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28/02/2017 | FRANCE | N°15PA01017

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 28 février 2017, 15PA01017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007, outre une demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1305896/7 du 8 janvier 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 m

ars 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 24 novembre 2015, M. E..., représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007, outre une demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1305896/7 du 8 janvier 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 24 novembre 2015, M. E..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305896/7 du 8 janvier 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de lui maintenir le bénéfice du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière faute d'avoir bénéficié d'un débat oral et contradictoire ;

- la procédure d'imposition est irrégulière car le service a considéré à tort que M. D... du cabinet Effigest n'avait pas de mandat pour le représenter ; par suite, la réponse de M. D... du 6 novembre 2009 est régulière, de sorte que le service ne pouvait régulièrement appliquer la taxation d'office prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ;

- il est fondé à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré car l'administration ne prouve pas le manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions au titre du sursis de paiement sont irrecevables car l'article L. 277 du livre des procédures fiscales réserve le bénéfice de ce dispositif à la réclamation préalable et à l'action devant le tribunal administratif ;

- les moyens soulevés par M. E... à l'appui de ses conclusions en décharge des impositions litigieuses ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que M. E... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2006 et 2007 ; qu'après mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, M. E... a fait l'objet d'une taxation d'office des crédits bancaires inexpliqués en tant que revenus d'origine indéterminée en application de l'article L. 69 du même livre ; que M. E... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 ; que M. E... relève régulièrement appel du jugement du 8 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ladite demande ;

Sur la demande de sursis de paiement :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 277, L. 278, L. 279 et L. 280 du livre des procédures fiscales, le sursis de paiement accordé par l'administration n'a de portée que pendant la durée de l'instance devant le tribunal administratif ; qu'aucune disposition n'a prévu de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions présentées à ce titre sont irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévue aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charge des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que, dans sa version remise à M. E... avec l'avis de vérification du 27 avril 2009 reçu le surlendemain, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit que : " Dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, le dialogue joue également un rôle très important tout au long de la procédure. Il vous permet de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose " ; que, contrairement à ce que soutient M. E..., qui se prévaut de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, il ne résulte pas des dispositions précitées de cette dernière, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, d'engager avec le contribuable un tel dialogue ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des dispositions des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 du même livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, un contribuable n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition dont il a fait l'objet est entachée d'irrégularité au seul motif que le dialogue qu'il a eu avec le vérificateur dans le cadre de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle a eu lieu à l'occasion d'une demande de justifications ; qu'il résulte de l'instruction que la vérificatrice a, dans un premier temps, proposé trois entretiens à M. E... le 25 mai 2009, le 29 mai 2009 et le 8 juin 2009 ; que, contrairement à ce que soutient M. E..., il s'agissait bien de trois rendez-vous distincts ; que M. E... ne s'est présenté qu'au rendez-vous du 8 juin 2009, date à laquelle le service a par ailleurs accusé réception des relevés de comptes bancaires du contribuable ; que, par deux autres courriers adressés à M. E... le 7 juillet 2009, la vérificatrice a proposé deux nouveaux

rendez-vous le 18 août et le 24 août 2009 ; que si M. E... a informé la vérificatrice, par courrier du 31 juillet 2009, qu'il ne pourrait être présent à ces rendez-vous du fait de ses congés annuels, la vérificatrice lui a proposé par courrier du 17 août 2009 un nouveau rendez-vous le 7 septembre 2009 ; que si M. E... soutient qu'il n'a pas reçu ce courrier, il résulte de l'instruction que ce courrier a fait l'objet d'une présentation le 18 août 2009 et d'une mise en instance au bureau de poste pendant quinze jours, soit jusqu'au 1er septembre 2009, et qu'il a ensuite été retourné avec la mention " non réclamé " ; que, par ailleurs, M. E..., qui a pourtant retiré le 29 août 2009 le pli contenant la demande d'éclaircissements et de justifications fondée sur les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, ne saurait se prévaloir de ses congés pour expliquer l'absence de retrait du pli présenté le 18 août 2009 et resté en instance au bureau de poste jusqu'au 1er septembre 2009 ; qu'outre que la vérificatrice a proposé six rendez-vous à M. E... avant de lui adresser une proposition de rectification le 17 novembre 2009, il est constant que le service a adressé à M. E... une demande de justifications, qu'il a reçue le 29 août 2009 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'un dialogue contradictoire doit donc être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. E... a donné le 15 mai 2009 mandat pour le représenter auprès de l'administration fiscale lors de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à la société Effigest représentée par M. A... C...,

expert-comptable ; que M. E...soutient que la réponse faite par M. D...le 6 novembre 2009 à la demande d'éclaircissements et de justifications du 28 août 2009, au nom de la société Effigest, entrait dans le champ de ce mandat et que, par suite, c'est à tort que le service a considéré cette réponse comme non régulière et a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; que si l'on ignore la qualité de M. D... au sein de la société Effigest et si, comme le relève le ministre à juste titre, le mandat de représentation susvisé n'était donné qu'à M. C... et ne s'étendait pas à ses collaborateurs, il résulte de l'instruction que le service avait, au préalable, fait droit à une demande de délai supplémentaire pourtant formulée par M. D... pour le compte de M. E... ;

7. Mais considérant qu'il résulte de l'instruction qu'outre que la motivation de la proposition de rectification du 17 novembre 2009 satisfait aux exigences de motivation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, le service a, en réalité, suivi une procédure de rectification contradictoire en invitant ainsi M. E... à présenter ses observations, ce qu'il a du reste fait le 14 janvier 2010, à quoi il a été répondu le 25 janvier suivant à l'intéressé, qui a bénéficié d'un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur le 26 mars 2010, puis avec l'interlocuteur départemental le 21 octobre 2010, le différend subsistant ayant été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a du reste émis l'avis, d'ailleurs suivi par l'administration, d'abandonner une partie des rehaussements litigieux ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le recours à la taxation d'office a vicié la procédure d'imposition doit être écarté ;

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...)" ;

9. Considérant que dans la proposition de rectification du 17 novembre 2009, la vérificatrice motive les manquements délibérés par les montants restés inexpliqués, l'écart entre les revenus déclarés et les crédits bancaires ainsi que le défaut de réponse régulière à la demande d'éclaircissements ; que, toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à eux seuls à prouver les manquements délibérés alors d'ailleurs que M. E..., par l'intermédiaire de M. D..., a apporté une réponse à la demande d'éclaircissements, comme il a été dit ci-dessus ; que, par ailleurs, dans son mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics se prévaut du fait que des sommes importantes provenaient des comptes courants ouverts dans les écritures des sociétés gérées par M. E... sans justifications probantes et que, compte tenu de l'origine de ces sommes, le requérant ne pouvait ignorer leur caractère imposable ; que, toutefois, l'origine des sommes ne prouve pas, à elle seule, leur caractère imposable ; que, par suite, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, des manquements délibérés de M. E... ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à la décharge de la majoration de 40 % qui, prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts, a assorti les suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2006 et 2007 ; que le surplus de ses conclusions doit être rejeté ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. E... est déchargé des pénalités pour manquement délibéré afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007.

Article 2 : Le jugement n° 1305896/7 du 8 janvier 2015 du Tribunal administratif de Melun est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E...et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal de Paris Centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 7 février 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

M. Pagès, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

B. AUVRAY Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01017
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-28;15pa01017 ?
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