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15/04/2016 | FRANCE | N°15PA00098

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 15 avril 2016, 15PA00098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département du Val-de-Marne a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler le titre exécutoire émis par le maire de la commune de Plessis-Trévise le 6 novembre 2012 pour un montant de 209 144,52 euros pour l'utilisation par les élèves du collège Albert Camus des équipements sportifs communaux au titre de l'année scolaire 2010/2011.

Par un jugement n° 1301799 du 29 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req

uête enregistrée le 7 janvier 2015 et un mémoire enregistré le 12 octobre 2015, le départemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département du Val-de-Marne a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler le titre exécutoire émis par le maire de la commune de Plessis-Trévise le 6 novembre 2012 pour un montant de 209 144,52 euros pour l'utilisation par les élèves du collège Albert Camus des équipements sportifs communaux au titre de l'année scolaire 2010/2011.

Par un jugement n° 1301799 du 29 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2015 et un mémoire enregistré le 12 octobre 2015, le département du Val-de-Marne, représenté par la SCP Seban et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 29 octobre 2014 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis par le maire de la commune du Plessis-Trévise le 6 novembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Plessis-Trévise la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'état exécutoire est irrégulier ; en effet, tout état exécutoire doit contenir les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis, y compris lorsqu'il est émis par une collectivité territoriale ; en l'espèce, les mentions figurant sur le titre exécutoire sont insuffisantes ; le renvoi à une délibération dont le numéro est erroné ne peut valoir information préalable sur les bases de la liquidation ; la délibération ayant fixé le montant de la redevance ne permet pas, en tout état de cause, de connaître les modalités de détermination de ce montant ;

- par ailleurs, ce titre exécutoire ne comporte pas la mention du nom et du prénom de son auteur, ni la signature de celui-ci, en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 et du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- le montant de la redevance a été fixée de manière arbitraire par la délibération du conseil municipal du 25 juin 2012, sans lien avec le service rendu ; la référence aux coûts de l'année 2009 ne peut être admise ; la charge de la preuve du bien-fondé du montant de la redevance incombe à la commune, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif ; la commune n'a jamais été à même d'apporter les éléments attestant de la réalité du coût d'utilisation de l'équipement.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2015, la commune du Plessis- Trévise, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge du département du Val-de-Marne au titre de l'article

L. 761-1du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 novembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 62-1587 du 30 décembre 1962 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2016 ;

- le rapport de Mme. Petit,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me B...pour le département du Val-de-Marne,

- et les observations de Me A...pour la commune du Plessis-Trévise.

1. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'éducation, la commune du Plessis-Trévise a sollicité du département du Val-de-Marne une contribution au coût de fonctionnement de trois de ses équipements sportifs, fréquentés notamment par les élèves du collège Albert Camus, implantés dans la commune ; qu'en l'absence d'accord et en application de l'article L. 1311-15 du code général des collectivités territoriales, la commune a fixé par, une délibération du 25 juin 2012, le montant de cette contribution pour l'année scolaire 2010/2011 à la somme de 209 144,52 euros ; que le maire a ensuite émis, le 6 novembre 2012, un titre exécutoire en vue de recouvrer cette somme ; que par un jugement du 29 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande du département tendant à l'annulation de ce titre exécutoire ; que le département du Val-de-Marne fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si le tribunal administratif a écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance, par l'état exécutoire du 6 novembre 2012, de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 30 décembre 1962, il a omis de répondre au moyen tiré de ce que cet état exécutoire méconnaissait le principe selon lequel tout état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance ; que, par suite, le jugement du 29 octobre 2014 est irrégulier et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le département du Val-de-Marne devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur la légalité de l'état exécutoire du 6 novembre 2012 :

