Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2014, présentée pour M. C...B...demeurant..., par Me A...; M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1307884/1-1 du 2 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 180 000 euros, ultérieurement ramenée à 175 000 euros, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'une faute commise par les services fiscaux ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 175 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour méconnaissance du principe du contradictoire car son mémoire en réplique, enregistré le 13 février 2014, n'a pas été communiqué à l'administration ;
- le jugement attaqué est irrégulier car le tribunal s'est fondé sur des motifs qui n'avaient pas été retenus pat l'administration dans son mémoire en défense ;
- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation s'agissant du moyen relatif à la méconnaissance des stipulations des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration n'avait pas commis de faute, en vertu de la jurisprudence Krupa, en lui appliquant la majoration car quand cette majoration a été acquittée en 2004 l'imposition était mal fondée légalement et la substitution de base légale opérée par le Conseil d'Etat par ses arrêts de 2006 et 2008 ne saurait s'étendre à ladite majoration qui relève du recouvrement de l'impôt et non de son assiette ;
- les dispositions de l'article 1730 du code général des impôts (ancien article 1761) sont incompatibles avec les stipulations des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
- dans l'hypothèse où la Cour annulerait le jugement attaqué, il se réfère à ses observations de première instance qu'il réitère, notamment s'agissant de l'exception de prescription quadriennale ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 avril 2015, présenté pour M. B...et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui maintient ses conclusions ;
Il reprend sa précédente argumentation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2015 :
- le rapport de M. Pagès, rapporteur,
- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
- et les observations de M.B... ;
1. Considérant qu'après avoir cédé, le 5 janvier 1987, les actions détenues dans la société anonyme dénommée " Société pour favoriser l'accession immobilière parisienne " (SFAIP), M. B... a, pour l'établissement de sa cotisation d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1987, déclaré la plus-value générée par cette vente selon le régime, prévu par l'article 160 du code général des impôts, d'imposition au taux proportionnel de 16 % ; que l'administration lui a cependant assigné des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, résultant de l'imposition de ladite plus-value au barème progressif, sur le fondement de l'article 92-1 du même code, qui ont été mises en recouvrement le 31 décembre 1991 ; qu'après que le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel de Paris eurent rejeté ses recours dirigés contre ces impositions supplémentaires l'intéressé a, le 16 septembre 2004, acquitté l'imposition et la majoration de 10 % prévue par l'article 1761 du code général des impôts alors en vigueur ; que par un arrêt du 18 janvier 2006, ayant donné lieu à un arrêt en rectification d'erreur matérielle en date du 29 août 2008, le Conseil d'Etat, s'il a jugé mal fondée l'imposition litigieuse, a cependant accueilli la demande, présentée par le ministre en cours d'instance devant lui, de substitution de base légale, tendant au remplacement, pour fondement légal de ladite imposition, de l'article 92-1 du code général des impôts, initialement retenu par le service, par l'article 150 A bis du même code alors applicable, et n'a par suite déchargé M. B..., à hauteur de 2 999 euros, que de la différence entre le supplément de cotisation qui lui avait été assigné et celui résultant de l'imposition de la plus-value litigieuse par application de ce dernier article ; que le requérant soutient avoir subi, du fait du paiement susmentionné, en 2004, de la majoration de 10 % pour paiement tardif, accessoire d'une imposition qui n'aurait été légalement établie qu'à compter de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 29 août 2008, un préjudice matériel qu'il a évalué finalement à une somme de 175 000 euros ; qu'il a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, à la condamnation de l'Etat à réparer ce préjudice par le versement à son profit de dommages-intérêts de ce montant ; que M. B...relève régulièrement appel du jugement du 2 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ladite demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; que M. B...se prévaut du fait que son mémoire en réplique, enregistré le
