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23/03/2015 | FRANCE | N°13PA04436

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 23 mars 2015, 13PA04436


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2013, présentée pour la société Francilia, dont le siège se situe 62 rue de Paris à Villiers Le Bel (95400), par Me A...; la société Francilia demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1122310/7-1 du 21 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Paris Habitat-OPH à lui verser une somme de 192 693, 89 euros TTC, correspondant au montant des travaux de construction d'installations de tri sélectif dans un ensemble immobilier situé au 82-84, rue des Couronnes e

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Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2013, présentée pour la société Francilia, dont le siège se situe 62 rue de Paris à Villiers Le Bel (95400), par Me A...; la société Francilia demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1122310/7-1 du 21 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Paris Habitat-OPH à lui verser une somme de 192 693, 89 euros TTC, correspondant au montant des travaux de construction d'installations de tri sélectif dans un ensemble immobilier situé au 82-84, rue des Couronnes et au 21-25, rue d'Eupatoria à Paris (20ème arrondissement), augmentée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de sa demande ;

2°) de condamner Paris Habitat-OPH à lui verser une somme de 182 648, 24 euros HT, soit 192 693, 89 euros TTC, majorée des intérêts moratoires, calculés à compter de la date d'enregistrement de la requête ;

3°) de mettre à la charge de Paris Habitat-OPH la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

* c'est à tort que le tribunal a retenu l'absence de bon de commande au sens du code des marchés publics, le mail émis le 21 octobre 2010 devant recevoir cette qualification ;

* c'est également à tort qu'il n'a pas retenu l'existence d'une faute de l'OPH, celui-ci n'ayant pas donné suite à une commande pourtant formulée ; en outre, les travaux ayant bien été réalisés à la demande de l'OPH, c'est à tort que les premiers juges n'ont pas davantage retenu l'existence d'un enrichissement sans cause ;

* dès lors qu'elle a effectué une prestation à la demande de l'OPH, elle est fondée à demander la condamnation de celui-ci, au titre de ses obligations contractuelles, à lui verser la somme correspondante ;

* à titre subsidiaire, elle est également fondée à demander le versement de cette somme sur un fondement quasi-délictuel, du fait de la faute commise en raison d'une promesse non tenue, et alors que l'OPH était coutumier des régularisations par bons de commande a posteriori ;

* à titre très subsidiaire, elle est fondée à demander ce même versement sur un fondement quasi-contractuel, à raison de l'enrichissement sans cause de l'OPH ;

* la somme en cause est celle qui figure sur la facture émise le 20 octobre 2010 ou, à tout le moins, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, celle figurant sur le devis tel que transmis par l'OPH le 23 juillet 2010 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2014, présenté pour

Paris Habitat-OPH, dont le siège est situé 21 bis rue Claude Bernard (75253 Paris cedex 05), par le cabinet de Castelneau ; Paris Habitat-OPH conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la Cour, de mettre à la charge de la société Francilia le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

* la demande indemnitaire de la société Francilia est irrecevable, faute pour elle d'avoir mis en oeuvre la procédure préalable obligatoire de règlement des litiges prévue à l'article 34 du Cahier des clauses administratives générales (CCAG) FCS ;

* aucun document versé au débat ne constitue un bon de commande, au sens des dispositions de l'article 77 du code des marchés publics et des stipulations de l'article 7 du Cahier des clauses administratives particulières ;

* il n'a pris aucun engagement à l'égard de la société Francilia quant à la réalisation des travaux en litige et à l'émission d'un bon de commande ; c'est, au contraire, cette société qui a méconnu ses obligations contractuelles ;

* l'existence d'un contrat valide interdit toute possibilité d'invoquer la responsabilité extracontractuelle et l'enrichissement sans cause ;

Vu l'ordonnance du 19 novembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au

8 décembre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 décembre 2014, présenté pour la société Francilia, par MeA... ; la société Francilia conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2015 :

- le rapport de Mme Sirinelli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Francilia, et de Me Lafay, avocat de Paris Habitat-OPH ;

1. Considérant que Paris Habitat-OPH a conclu, avec la société Francilia, un marché à bons de commande, notifié le 8 juin 2007, pour la réalisation de travaux tous corps d'état dans les parties communes d'immeubles gérés par l'office dans le secteur de l'est parisien ; que ce marché, conclu pour une période ferme jusqu'au 31 décembre 2008, a été reconduit deux fois, s'achevant ainsi le 31 décembre 2010 ; qu'entre le début du mois de juillet 2010 et le mois de septembre 2010, la société requérante a réalisé la construction d'installations de tri sélectif dans un ensemble immobilier situé au 82-84, rue des Couronnes et 21-25, rue d'Eupatoria, dans le 20ème arrondissement de Paris ; que, par courrier du 21 octobre 2010, elle a demandé à

