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30/12/2016 | FRANCE | N°16PA00457

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 30 décembre 2016, 16PA00457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1521096 du 28 décembre 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2016, M. A...demande à la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1521096 du 28 décembre 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2016, M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 décembre 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 22 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées ;

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a procédé à deux reprises à une substitution de base légale ;

- la décision de placement en rétention est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il justifie des garanties de représentation suffisantes ;

- en ce qui concerne cette décision le premier juge a entaché son jugement d'une erreur de fait puisqu'il n'est pas dépourvu de passeport ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Petit a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B...A..., né le 26 septembre 1967, de nationalité ivoirienne, est entré en France le 2 décembre 2014 muni d'un visa ; que par un arrêté du 22 décembre 2015, le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a décidé son placement en rétention administrative ; que par un jugement du 28 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. A...fait appel de ce jugement ;

Sur le moyen dirigé contre l'ensemble des décisions litigieuses :

2. Considérant, en premier lieu, que les décisions attaquées comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elles sont ainsi suffisamment motivées au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré " ;

4. Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision eût dû être prise ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré régulièrement en France le 2 décembre 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa ; que l'arrêté contesté du 22 décembre 2015 est fondé sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code précité ; que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a, dans les conditions prévues au point précédent et après en avoir informé les parties lors de l'audience publique du 28 décembre 2015, procédé à une substitution de base légale après avoir constaté que M. A...s'était maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour et qu'il pouvait, par suite, faire l'objet d'une telle obligation de quitter le territoire sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français a été prise sur le fondement d'une disposition législative inapplicable en l'espèce doit être écarté ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine (...)Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...)b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, sans jamais avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que, pour refuser de lui octroyer un délai de départ volontaire, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur les dispositions du d) et du f) du 3° du II du code précité ; que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a, dans les conditions prévues au point 4 ci-dessus et après en avoir informé les parties lors de l'audience publique du 28 décembre 2015, procédé à une substitution de base légale après avoir constaté que M. A...s'était maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa et qu'il n'avait jamais sollicité son admission au séjour, et qu'il pouvait en conséquence être privé d'un délai de départ volontaire sur le fondement du b du 3° du II du code précité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant à M. A...l'octroi d'un délai de départ volontaire serait dépourvue de base légale doit être écarté ;

Sur la décision décidant du placement en rétention administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...)6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ;

9. Considérant que s'il est constant que le départ de M. A...pour la Côte d'Ivoire ne pouvait se faire immédiatement en raison des formalités nécessaires à l'organisation matérielle de sa reconduite à la frontière, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé présentait des garanties de représentation suffisantes puisqu'il était en possession d'un passeport ivoirien valide à la date de l'arrêté attaqué et justifiait d'une adresse fixe ; que, dans ces conditions, le placement en rétention de l'intéressé n'était pas nécessaire et le préfet a donc commis une erreur d'appréciation en retenant cette mesure au lieu de l'assigner à résidence ; qu'en conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A...tiré de l'erreur de fait commise par le premier juge, cette décision est entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant que M. A...soutient qu'en cas de retour en Côte d'Ivoire, il serait exposé à de tels traitements en raison de son engagement politique ; qu'il n'a toutefois pas déposé de demande d'asile lors de son arrivée en France ; que la production d'une carte d'adhésion à un parti politique n'est pas de nature, à elle seule, à caractériser un tel risque ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2015 le plaçant en rétention administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 décembre 2015 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la décision de placement en rétention administrative.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 22 décembre 2015 est annulé en tant qu'il a décidé le placement en rétention administrative de M.A....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau , président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

V. PETIT

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 16PA00457

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00457
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BAGNAFOUNA JOSEPH

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;16pa00457 ?
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