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24/11/2015 | FRANCE | N°15PA00877

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 24 novembre 2015, 15PA00877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 avril 2014 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1422675/5-3 du 21 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour d'un an portant la mention

" vie privée et familiale ", dans le délai de trois mois suivant la notification du ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 avril 2014 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1422675/5-3 du 21 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trois mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1422675/5-3 du 21 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 avril 2014 par lequel il a refusé à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'arrêté susvisé n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- il y a lieu de se référer à ses écritures de première instance, s'agissant des autres moyens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2015, et un mémoire, enregistré le 26 octobre 2015, MmeA..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 794 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la requête du préfet est tardive ;

- l'arrêté susvisé a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour, insuffisamment motivée et entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé lié par la décision de refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dellevedove,

- et les observations de Me Wouters, avocat de Mme A....

1. Considérant que MmeA..., ressortissante Guinéenne, née le 31 mars 1995, est entrée en France le 20 mai 2011 selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité le 10 octobre 2013 son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par l'arrêté contesté du 23 avril 2014, le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 21 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme A...un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (... ) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...)" ;

3. Considérant, en premier lieu, que Mme A...fait valoir que son oncle chez lequel elle a été placée à la suite du décès de ses parents la maltraitait en sorte qu'elle a du quitter son pays d'origine où elle n'a plus d'attaches familiales ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a produit devant les premiers juges trois jugements supplétifs du tribunal de première instance de Conakry du 15 mai 2014 tenant lieu d'acte de naissance pour elle-même à Conakry, le 31 mars 1995, et d'actes de décès pour ses parents, intervenus lors d'une manifestation à Conakry le 28 septembre 2009, lesquels ont été retranscrits sur les registres de l'État civil de cette commune ; qu'il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux ; qu'en se bornant en l'espèce à soutenir que ces actes seraient des faux, le préfet de police n'établit pas le caractère frauduleux de ces documents ; qu'il s'ensuit que le décès des parents de l'intéressée à la date susmentionnée doit être regardé comme établi ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il est constant, que dès son arrivée sur le territoire français à l'âge de seize ans, Mme A...a été prise en charge jusqu'à sa majorité par les services de l'aide sociale à l'enfance de Paris, puis a bénéficié de contrats d'aide aux jeunes majeurs ; qu'à la date de l'arrêté contesté, elle suivait une scolarité en première année de lycée professionnel en vue de préparer le certificat d'aptitude professionnelle d'assistante technique en milieu familial et collectif ; que tous ses éducateurs, ses professeurs ainsi que ses tuteurs de stage témoignent du sérieux, de l'assiduité, et de la motivation de Mme A...dans ses études, ainsi que de sa volonté réelle d'intégration dans la société française ;

5. Considérant que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet de police a, en refusant à la requérante de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées de l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel, que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a, pour ce motif, annulé son arrêté du 23 avril 2014 refusant à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de destination, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ait obtenu ni même sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon président assesseur,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2015.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVELe président,

B. EVEN

Le greffier,

A-L. CALVAIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00877
Date de la décision : 24/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: M. CANTIE
Avocat(s) : PEIFFER-DEVONEC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-24;15pa00877 ?
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