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23/03/2015 | FRANCE | N°14PA04894

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 23 mars 2015, 14PA04894


Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2014, présentée pour M. A... C...B..., demeurant à..., en Espagne, par Me Tisserant, avocat ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308283/7-1 en date du 3 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du

17 avril 2013 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de sé

jour " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrê...

Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2014, présentée pour M. A... C...B..., demeurant à..., en Espagne, par Me Tisserant, avocat ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308283/7-1 en date du 3 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du

17 avril 2013 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ; en outre, ses termes laissent à penser que sa situation personnelle n'a pas été prise en compte ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation, au regard de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, en considérant qu'il représentait une menace grave pour l'ordre public ;

- l'arrêté d'expulsion porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité, en ne répondant pas au moyen, qui n'est pas inopérant, tiré de l'illégalité de l'arrêté attaqué en ce qu'il n'a pas fixé le pays de destination alors, qu'étant homosexuel, il risquerait, en cas de retour vers son pays d'origine, le Cameroun, d'y subir des traitements inhumains et dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 février 2015, présenté par le préfet de police, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance du 29 janvier 2015 fixant la clôture de l'instruction au 25 février 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2015 :

- le rapport de Mme Sirinelli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- et les observations de Me Tisserant, représentant M. B... ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant camerounais, né le 9 novembre 1978 et entré en France en 2001, selon ses déclarations, relève régulièrement appel du jugement du 3 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police daté du 17 avril 2013 prononçant son expulsion du territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort du jugement du Tribunal correctionnel de Lyon en date du 5 juillet 2010 que M. B... s'est rendu coupable, en 2009, de faits de violence avec usage d'une arme suivis d'une incapacité de vingt-et-un jours, faits pour lesquels il a été condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement ferme dont un avec sursis, assortie de trois ans de mise à l'épreuve ; qu'il ressort du jugement rendu par le juge de l'application des peines le 25 avril 2012 que, malgré la gravité des actes commis en 2009, M. B... a bénéficié, en 2012, d'une mesure d'aménagement de peine de manière à favoriser sa réinsertion en raison, notamment, de son " comportement exemplaire en détention ", de différents éléments attestant de ses capacités d'intégration sociale et de la circonstance que les faits avaient été commis dans un contexte particulier ; que, dans ce cadre et depuis les faits délictueux, certes encore récents, M. B... n'a commis aucun acte contraire à l'ordre public et a, à l'inverse, adopté un comportement de nature à assurer sa réinsertion sociale et professionnelle ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier des attestations très détaillées fournies par le compagnon de M. B...et par les enfants de celui-ci, qu'à sa sortie de prison, l'intéressé a repris la vie commune avec son partenaire, de nationalité française, avec lequel il a contracté un pacte de solidarité civile le 9 mai 2006 ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier qu'il a rompu tout lien avec sa famille du fait de son orientation sexuelle, l'homosexualité étant, au demeurant, un délit au Cameroun ; que la commission d'expulsion a d'ailleurs, le 20 février 2013, rendu un avis défavorable à l'expulsion du requérant en considérant que, si l'infraction commise troublait gravement l'ordre public, une mesure d'expulsion porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée ; qu'ainsi, eu égard, d'une part, à la nature particulière du contexte au cours duquel les violences ont été commises et à leur caractère isolé, nonobstant leur gravité, et, d'autre part, aux éléments caractérisant la vie privée de M. B... à la date de l'arrêté en litige, cet arrêté doit être regardé comme ayant été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 17 avril 2013, et à demander l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que l'annulation d'un arrêté d'expulsion n'impliquant pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par M. B..., ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par à M. B... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1308283/7-1 du 3 octobre 2014 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 17 avril 2013 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- Mme Sirinelli, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 mars 2015.

Le rapporteur,

M. SIRINELLI Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04894
Date de la décision : 23/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-02 Famille. Protection matérielle de la famille.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie SIRINELLI
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : TISSERANT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-23;14pa04894 ?
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