Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Passerelle a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant à ces exercices.
Par un jugement n° 1500978/1-3 du 10 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2015, la société Passerelle représentée par Me A... B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500978/1-3 du 10 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant à ces exercices ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige.
Elle soutient que :
- elle a été privée d'une garantie dès lors que l'administration a refusé d'instruire sa nouvelle réclamation contentieuse ;
- le vérificateur a procédé à l'emport irrégulier de pièces comptables, à savoir la balance générale de 2010 et 2011, au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ;
- elle détient l'intégralité des attestations qu'elle produira devant la Cour et qui ont été fournies par les clients particuliers ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts ;
- elle produira les factures attestant du respect des conditions de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée fixées par les dispositions du 1. du II de l'article 271 du même code ;
- le profit sur le Trésor rectifié résulte de rappels de taxe sur la valeur ajoutée mal fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour le rejet de la requête.
Le ministre des finances et des comptes publics fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société Passerelle n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée Passerelle, qui réalise notamment des travaux de rénovation et d'installation de chaudières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010 et 2011 ; qu'au cours de ce contrôle, l'administration a, d'une part, remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, appliqué par la société requérante à la taxe collectée afférente à ces opérations, lorsqu'une attestation régulière n'avait pas été produite lors du contrôle et, d'autre part, remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible lorsqu'aucune facture justificative n'avait été présentée ; que la société Passerelle, après avoir contesté en vain les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui en ont résulté, ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la rectification du profit sur le Trésor correspondant, relève appel du jugement n° 1500978/1-3 du 10 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur la régularité de la procédure :
En ce qui concerne le rejet de la réclamation contentieuse :
2. Considérant que, comme l'a jugé à juste titre le tribunal administratif, les vices qui entachent soit la procédure d'instruction par l'administration de la réclamation d'un contribuable, soit la décision par laquelle cette réclamation est rejetée font obstacle à ce qu'une fin de non-recevoir tirée de la forclusion puisse être opposée au contribuable devant le tribunal administratif, mais sont sans incidence, tant sur la régularité que sur le bien-fondé de l'imposition ; que, par suite, le moyen selon lequel l'administration, en opposant une décision de rejet identique à celle notifiée en réponse à la première réclamation de la société Passerelle, aurait refusé d'instruire la nouvelle réclamation contentieuse de la requérante régulièrement présentée dans les délais prévus à l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales et aurait ainsi privé la contribuable d'une garantie ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne l'emport de documents comptables :
3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que, toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration, qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées ; qu'en outre, cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
4. Considérant que la société Passerelle soutient que lors du premier rendez-vous, le 8 janvier 2013, date à laquelle la gérante de l'entreprise n'était pas assistée de son conseil, le vérificateur a procédé à l'emport irrégulier des balances générales des exercices 2010 et 2011 en l'absence de demande écrite de la gérante et de remise d'un reçu par le vérificateur ; que, toutefois, la réalité de l'emport allégué de documents comptables ne ressort pas de l'instruction ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'emport irrégulier de tels documents doit être écarté comme manquant en fait ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R*. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Passerelle n'a pas répondu à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 avril 2014 et dont procèdent les impositions en litige à la suite de la vérification de sa comptabilité ; qu'elle est par suite réputée avoir tacitement accepté les rectifications qui lui ont été notifiées et supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en application des dispositions précitées de l'article R*. 194-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en tout état de cause, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans (...) / 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'application du taux réduit est soumis à la double condition que le preneur établisse, à la date du fait générateur de la taxe, ou au plus tard à celle de la facturation, une attestation selon laquelle les travaux effectués remplissent les conditions posées par cet article et que la personne qui réalise ces travaux, et qui établit la facturation, conserve cette attestation à l'appui de sa comptabilité ;
8. Considérant que l'examen des factures adressées par la société requérante à ses clients a mis en évidence l'absence de certaines attestations exigées en application des dispositions précitées de l'article 279-0 bis du code général des impôts et l'existence d'attestations datées postérieurement à la date de facturation des travaux ; que dès lors que la société Passerelle n'a pas produit, tant devant l'administration fiscale que devant le juge, les justificatifs en cause qu'elle devait conserver à l'appui de sa comptabilité, le service était fondé à rappeler la différence de taxe entre le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée et le taux réduit ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels (...) " ; qu'il en résulte que le droit, pour un contribuable, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée d'amont est subordonné à la production des factures que cette taxe a grevées ;
10. Considérant que la société Passerelle ne produit pas davantage, tant devant le juge qu'au cours du contrôle, les factures qu'elle affirme détenir sur lesquelles figurerait la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 5 670 euros, dont l'administration a rejeté la déduction sur le fondement des dispositions précitées ; que l'administration fiscale a pu, dès lors, à bon droit remettre en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures en cause ;
En ce qui concerne le profit sur le Trésor :
11. Considérant que lorsqu'une entreprise procède à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des prestations dont la réalité n'est pas établie, l'administration est en droit de procéder au rappel de taxe sur la valeur ajoutée et, après déduction de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée des bases de l'impôt sur les sociétés en application de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, de réintégrer dans les bases de l'impôt sur les sociétés un profit sur le Trésor du même montant que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée notifié ;
12. Considérant que la société Passerelle se borne à soutenir que " les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont contestés dans leur intégralité " ; que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 9 et 10, le moyen tiré de ce que le profit sur le Trésor en cause, égal à 5 670 euros, ne pouvait donner lieu à rectification, ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Passerelle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de sa requête tendant à l'annulation dudit jugement et à la décharge des impositions litigieuses ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er: La requête de la société Passerelle est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Passerelle et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal Paris Centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 12 avril 2016 à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 10 mai 2016.
Le rapporteur,
A. MIELNIK-MEDDAH
Le président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03617