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24/01/2017 | FRANCE | N°15PA01061

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 24 janvier 2017, 15PA01061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ferma a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008, 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 2007 au 31 décembre 2009, ainsi que des majorations afférentes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'artic

le L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1409765/2-3 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ferma a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008, 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 2007 au 31 décembre 2009, ainsi que des majorations afférentes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1409765/2-3 du 15 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2015, la société Ferma, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409765/2-3 du 15 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre tous dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière car la durée du contrôle sur place ne pouvait pas excéder trois mois en vertu des dispositions de l'article L. 52-I du livre des procédures fiscales et si les dispositions de l'article L. 52-II du même livre portent ce délai à six mois lorsque les irrégularités constatées dans la comptabilité conduisent à mettre en cause sa valeur probante, le vérificateur se doit d'informer le contribuable que la durée de la vérification est portée à six mois (Insti.18 décembre 2008, 13L 10-08n°5 ; BOI-CF6PGR-20630 n° 140) ;

- s'agissant du bien fondé des impositions, la méthode de reconstitution de recettes appliquée dite des liquides n'était pas appropriée à un fonds de restauration rapide, cette méthode aboutit à des incohérences quant aux résultats obtenus, en particulier sur le nombre de boissons vendues par jour, cette méthode est incomplète car elle omet des achats de boissons alcoolisées, de thé et de café ; cette méthode est donc excessivement sommaire, sinon radicalement viciée ; elle propose une méthode alternative à partir de l'analyse des tickets sur la période du 5 au 19 mars 2011 inclus qui aboutit à un chiffre d'affaires moyen journalier de 1 235 euros TTC et à un chiffre d'affaires annuel théorique sur l'année 2011 de 385 320 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Ferma ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la SARL Ferma.

Une noté en délibéré, enregistrée le 10 janvier 2017, a été présentée par Me A...pour la SARL Ferma.

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la société Ferma qui exploitait un fonds de restauration rapide sous l'enseigne " Les délices d'Istanbul ", a été assujettie, selon la procédure de rectification contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er novembre 2007 et le 31 décembre 2009, ainsi qu'à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007, 2008, 2009 ; que la société Ferma a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008, 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 2007 au 31 décembre 2009, ainsi que des majorations afférentes ; que, par un jugement du 15 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que la société Ferma relève régulièrement appel dudit jugement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I. -Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) / II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. " ;

3. Considérant qu'il est constant que les opérations de vérification de la SARL Ferma ont été effectuées entre le 4 octobre 2010 et le 1er avril 2011, soit une durée supérieure à trois mois ; que pour justifier l'extension de la vérification au-delà du délai de trois mois, l'administration fiscale se prévaut des graves irrégularités entachant la comptabilité de la SARL Ferma ; qu'en particulier, le service relève que les seuls documents présentés pour justifier les écritures de comptabilisation des recettes consistaient en des tableaux manuscrits sur lesquels la société enregistrait globalement en fin de journée les recettes ventilées entre les ventes à emporter et les ventes à consommer sur place ; que ces tableaux n'étaient assortis d'aucun justificatif, la société ne présentant pas, en particulier le livre brouillard et les bordereaux des caisses enregistreuses ; qu'en outre, l'administration fiscale fait valoir que les factures présentées ne justifiaient qu'en partie les écritures d'achat ; que, dans ces conditions, compte tenu des graves irrégularités entachant la comptabilité de la société Ferma, lesquelles ne sont d'ailleurs pas contestées par cette dernière, ladite comptabilité était privée de toute valeur probante ; que, par suite, l'administration fiscale était en droit de prolonger, en application du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, la durée de la vérification de comptabilité au-delà de trois mois, dans une limite, respectée par le service, de trois mois supplémentaires ; qu'enfin, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de doctrines administratives relatives à la procédure d'imposition : que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit donc être écarté ;

