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30/09/2015 | FRANCE | N°14PA04669

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 septembre 2015, 14PA04669


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2014 par lequel le préfet de police lui a retiré la carte de résident dont elle était titulaire.

Par un jugement n° 1403663 du 17 septembre 2014, le Tribunal administratif de Paris annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2014, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403663 du 17 septembre 2014 du

Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2014 par lequel le préfet de police lui a retiré la carte de résident dont elle était titulaire.

Par un jugement n° 1403663 du 17 septembre 2014, le Tribunal administratif de Paris annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2014, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403663 du 17 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en retirant à Mme A...sa carte de résident, dès lors que cette mesure était justifiée par des considérations d'ordre public ; en effet, l'intéressée a été condamnée le 28 octobre 2008 par le tribunal correctionnel de Bobigny à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, pour travail dissimulé, emploi d'un étranger sans autorisation de travail et aide au séjour irrégulier d'un étranger en France ;

- la décision contestée, qui n'est pas assortie d'une mesure d'éloignement, ne porte pas atteinte au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au regard de sa situation personnelle, Mme A...ayant au demeurant, obtenu le 18 juin 2014 une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

- il renvoie à ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par MmeA... ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2015, Mme A..., représentée par Me Shebabo, conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- justifiant d'une résidence habituelle en France depuis 2002, le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour préalablement à sa décision en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a commis une erreur de droit et méconnu le paragraphe 1 de l'article 4 du 7ème protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'arrêté litigieux constitue une double peine, dès lors qu'elle a déjà été pénalement condamnée pour les faits qui lui ont été reprochés et qu'elle a exécuté cette peine ; la condamnation prononcée par Tribunal correctionnel de Bobigny du 28 octobre 2008 était, au demeurant, réputée non avenue et n'était plus accessible aux autorités administratives à la date de l'arrêté litigieux en application des dispositions des articles 774 et 775 du code de procédure pénale ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle renvoie à ses écritures produites devant le Tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Blanc,

- et les observations de Me Shebabo, avocat de MmeA....

1. Considérant que MmeA..., de nationalité chinoise, entrée en France en 2002, a obtenu à la suite de son mariage avec un ressortissant iranien, ayant le statut de réfugié, la délivrance d'une carte de résident, valable du 5 janvier 2006 au 4 janvier 2016 ; qu'ayant égaré ce titre de séjour, elle a demandé le 24 octobre 2013 aux services de la préfecture de police la délivrance d'un duplicata ; que, toutefois, par courrier du 12 novembre 2013, le préfet de police l'a informée de son intention de rejeter sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de sa condamnation, le 28 octobre 2008, par le Tribunal correctionnel de Bobigny, à trois mois de prison avec sursis et 2 000 euros d'amende pour exécution d'un travail dissimulé, emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié et aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ; qu'après examen des observations présentées par MmeA..., le préfet de police a, par arrêté du 14 janvier 2014, décidé de lui refuser la délivrance d'un duplicata et retiré la carte de résident dont elle était titulaire ; qu'il relève appel du jugement du 17 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, ayant occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6 du code du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 14 janvier 2014 par lequel le préfet de police a retiré la carte de résident dont était titulaire MmeA..., le tribunal administratif, aux termes du jugement attaqué, a estimé que cette décision avait porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant que si le préfet de police n'a pas obligé Mme A...à quitter le territoire français, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne lui a délivré un nouveau titre de séjour que le 18 juin 2014, soit postérieurement à l'arrêté litigieux, d'une durée de validité au demeurant inférieure à la carte de résident qui lui avait été retirée ; que, par suite, Mme A...peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui de son recours dirigé contre l'arrêté du 14 janvier 2014, qui a eu pour effet de mettre fin au droit dont elle disposait de séjourner en France ;

5. Considérant que si les faits reprochés à MmeA..., pour lesquels elle a été pénalement condamnée, relèvent de ceux visés par les dispositions de l'article L. 314-6 précitées, pour lesquels l'autorité administrative peut décider le retrait de la carte de résident dont bénéficie un travailleur étranger, ces faits, commis au cours de l'année 2008, étaient toutefois anciens de plus de cinq ans à la date de l'arrêté litigieux ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que Mme A...réside en France depuis l'année 2002, qu'elle a bénéficié, ainsi qu'il a été dit précédemment, à partir de l'année 2006, d'une carte de résident et que deux de ses soeurs sont de nationalité française ou titulaires d'une carte de résident ; que l'intéressée a exercé une activité d'auto-entrepreneur à partir de l'année 2009 dans le secteur des soins à la personne et qu'elle est actuellement gérante d'une société à responsabilité limitée, qu'elle a elle-même créée en 2012 ; qu'ainsi, au regard de ces circonstances, eu égard notamment aux conditions du séjour en France de Mme A...et à l'intensité des attaches dont elle dispose sur le territoire national, et alors même qu'elle est aujourd'hui divorcée et que ses enfants, devenus majeurs, sont retournés en Chine, l'arrêté contesté a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 janvier 2014 portant retrait de la carte de résident dont Mme A...était titulaire ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 septembre 2015.

Le rapporteur,

P. BLANC Le président,

D. DALLE

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04669


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04669
Date de la décision : 30/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SHEBABO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-09-30;14pa04669 ?
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