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30/12/2016 | FRANCE | N°16PA02489

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 30 décembre 2016, 16PA02489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1521110/6-2 du 23 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2016, et un mémoire en répliq

ue, enregistré le 28 novembre 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1521110/6-2 du 23 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 28 novembre 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1521110/6-2 du 23 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas le mémoire en réplique enregistré le 19 février 2016.

Sur l'ensemble des décisions attaquées :

- l'arrêté du 12 juin 2015 est insuffisamment motivé ;

- l'auteur de l'arrêté attaqué est incompétent ;

- le préfet n'a pas effectué un examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- il n'a pas été entendu spécifiquement pour la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2016, le préfet de police conclut au non lieu à statuer partiel, s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 2 avril 2017 a eu pour effet d'abroger les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions sont donc devenues sans objet ;

- les moyens soulevés par M. B... à l'encontre de la décision de refus de séjour sont infondés.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du

24 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que M. B..., ressortissant haïtien, né le 7 juillet 1964 à Pilate, entré en France le 18 janvier 2013 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'une carte de résident sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa demande d'octroi du statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 juin 2014, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 11 février 2015 ; que, par un arrêté du 12 juin 2015, le préfet de police a rejeté sa demande de carte de résident et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que M. B... relève régulièrement appel du jugement du 23 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision du 17 octobre 2016, postérieure à l'introduction de la requête, le préfet de police a délivré à M. B... une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 2 avril 2017, laquelle a eu pour effet d'abroger les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; que le préfet de police est donc fondé à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions sont donc devenues sans objet ; qu'il en est de même des conclusions à fin d'injonction présentées à titre subsidiaire et tendant au réexamen de la situation administrative de l'intéressé ;

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision " (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en ne visant pas, dans le jugement attaqué, le mémoire complémentaire enregistré par le greffe le 19 février 2016, alors que, par une ordonnance du même jour, le

vice-président de la 6ème section avait rouvert l'instruction, le Tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'une irrégularité ; que dans ces conditions, M. B... est fondé à en demander l'annulation en tant qu'il statue sur le refus de séjour ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris afférentes au refus de séjour ;

En qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que le code susvisé de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, après avoir indiqué la situation personnelle du requérant, mentionne qu'il ne peut prétendre à la délivrance d'une carte de résident au titre du 8° de l'article L. 314-11 ou d'une carte de séjour temporaire et au titre de l'article L. 313-13 du même code dès lors que, par une décision du 11 juin 2014, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a refusé l'octroi de la qualité de réfugié et de la protection subsidiaire et que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 février 2015 ; qu'enfin, il indique que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale et que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires audit article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans le pays où il est effectivement admissible ; que, par suite, les moyens tirés d'un défaut de motivation de la décision attaquée et d'examen de la situation personnelle de l'intéressé ne peuvent qu'être écartés ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B... fait valoir que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence, cet arrêté a été signé par M. C... D..., adjoint au chef du 10ème bureau de la préfecture de police, qui disposait d'une délégation du préfet de police par un arrêté n° 2015-00163 du 16 février 2015, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 24 février 2015, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, dont relèvent les décisions relatives à la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. B... ne peut utilement, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 12 juin 2015, exciper de l'illégalité d'une précédente décision de refus de titre de séjour du 12 avril 2014 dont la décision attaquée ne fait pas application ni n'en constitue la base légale ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile qui lui a été refusée par une décision de l'OFPRA du 31 mai 2013, confirmée par une décision de la CNDA du 20 décembre 2013 ; que par une décision du 11 juin 2014 l'OFPRA a rejeté la demande tendant au réexamen de son admission au séjour au titre de l'asile, confirmée par la CNDA le 11 février 2015 ; que si M. B... soutient que la décision de la CNDA du 20 décembre 2013 ne lui a pas été notifiée, il ne conteste pas que la décision de la CNDA du 11 février 2015, qui fonde l'arrêté en litige, lui a été notifiée le 26 février 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de notification de la décision du 20 décembre 2013 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

11. Considérant que si M. B... fait valoir qu'il est entré en France en 2013 et y a établi ses centres d'intérêts privés et familiaux, il est sans charge de famille en France, ne justifie pas y travailler, ni y être particulièrement intégré ; que s'il soutient avoir une conjointe française qui réside à Mussidan ainsi qu'une soeur qui a demandé l'asile sur le territoire français, il n'apporte aucun élément à l'appui de ces allégations ; que, par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées ni commis d'erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour du 12 juin 2015 doit être rejetée ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions subséquentes à fin d'injonction présentées par M. B... ; qu'enfin il y a lieu de rejeter, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi présentées par M. B..., ainsi que sur ses conclusions à fin d'injonction présentées à titre subsidiaire et tendant au réexamen de sa situation administrative.

Article 2 : Le jugement n° 1521110/6-2 du 23 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il statue sur la décision de refus de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02489
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SIMORRE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;16pa02489 ?
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