Paris Habitat-OPH le paiement de la somme de 192 693, 89 euros toutes taxes comprises, correspondant à ces travaux ; que, par courrier du 9 novembre 2010, l'OPH a refusé de s'acquitter de cette somme et demandé à la société Francilia de cesser toute intervention sur le site, en l'absence de bon de commande ; que la société relève appel du jugement du

21 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Paris Habitat-OPH à lui verser la somme de 192 693, 89 euros TTC, correspondant au montant de la construction des installations de tri sélectif susmentionnée, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de sa demande ;

Sur les conclusions à fin de condamnation de Paris Habitat-OPH, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par cet établissement :

En ce qui concerne l'application du contrat :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics :

" I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande (...) Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l'exécution est demandée et en déterminent la quantité (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché en litige : " Le titulaire intervient à toute demande de l'OPAC suivant le libellé du bon de commande qui précise le lieu des travaux, le détail d'exécution des travaux et les délais d'exécution qui lui sont impartis (...) Le bon de commande est signé par un représentant habilité de l'OPAC et transmis au mandataire (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 6.2 de ce cahier : " (...) Toute facture devra préciser distinctement (...) les références aux bons de commande " ;

3. Considérant que la société Francilia soutient qu'elle a réalisé les travaux en cause à la demande de l'OPH, et que doit être regardé comme un bon de commande le bordereau de transmission d'un bon de commande au directeur des interventions en milieu occupé, bordereau qui lui avait été adressé par un agent de Paris Habitat-OPH, par courriel du 21 octobre 2010 ; que, toutefois, ce document, qui ne comporte aucune des mentions énoncées à l'article 77 précité du code des marché publics, ni à l'article 7 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché en litige, ne peut être regardé comme constituant un bon de commande, alors d'ailleurs que le courriel qui l'accompagnait précisait qu'il devait être signé par le directeur, ce qui en définitive n'a pas été le cas ;

4. Considérant, en outre, que la société requérante ne saurait invoquer ce courriel, non plus que le courrier électronique du 23 juillet 2010 lui renvoyant son devis du 24 mars 2010 annoté et raturé, ni, enfin, le courrier électronique du 10 septembre 2010 faisant état d'un accord sur le choix du type de luminaires pour ces installations, pour se prévaloir d'une demande ou d'un accord de Paris Habitat-OPH, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il avait sollicité la réalisation des travaux en cause, ni même en avait eu connaissance avant la demande de paiement formulée par la société Francilia, le 21 octobre 2010 ; qu'à cet égard, si la société Francilia soutient que la réalisation de ces installations de tri sélectif lui avait été demandée en urgence au début du mois de juillet 2010, avec la promesse d'émission d'un bon de commande de régularisation, elle ne précise aucunement le moment précis où une telle demande aurait été formulée, non plus que la forme qu'elle aurait revêtue et les motifs qui l'auraient justifiée ; qu'ainsi, en l'absence de bon de commande ou même de toute demande ou accord exprimés par le maître d'ouvrage qui résulteraient des pièces produites par la société, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que Paris Habitat-OPH n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles en refusant de payer à la société Francilia la somme demandée ;

En ce qui concerne la faute invoquée et l'enrichissement sans cause :

5. Considérant que les travaux en cause, réalisés, comme il a été dit, sans bon de commande, ne sont en principe indemnisables que sur la base du contrat conclu entre la société requérante et Paris Habitat-OPH ; qu'ainsi, dès lors que le litige se rattache nécessairement à l'exécution de ce marché à bons de commande, dont la nullité n'est pas invoquée et ne résulte pas de l'instruction, la société Francilia ne pouvait former sa demande sur un autre fondement que contractuel ; que par suite, elle ne peut utilement invoquer ni l'enrichissement sans cause de Paris Habitat-OPH, ni la faute commise par Paris Habitat-OPH pour promesse non tenue ; que ses conclusions présentées sur ces deux terrains doivent donc, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, être rejetées ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Francilia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Paris Habitat-OPH, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Francilia demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Francilia la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par Paris Habitat-OPH et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Francilia est rejetée.

Article 2 : La société Francilia versera à Paris Habitat-OPH une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Francilia et à Paris Habitat-OPH.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- Mme Sirinelli, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 mars 2015.

Le rapporteur,

M. SIRINELLILe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAULe greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA04436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04436
Date de la décision : 23/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie SIRINELLI
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : CABINET DE CASTELNAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-23;13pa04436 ?
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