13 février 2014, n'a pas été communiqué à l'administration ; que si ledit mémoire en réplique contenait des éléments nouveaux, il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance du principe du contradictoire n'a pu préjudicier aux droits des parties du fait du rejet de la demande de M. B...par le tribunal ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé, au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions ; que le tribunal a appliqué ces principes en rejetant la demande indemnitaire de M. B...en jugeant en particulier que la réalité des préjudices invoqués n'était pas établie, ni le lien de causalité direct avec les fautes alléguées de l'administration, et alors d'ailleurs, au surplus, que le ministre délégué chargé du budget avait invoqué à titre subsidiaire dans son mémoire en défense l'absence de faute, de préjudice et de lien de causalité direct et certain ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le tribunal se serait " substitué littéralement " à l'administration pour assurer sa défense et aurait ainsi méconnu son office ;
4. Considérant, en dernier lieu, que pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention les premiers juges ont répondu : " contrairement à ce que soutient M. B..., le refus de la part de l'administration d'indemniser le préjudice qu'il invoque ne crée aucune discrimination entre les contribuables selon qu'ils ont été régulièrement assujettis ou non au paiement de la majoration, en méconnaissance des principes d'interdiction des discriminations et de protection de la propriété définis respectivement aux articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, par ailleurs, le requérant n'est pas fondé à invoquer, sans autre précision, la méconnaissance du principe garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention pris isolément ; " que, ce faisant, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre des finances et des comptes publics :
5. Considérant, en premier lieu, qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;
6. Considérant que M. B... soutient qu'à la date à laquelle il a acquitté la majoration de 10 % pour paiement tardif, le 16 septembre 2004 comme il a été dit, l'imposition à laquelle celle-ci se rapportait n'était pas encore légalement établie et que, par suite, aucun retard dans le paiement de l'impôt ne pouvant alors lui être reproché, ce versement lui a causé le préjudice dont il demande la réparation ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment des arrêts susvisés du Conseil d'Etat et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'article 150 A bis alors applicable du code général des impôts, soit une autre base légale que celle initialement retenue, justifiait ab initio l'imposition de la plus-value réalisée par M. B... en 1987 par suite de la cession de ses actions de la société SFAIP ; que c'est donc au plus tard le 15 du deuxième mois suivant celui de la mise en recouvrement du rôle, soit le 15 février 1992, en vertu de l'article 1761 du code général des impôts alors en vigueur, que le requérant aurait dû acquitter l'imposition exigible en résultant ; que tel n'a pas été le cas, M. B... n'ayant acquitté l'impôt et la majoration de 10 % que le 16 septembre 2004 ; que M. B...a donc acquitté avec retard l'impôt qu'il devait, circonstance qui suffit , en elle-même et à elle seule, à fonder la majoration de 10 % qui lui a été appliquée ; qu'il suit de là que , le préjudice qu'invoque M. B..., qui n'est pas distinct du paiement de cette majoration, ne trouve pas sa cause directe et certaine dans une faute détachable dudit paiement tardif qu'aurait commise l'administration en ayant initialement retenu une base légale erronée pour fonder les impositions litigieuses ; qu'ainsi, le requérant ne démontre pas la réalité des préjudices invoqués, ni leur lien de causalité direct avec les fautes alléguées commises par l'administration, étant entendu que le 26 juin 2006, l'administration lui a restitué une somme de 300 euros correspondant à la majoration de 10 % de la fraction d'impôt, de 2 999 euros, dont le Conseil d'Etat a prononcé la décharge, ainsi qu'il a été dit au point 1 ;
7. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit l'administration a légalement appliqué à M. B...la majoration de 10 % pour paiement tardif ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., le refus de la part de l'administration d'indemniser le préjudice qu'il invoque ne crée aucune discrimination entre les contribuables selon qu'ils ont été régulièrement assujettis ou non au paiement de la majoration, en méconnaissance des principes d'interdiction des discriminations et de protection de la propriété ou des biens définis respectivement aux articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2015, à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 9 juillet 2015.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03869