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27/11/2015 | FRANCE | N°14PA01408,14PA01425

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 27 novembre 2015, 14PA01408,14PA01425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des décisions portant refus de titre de séjour dont elle a fait l'objet les 10 décembre 2004 et 21 juillet 2009 et d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, d'une part, de lui établir une attestation confirmant qu'elle aurait dû bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiante entre 1998 et 2009 et, d'autre part, de lui attribuer un logement so

cial F2 ou F3 d'une superficie d'au moins 50 mètres carré.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des décisions portant refus de titre de séjour dont elle a fait l'objet les 10 décembre 2004 et 21 juillet 2009 et d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, d'une part, de lui établir une attestation confirmant qu'elle aurait dû bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiante entre 1998 et 2009 et, d'autre part, de lui attribuer un logement social F2 ou F3 d'une superficie d'au moins 50 mètres carré.

Par un jugement n 1106526/2 du 28 janvier 2014, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 5 000 euros et a rejeté les surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par deux requêtes, enregistrées le 31 mars 2014, sous les n°s 14PA01408 et 14PA01425, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2014 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 5 000 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- aucune décision n'était encore intervenue, à la suite de la réclamation préalable de Mme B..., lorsque celle-ci a saisi le tribunal administratif ; la demande était donc prématurée et, par suite, irrecevable ;

- la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée, les préjudices allégués n'étant ni directs ni certains ; ces préjudices sont la conséquence du maintien de l'intéressée, en situation irrégulière, sur le territoire français.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 avril 2015, 26 mai 2015 et 29 mai 2015, MmeB..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, à ce que, par la voie de l'appel incident, le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de l'Etat soit porté à la somme de 150 019, 36 euros, enfin à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés ;

- elle a subi plusieurs préjudices : perte de l'allocation personnalisée au logement, perte de la bourse qui lui était versée par la Guinée, radiation de la sécurité sociale et de la complémentaire santé, perte de la bourse délivrée par la commune de Bonneuil-sur-Marne pour le passage du permis de conduire, dettes privées et locatives, préjudice moral.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Petit, rapporteur,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant que par jugements du Tribunal administratif de Melun du 5 avril 2007 et du 1er décembre 2009, dont le second a été confirmé par la Cour administrative d'appel de Paris le 8 juillet 2011, et qui sont devenus tous deux définitifs, le tribunal a annulé les décisions du préfet du Val-de-Marne du 10 décembre 2004 et du 21 juillet 2009 refusant à MmeB..., de nationalité guinéenne, la délivrance d'un titre de séjour et faisant obligation à celle-ci de quitter le territoire français, au motif qu'elles étaient entachées d'une erreur d'appréciation quant au caractère réel et sérieux des études poursuivies par l'intéressée ; que par un jugement du 28 janvier 2014, le Tribunal administratif de Melun a estimé que ces décisions illégales étaient de nature à engager la responsabilité de l'Etat et a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices ; que le préfet du Val-de-Marne fait appel de ce jugement ; que Mme B... demande, par la voie de l'appel incident, que le montant de la condamnation prononcée en première instance contre l'Etat soit porté à la somme de 150 019, 36 euros ;

2. Considérant que les requêtes n°s 14PA01408 et 14PA01425 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu d'y statuer par un seul arrêt ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a présenté une demande d'indemnisation reçue par le préfet du Val-de-Marne le 21 août 2011 ; que si, sans attendre la réponse apportée à sa demande, elle a saisi la juridiction administrative le 29 août 2011, une décision implicite de rejet, liant le contentieux, est née le 21 octobre 2011, soit antérieurement à la date à laquelle le tribunal administratif s'est prononcé sur le recours de MmeB... ; qu'ainsi, la demande de première instance était recevable ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

4. Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 7 de la même loi : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond " ; que le préfet du Val-de-Marne n'a pas opposé la prescription quadriennale avant que le tribunal administratif se prononce sur le fond du litige qui lui était soumis ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale doit être écartée ;

Sur la responsabilité :

5. Considérant que, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, l'illégalité des arrêtés du préfet du Val-de-Marne du 10 décembre 2004 et du 21 juillet 2009 est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur le préjudice :

6. Considérant qu'il est constant que les arrêtés en litige ont placé à tort Mme B...dans une situation de séjour irrégulier entre, d'une part, décembre 2004 et mai 2007, d'autre part entre juillet 2009 et décembre 2009 ; que, compte tenu de l'illégalité de ces arrêtés, le préfet ne peut utilement soutenir que la requérante, en ne quittant pas la France, ne saurait prétendre à une indemnisation ;

7. Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient qu'elle a perdu de ce fait le bénéfice de plusieurs avantages sociaux réservés aux étrangers en situation régulière ; que s'il ressort des pièces produites en première instance que la requérante a effectué en 2008 des démarches auprès la préfecture du Val-de-Marne, restées infructueuses, tendant à obtenir, conformément à une demande de la caisse d'allocations familiales, une attestation indiquant qu'elle aurait dû bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, elle n'établit pas qu'elle remplissait les autres conditions nécessaires à l'obtention ou au maintien d'une allocation d'aide personnalisée au logement ; que les pièces versées au dossier ne suffisent pas, par ailleurs, à établir que Mme B...aurait, pendant les périodes précitées, continué à percevoir la bourse d'études qui lui avait été accordée par le gouvernement guinéen si son séjour avait été régulier ; que la requérante ne justifie pas de l'existence de frais de santé qui seraient restés à sa charge ; qu'elle n'établit pas davantage qu'elle aurait bénéficié de plein droit, si elle avait détenu un titre de séjour étudiant, d'une bourse délivrée par la commune de Bonneuil-sur-Marne pour passer son permis de conduire ; qu'enfin, Mme B...n'établit pas que les dettes locatives et privées dont elle est redevable seraient la conséquence directe de la privation illégale de son droit à un titre de séjour en qualité d'étudiant pendant les périodes précitées ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les préjudices matériels invoquées par Mme B...ne peuvent être regardés comme établis ;

8. Considérant, en second lieu, que Mme B...a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence en étant privée, entre décembre 2004 et mai 2007 d'une part, et entre juillet 2009 et décembre 2009 d'autre part, d'un titre de séjour " étudiant " ; que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ces préjudices en les évaluant à la somme globale de 5 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice total de Mme B...doit être fixé, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, à la somme de 5 000 euros ; que, par suite, l'appel principal et l'appel incident doivent être rejetés ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la requérante de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Val-de-Marne et l'appel incident de Mme B...sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2015.

Le rapporteur,

V. PETIT

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°s 14PA01408, 14PA01425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01408,14PA01425
Date de la décision : 27/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CERF

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-27;14pa01408.14pa01425 ?
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