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03/02/2017 | FRANCE | N°16PA00743

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 03 février 2017, 16PA00743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Routes et Chantiers modernes (RCM) a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la communauté de communes des deux fleuves à lui verser, d'une part, la somme de 138 606 euros, au titre du remboursement du montant de la garantie à première demande indûment retenue pour les travaux de réparation ou de remplacement de grilles d'arbres dans le cadre du marché de réalisation des aménagements de voirie de la zone d'aménagement concerté des Rougeaux à Montereau-Fault-Yonne, ou au tit

re du règlement du solde de ce marché, cette somme étant augmentée des intérê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Routes et Chantiers modernes (RCM) a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la communauté de communes des deux fleuves à lui verser, d'une part, la somme de 138 606 euros, au titre du remboursement du montant de la garantie à première demande indûment retenue pour les travaux de réparation ou de remplacement de grilles d'arbres dans le cadre du marché de réalisation des aménagements de voirie de la zone d'aménagement concerté des Rougeaux à Montereau-Fault-Yonne, ou au titre du règlement du solde de ce marché, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2013, eux-mêmes capitalisés à la date du 25 juin 2014, d'autre part la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1134 du code civil.

Par un jugement n° 1305754 du 24 décembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a condamné la communauté de communes des deux fleuves à verser à la société Routes et Chantiers modernes la somme de 138 606 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2013.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2016 et un mémoire enregistré le 28 juillet 2016, la communauté de communes des deux fleuves, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 24 décembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de la société Routes et chantiers modernes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a modifié le fondement de la demande de la société RCM, laquelle invoquait la répétition de l'indu et à titre subsidiaire l'article 1134 du code civil ;

- les réserves ont été levées du fait même de la mise en oeuvre de la garantie à première demande ; le décompte général a été notifié postérieurement à cette levée des réserves ; il n'avait donc pas à intégrer la somme en litige ;

- la société RCM n'a pas, en tout état de cause, contesté le décompte général en temps utile ; il lui appartenait de demander, par le biais d'un mémoire en réclamation, que la somme de 136 606 euros apparaisse dans le décompte général ;

- les réserves liées à la rouille apparue sur les grilles d'arbres, que la société RCM a refusé à tort de lever, justifiaient la mise en oeuvre de la garantie à première demande pour un montant de 138 606 euros ; la couleur de ces grilles n'était pas, par ailleurs, conforme au CCTP.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2016, la société RCM, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes des deux fleuves au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 juillet 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Petit,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la Communauté de communes des deux fleuves.

1. Considérant que par un marché public signé le 12 décembre 2005, la communauté de communes des deux fleuves a confié à un groupement d'entreprises dont la société RCM était le mandataire la réalisation du lot n°1 (terrassement et VRD) d'un marché de travaux d'aménagement de la ZAC des Rougeaux à Montereau-Fault-Yonne ; que ce marché a été réceptionné avec réserves le 21 avril 2009 ; que par courrier du 4 septembre 2012, la communauté de communes a mis en demeure la société RCM de lever la principale réserve portant sur la rouille affectant les grilles d'arbres fournies et posées par elle ; que la société RCM, par courrier du 17 septembre 2012, a refusé de déférer à cette mise en demeure ; qu'en conséquence, par un courrier du 16 avril 2013 reçu par sa destinataire le 15 mai suivant, la communauté de communes des deux fleuves a demandé à la société Fortis Banque, aux droits desquels vient la société BNP Paribas, en sa qualité de garant à première demande de la société RCM, de lui régler une somme de 138 606,60 euros correspondant au montant des travaux estimés nécessaires à la levée des réserves ; que la banque s'est exécutée et a prélevé, le 7 juin 2013, sur le compte de la société RCM le montant demandé de 138 606,60 euros ; que la société RCM a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la communauté de communes des deux fleuves à lui restituer cette somme de 138 606 euros qui, selon elle, avait été indument perçue par le maître d'ouvrage; que par un jugement du 24 décembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a condamné la communauté de communes des deux fleuves à restituer à la société RCM ce montant, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2013 ; que la communauté de communes des deux fleuves fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 99 du code des marchés publics alors en vigueur : " Lorsqu'ils comportent un délai de garantie, les marchés peuvent prévoir une retenue de garantie dont le montant ne peut être supérieur à 5 % du montant initial, augmenté, le cas échéant, du montant des avenants. La retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves à la réception des travaux, fournitures ou services ainsi que celles formulées pendant le délai de garantie. " ; qu'aux termes de l'article 100 du même code : " La retenue de garantie peut être remplacée au gré du titulaire par une garantie à première demande ou, si les deux parties en sont d'accord, par une caution personnelle et solidaire. Le montant de la garantie à première demande ou de la caution personnelle et solidaire ne peut être supérieur à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent. Leur objet est identique à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent. / La garantie à première demande ou la caution personnelle et solidaire est établie selon un modèle fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie. / L'organisme apportant sa garantie doit être choisi parmi les tiers agréés par le ministre chargé de l'économie ou par le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement mentionné à l'article L. 612-1 du code monétaire et financier. Lorsque cet organisme est étranger, il doit être choisi parmi les tiers agréés dans son pays d'origine. / Les personnes responsables du marché conservent la liberté d'accepter ou non les organismes apportant leur garantie. / Cette garantie ou cette caution doit être constituée en totalité au plus tard à la date à laquelle le titulaire remet la demande de paiement correspondant au premier acompte. En cas d'avenant, elle doit être complétée dans les mêmes conditions. / Dans l'hypothèse où la garantie ou la caution ne serait pas constituée, ou complétée, dans ce délai, la retenue de garantie correspondant à l'acompte est prélevée et le titulaire perd jusqu'à la fin du marché la possibilité de substituer une garantie à première demande ou une caution à la retenue de garantie. " ;

