premiers juges ont estimé qu'il n'appartenait pas à la juridiction administrative de connaître des prétentions indemnitaires de MmeB... ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant, en premier lieu, que Mme B...demande également que soit reconnue la responsabilité de son employeur public du fait qu'il aurait failli à son obligation de garantir sa santé et sa sécurité au travail, ce qui serait la cause du syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre et à l'origine de son inaptitude définitive à occuper son poste ; que l'intéressée relève qu'à compter de 2004, les changements survenus en Polynésie française ont eu des répercussions dommageables sur l'organisation de la délégation à Paris, où le climat social s'est sensiblement tendu dans un contexte budgétaire difficile, à quoi s'est ajoutée, en 2006, la mise en place d'un nouveau logiciel comptable qui, compte tenu du décalage horaire, a été piloté le soir et la nuit ;

5. Considérant, toutefois, que les faits mentionnés au point précédent, ainsi que l'alourdissement de la charge de travail de MmeB..., ne peuvent être regardés comme constitutifs de manquements de l'employeur à son obligation de garantir la santé et la sécurité au travail, étant en outre précisé, d'une part, qu'à la demande de l'intéressée, son employeur a accepté une réduction de sa quotité de travail en ramenant cette dernière d'un temps plein à 90 % à compter du 1er septembre 2002, puis à 75 % à compter du 15 septembre 2006, une partie de son activité étant confiée à un autre agent, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, d'une note du 6 mai 2008 du délégué général de la Polynésie que l'intéressée avait des difficultés à organiser son travail et notamment à déléguer en son absence ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un agent se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur public de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ; que ce principe est applicable en particulier aux agents contractuels de droit public ; que Mme B...qui, après avoir occupé les fonctions de secrétaire générale à la délégation de la Polynésie française à Paris, avait été affectée à celles de chef du bureau du budget, des ressources humaines et de la comptabilité à compter du 1er septembre 2007, fonctions appartenant toutes deux à la catégorie D1, catégorie la plus élevée des emplois de la délégation, s'est vu proposer le 7 janvier 2008 un emploi d'agent d'administration relevant de la catégorie D2, doté d'une rémunération moindre que celle qu'elle percevait auparavant ; qu'il est constant qu'il n'existait alors, hormis le poste de délégué général et celui occupé par la requérante, que cinq autres postes de la catégorie D1 à la délégation, dont les effectifs avaient tendance à se réduire, et que MmeB..., qui indique dans sa requête avoir uniquement de l'expérience en tant qu'assistante générale et dans le domaine de la gestion comptable, ne soutient pas que l'un d'eux aurait été vacant et qu'elle aurait été, au vu de son expérience et de ses qualifications, en mesure de l'exercer ; que, dans ces conditions, la Polynésie française n'a pas commis de faute en proposant à la requérante, à défaut de poste équivalent vacant à la délégation, un poste de moindre qualification sans lui offrir de maintenir le niveau de sa rémunération antérieure, aucun texte ne prévoyant une telle obligation, l'article 82 de la délibération n° 92-215 du 14 décembre 1995, dont la requérante se prévaut, ne figurant notamment pas parmi les dispositions auxquelles renvoie l'article 3 de la délibération du 6 août 1998 ;

7. Considérant que les conclusions indemnitaires de la requête fondées sur la méconnaissance de l'obligation de garantir la santé et la sécurité des salariés et sur l'obligation de reclassement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée par la Polynésie française, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante une somme à verser à la Polynésie française au titre de ces dernières dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française

Délibéré après l'audience du 7 février 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

M. Pagès, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le rapporteur,

A. LEGEAI

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01607
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par des textes spéciaux - Attributions légales de compétence au profit des juridictions judiciaires - Compétence des juridictions judiciaires en matière de prestations de sécurité sociale.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : ATHON-PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-28;16pa01607 ?
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