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29/06/2015 | FRANCE | N°14PA01114

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 29 juin 2015, 14PA01114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la culture et de la communication a refusé de retirer l'arrêté du 1er février 1982 prononçant la rétention d'un ensemble de meubles lui appartenant.

Par un jugement n° 1201655 du 29 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2014 et un mémoire enregistré le 5 janvier 2015,

M. A...D..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la culture et de la communication a refusé de retirer l'arrêté du 1er février 1982 prononçant la rétention d'un ensemble de meubles lui appartenant.

Par un jugement n° 1201655 du 29 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2014 et un mémoire enregistré le 5 janvier 2015, M. A...D..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle le ministre de la culture et de la communication a refusé de retirer l'arrêté du 1er février 1982 prononçant la rétention d'un ensemble de meubles lui appartenant ;

3°) d'enjoindre au ministre de la culture et de la communication de retirer l'arrêté du 1er février 1982 et de lui restituer les meubles retenus, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 2000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité, le tribunal administratif ayant dénaturé le sens des conclusions de première instance en estimant que celles-ci tendaient à l'abrogation de l'arrêté du 1er février 1982, alors qu'elles tendaient en réalité à son retrait ;

- l'arrêté du 1er février 1982 est illégal ; en effet, il n'était pas suffisamment motivé, comme l'a déjà jugé le Conseil d'Etat ; par ailleurs, la loi du 23 juin 1941, sur le fondement de laquelle a été pris l'arrêté, est contraire à la Constitution ;

- cet arrêté étant illégal, le refus de le retirer est également illégal ; en effet, l'arrêté a la nature d'une décision individuelle non créatrice de droits.

Par un mémoire distinct enregistré le 13 mars 2014 M. A...D...demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 2 de la loi du 23 juin 1941 relative à l'exportation des oeuvres d' art.

Il soutient que cette disposition méconnaît le droit de propriété garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire enregistré le 2 juin 2014 le ministre de la culture et de la communication demande à la Cour de rejeter la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Il soutient que :

- la loi du 23 juin 1941 a poursuivi un but d'utilité publique tenant à l'acquisition d'objets présentant un intérêt national d'histoire ou d'art au profit des collections nationales ;

- l'exigence constitutionnelle de versement juste et préalable de l'indemnité est remplie, le prix proposé correspondant à la valeur déclarée en douane.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2015, le ministre de la culture et de la communication conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la décision du 1er février 1982 dont le retrait est demandé est devenue définitive et que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 22 mai 2015, M. D...reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens.

Il soutient en outre que l'arrêté du 1er février 1982 n'est pas devenu définitif.

Par un nouveau mémoire en défense enregistré le 26 mai 2015, le ministre de la culture et de la communication reprend ses précédentes conclusions et les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la décision n° 2014-426 QPC du 14 novembre 2014 du Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 2595 du 23 juin 1941 relative à l'exportation des oeuvres d'art ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Petit,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant M.D...,

- et les observations de MeC..., représentant le ministre de la culture et de la communication.

1.Considérant que par un arrêté du 1er février 1982, le ministre de la culture et de la communication a décidé, en application de la loi du 23 juin 1941 relative à l'exportation d'oeuvres d'art, abrogée depuis lors par la loi n°92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation, de retenir sur le territoire national et d'acquérir au profit de l'Etat, au prix fixé dans la demande d'autorisation d'exportation, un ensemble mobilier appartenant à M.D..., estampillé L.-C. Carpentier, composé de quatre fauteuils, deux bergères, deux chaises, et un canapé ; que cet arrêté n'a pas fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que dans le cadre d'un litige opposant, devant le juge judiciaire, M. D...à la Réunion des musées nationaux au sujet du paiement, sous forme d'une consignation, de la somme due par l'Etat au titre de cette acquisition, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'une question préjudicielle, a déclaré illégal l'arrêté du 1er février 1982, par une décision du 23 octobre 1996, au motif que celui-ci était insuffisamment motivé ; que, le 28 septembre 2011, M. D...a demandé au ministre de la culture de retirer cet arrêté ; que cette demande a été implicitement rejetée ; que par un jugement du 29 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. D...tendant à l'annulation de cette décision ; que le requérant fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'il est constant que l'arrêté du 1er février 1982 faisant application du droit de rétention prévu à l'article 2 de la loi du 23 juin 1941 et dont le retrait est demandé n'a jamais fait l'objet d'une notification à l'intéressé ; que, si le ministre soutient que M.D... a eu connaissance de la teneur de la décision contenue dans cet arrêté par une lettre du 9 février 1982, il ressort des termes de ce courrier, dont la date de notification n'est d'ailleurs pas établie, que l'administration se bornait à y informer le requérant que " la Réunion des musées nationaux a[vait] décidé de procéder à la retenue pour acquisition " du mobilier lui appartenant et à y fixer les modalités d'exécution de l'arrêté en cause, sans y indiquer la teneur précise de ce dernier ; que, dans ces conditions, cet arrêté ne peut être regardé, contrairement à ce que soutient le ministre, comme étant devenu définitif à la date à laquelle le retrait en a été demandé ;

3. Considérant que saisi à la demande du requérant d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 2 de la loi du 23 juin 1941, qui lui avait été transmise par la Cour, le Conseil d'Etat a renvoyé celle-ci au Conseil constitutionnel ; que dans sa décision n° 2014-426 QPC du 14 novembre 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 2 de la loi du 23 juin 1941 dont il a été fait application dans le présent litige; qu'il a précisé que cette déclaration d'inconstitutionnalité prenait effet à compter de la date de la publication de sa décision et qu'elle pouvait être invoquée dans toutes les instances introduites et non jugées définitivement à cette date ; qu'il s'ensuit que l'arrêté du 1er février 1982, pris en application de ces dispositions, doit être regardé comme dépourvu de base légale et, dès lors, comme entaché d'illégalité ; que, dans ces conditions, M. D...est fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le ministre de la culture et de la communication a rejeté implicitement sa demande tendant au retrait de cet arrêté ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de la culture et de la communication de retirer l'arrêté litigieux et de procéder à la restitution des biens retenus dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte ; qu'enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201655 du 29 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris, et la décision du ministre de la culture refusant de retirer l'arrêté du 1er février 1982 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la culture et de la communication de retirer l'arrêté du 1er février 1982 et de procéder à la restitution des biens retenus dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de la culture et de la communication.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs-Taugourdeau, président de chambre

- M. Auvray, président-assesseur

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2015.

Le rapporteur,

V. PETITLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun ontre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01114
Date de la décision : 29/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-09-01-01 Actes législatifs et administratifs. Disparition de l'acte. Retrait. Retrait des actes non créateurs de droits.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : SELARL REINHART MARVILLE TORRE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-29;14pa01114 ?
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