3. Considérant qu'il résulte de la nature même de la garantie à première demande que les obligations mises à la charge de la société Fortis par le contrat de garantie la liant à la communauté de communes des deux fleuves étaient autonomes par rapport à celles incombant à la société RCM dans le cadre de l'exécution du marché de travaux dont elle était titulaire ; que, dès lors, ce contrat, qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public et ne comporte aucune clause exorbitante du droit commun, a le caractère d'un contrat de droit privé ; que, pour autant, la société RCM, qui apporte la preuve du prélèvement qu'a opéré le garant sur son compte ouvert auprès de cet établissement, est recevable à demander devant le juge du contrat la restitution du montant de ce prélèvement, à charge pour elle d'établir que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement ;

4. Considérant que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties ; que si le maître d'ouvrage notifie le décompte général d'un marché public alors même que des réserves relatives à l'état de l'ouvrage achevé n'ont pas été levées ou qu'il n'est pas fait état de sommes correspondant à la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves au sein de ce décompte, le caractère définitif de ce dernier s'oppose à ce qu'une somme quelconque qui n'a pas été mentionnée dans ce décompte au débit du titulaire, puisse être mise à sa charge ; que la mise en oeuvre, auprès d'un établissement bancaire, d'une garantie à première demande ne dispense pas le maître d'ouvrage d'inclure le montant de celle-ci dans le décompte général du marché ; qu'il résulte de l'instruction que si la communauté de communes a sollicité le garant le 16 avril 2013, elle n'a pas inclus le montant correspondant au débit du titulaire dans le décompte général notifié à la société RCM le 24 avril 2013, alors qu'au demeurant, qu'elle n'en avait pas encore obtenu le paiement, celui-ci n'étant intervenu que le 7 juin 2013; que contrairement à ce que soutient la communauté de communes des deux fleuves, la société RCM avait bien invoqué le caractère définitif du décompte général dans sa requête de première instance, à l'appui de ses conclusions ; que, dans ces conditions, le montant de la garantie à première demande appelé au paiement pour couvrir le prix de la réfection des réserves doit être intégralement restitué au titulaire du marché ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes des deux fleuves n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à la société RCM la somme de 138 606 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2013 ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes des deux fleuves le versement à la société RCM de la somme de 1500 euros au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes des deux fleuves est rejetée.

Article 2 : La communauté de communes des deux fleuves versera à la société Routes et chantiers modernes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes des deux fleuves et à la société Routes et chantiers modernes.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2017.

Le rapporteur,

V. PETITLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00743
Date de la décision : 03/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : MARILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-03;16pa00743 ?
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