4. Considérant, en premier lieu, que si le premier alinéa de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur, en vertu duquel tout ordre de recette émis pour le recouvrement de créances de l'Etat "doit indiquer les bases de la liquidation", n' était pas applicable aux états exécutoires émis par les collectivités territoriales, est néanmoins applicable à celles-ci le principe selon lequel tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ; qu'en l'espèce, si l'état exécutoire du 6 novembre 2012 se borne à indiquer trois montants, respectivement de 55 144,80 euros, 116 363,52 euros et 37 636,20 euros et comporte les mentions suivantes, au titre de la rubrique " Objet et décompte de la recette " : " remboursement de l'utilisation d'installations sportives, délibération n° 2011-030 " il résulte toutefois, de l'instruction que cet état exécutoire se réfère à une délibération du conseil municipal du 25 juin 2012 ; qu'en admettant même que son numéro ait été entaché d'une erreur matérielle, cette délibération, relative à l'année scolaire 2010-2011, ne pouvait être confondue avec une autre délibération qui aurait été prise en 2011 ; qu'elle a été adressée au département du Val-de-Marne le 2 août 2012 et publiée au recueil des actes administratifs de la commune; que cette délibération distingue clairement les trois installations sportives utilisées par les élèves du collège Albert Camus, le coût horaire de l'utilisation de chacune d'entre elles, le nombre d'heures hebdomadaires d'utilisation par le département ainsi que le nombre de semaines concernées ; qu'ainsi, les bases de la liquidation ont été indiquées au département antérieurement à l'émission de l'état exécutoire, lequel n'a eu pour objet et pour effet que de permettre l'application de cette délibération ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du titre contesté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté./Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; qu'aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public compétent lui adresse une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais./En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. /Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation " ;

6. Considérant que le législateur, qui a eu pour objectif d'améliorer l'accès des citoyens aux règles de droit et la transparence administrative, n'a pas entendu régir, par les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, ainsi que celles de l'article L. 1617-5 précité, qui s'y réfèrent, les relations entre les personnes morales de droit public ; que, par suite, une collectivité territoriale ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre d'une décision émise par un établissement public administratif ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que le titre litigieux serait irrégulier, dès lors qu'il ne satisferait pas aux exigences de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, faute de comporter la signature, le nom et la qualité de son auteur, doit être écarté ;

7. Considérant par ailleurs que la circonstance que l'exemplaire remis au redevable ne comporte pas de signature n'entache pas d'illégalité le titre de recettes, dès lors qu'il n'est pas allégué que le bordereau dont la référence figure sur ce titre ne serait pas signé ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 3111-15 du code général des collectivités territoriales: " L'utilisation d'équipements collectifs par une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat mixte fait l'objet d'une participation financière au bénéfice de la collectivité territoriale, de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte propriétaire de ces équipements. Toutefois, lorsque l'équipement concerné est affecté à l'exercice d'une compétence transférée à l'établissement public de coopération intercommunale ou au syndicat mixte par la collectivité ou l'établissement utilisateurs de cet équipement, cette disposition n'est pas applicable à cette collectivité ou à cet établissement./ Le montant de la participation financière est calculé par référence aux frais de fonctionnement des équipements. Les modalités de calcul de cette participation sont définies par convention passée entre le propriétaire et la collectivité, l'établissement ou le syndicat utilisateurs. A défaut de signature de cette convention au terme d'un délai d'un an d'utilisation de cet équipement, le propriétaire détermine le montant de cette participation financière qui constitue une dépense obligatoire pour l'utilisateur. " ; que la délibération du conseil municipal du 25 juin 2012 fixant les modalités de calcul de la participation due par le département pour l'utilisation de trois équipements sportifs constitue la base légale de l'état exécutoire en litige ; que si cette délibération se réfère aux coûts de l'année 2009, et à non à ceux de l'année en cours, qui ne pouvaient être connus de manière précise que lors de l'établissement du compte administratif de l'année 2012, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs même pas allégué, que les coûts de fonctionnement des trois équipements sportifs auraient diminué entre 2009 et 2011 ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que les coûts horaires retenus par la commune auraient été calculés de manière arbitraire, sans prendre en compte le montant total des frais de fonctionnement de ces équipements ; que le département n'est donc pas fondé à soutenir que cette délibération serait entachée d'illégalité et priverait de base légale le titre contesté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département du Val-de-Marne n'est pas fondé à demander l'annulation de l'état exécutoire du 6 novembre 2012 ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement à la commune du Plessis-Trévise de la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301799 du Tribunal administratif de Melun du 29 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le département du Val-de-Marne devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le département du Val-de-Marne versera à la commune du Plessis-Trévise la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département du Val-de-Marne et à la commune du Plessis-Trévise.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2016 , à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs-Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur ;

- Mme Petit, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 avril 2016.

Le rapporteur,

V. PETIT Le président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00098


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00098
Date de la décision : 15/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-01 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques. Existence.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-15;15pa00098 ?
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