Sur le bien fondé des impositions :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus la comptabilité de la société Ferma comportait de graves irrégularités ; qu'en raison de ces graves irrégularités et de l'avis favorable donné par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires au maintien des impositions résultant de la reconstitution de bases opérée par le vérificateur, la charge de la preuve du caractère exagéré de cette reconstitution pèse sur la société Ferma ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service vérificateur, après avoir rejeté la comptabilité de la société Ferma comme non probante, ce qui n'est pas contesté par cette dernière, a procédé à une reconstitution de ses recettes ; que, s'agissant de l'exercice clos en 2009, le vérificateur a d'abord déterminé, à partir des tickets clients conservés par la société sur la période du 5 au 19 mars 2011, la répartition du nombre de boissons vendues entre les " boissons seules " et les " boissons avec formule ", soit un pourcentage de 50 % pour chaque catégorie, et du pourcentage des recettes " boissons " par rapport aux recettes totales, soit 27 % ; que le vérificateur s'est ensuite livré au dépouillement des factures d'achats de boissons de l'année 2009 et a déterminé le nombre de boissons - sodas essentiellement -vendues à stocks constants, soit 57 595 boissons ; qu'à partir de la clef de répartition de 50 % susvisée, d'un prix de " boissons seules " de 1,50 euros et un prix de " boissons avec formule " de 6 euros, et après déduction d'un pourcentage de 15 % pour les pertes, les offerts et la consommation du personnel, le vérificateur a reconstitué un chiffre d'affaires TTC de 36 717 euros pour les " boissons seules " et de 146 867 euros pour les " boissons avec formule ", soit un chiffre d'affaires total " boissons " de 184 686 euros TTC ; qu'eu égard au pourcentage susvisé de 27 % des boissons par rapport aux recettes totales, le montant du chiffre d'affaires total de l'exercice clos en 2009 a donc été fixé à 684 022 euros TTC ; que, s'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2008, le dépouillement des factures d'achats de boissons n'a pu être effectué exhaustivement suite à la non présentation des factures à hauteur de 51 790 euros ; que, dans ces conditions, le chiffre d'affaires " boissons " a été évalué en reprenant le même nombre de boissons achetées qu'en 2009 mais en appliquant les tarifs relatifs à l'exercice 2008, soit un prix de " boissons seules " de 1,50 euros et de " boissons avec formule " de 5,50 euros, soit un chiffre d'affaires " boissons " de 171 345 euros TTC ; qu'eu égard au pourcentage de 27 % susvisé, il en résulte un chiffre d'affaires total de 634 612 euros TTC, soit un coefficient de bénéfice brut calculé à partir du total des achats de l'exercice 2009 s'élevant à 4,76 ; qu'en appliquant ce coefficient au montant des achats de l'exercice clos en 2008, le chiffre d'affaires reconstitué pour l'exercice 2008 s'élève à 646 884 euros ; que le service ayant admis la répartition des ventes à emporter et à consommer sur place déclarés par la société, soit respectivement 53 % et 47 %, il résulte des éléments précités des rehaussements de chiffre d'affaires hors taxe de 204 786 euros pour 2008 et 228 392 euros pour 2009 ;

6. Considérant que la société requérante soutient que la méthode des liquides utilisée par le service n'était pas adaptée à son exploitation de restauration rapide de type " kebab " ; que, toutefois, alors qu'il est constant que la formule proposée comportait un soda ou une bouteille d'eau pour accompagner le sandwich, le vérificateur a essentiellement pris en compte les achats revendus de sodas comme il a été dit ci-dessus ; que cette méthode était donc adaptée aux conditions réelles d'exploitation de la SARL Ferma, petite entreprise de restauration rapide et de vente de boissons comme les sodas, contrairement à ce qu'elle soutient ; que, pour le même motif, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'omission d'achats de boissons alcoolisées, de thé et de café rendrait la méthode de reconstitution de recettes radicalement viciée en son principe ou excessivement sommaire, alors d'ailleurs que le ministre soutient, sans être contredit, que la prise en compte des achats de vins et bières aboutirait à un chiffre d'affaires reconstitué supérieur à celui retenu par le service et serait ainsi préjudiciable à la société ; que, par ailleurs, si cette dernière soutient qu'il conviendrait de retenir une moyenne journalière de boissons vendues s'élevant à 86, soit pour un nombre de jours d'ouverture de l'établissement s'élevant à 312, un nombre total de 26 832 boissons, le ministre fait valoir à juste titre, qu'ainsi qu'il a été indiqué au point 5, le dépouillement exhaustif des factures d'achats de sodas avait permis d'établir que la SARL Ferma avait acheté 57 595 unités en 2009 ; qu'enfin si la société esquisse une méthode alternative, cette méthode se borne à extrapoler un chiffre d'affaires pour l'année 2011, qui n'est pas en litige, à partir des tickets clients du 5 au 19 mars 2011, sans prendre en compte par ailleurs les données propres aux années 2008 et 2009, contrairement à la méthode de l'administration ; que cette méthode alternative ne peut donc être retenue ; qu'il s'ensuit que la société Ferma n'établit pas le caractère excessivement sommaire et vicié dans son principe de la méthode proposée par le service, ni, partant, l'exagération des suppléments d'imposition litigieux ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ferma n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; que, faute de dépens dans la présente instance, les conclusions de la société Ferma tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Ferma est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Ferma et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 janvier 2017.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01061
Date de la décision : 24/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : LABINY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-24;15pa01061 ?
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