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09/03/2015 | FRANCE | N°13PA01311

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 09 mars 2015, 13PA01311


Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2013, présentée pour la société Mecamidi, dont le siège se situe 29, chemin de Saint Amand à Toulouse (31100), par MeA... ; la société Mecamidi demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1106442/3-3 du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci :

- a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la société Electricité de France (EDF) à lui verser une somme de 126 477 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 17 mars 2008, au titre du sol

de du marché de fourniture et d'installation de deux groupes de production dans les...

Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2013, présentée pour la société Mecamidi, dont le siège se situe 29, chemin de Saint Amand à Toulouse (31100), par MeA... ; la société Mecamidi demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1106442/3-3 du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci :

- a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la société Electricité de France (EDF) à lui verser une somme de 126 477 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 17 mars 2008, au titre du solde du marché de fourniture et d'installation de deux groupes de production dans les usines de Jousseau et Baigts, d'autre part, à la condamnation de cette société à lui verser la somme de 86 277, 05 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 16 novembre 2009, au titre de travaux supplémentaires, et enfin à la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;

- l'a condamnée à verser à la société EDF une somme de 33 840 euros au titre du solde du même marché ;

2°) de condamner la société EDF à verser à la société Mecamidi les sommes dues au titre du solde du marché, soit 126 477 euros TTC, assorties des intérêts moratoires à compter du 17 mars 2008, ainsi que les sommes dues au titre des travaux supplémentaires, soit

86 277, 05 euros TTC, assorties des intérêts moratoires à compter du 16 novembre 2009 ;

3°) de mettre à la charge de la société EDF le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- s'agissant du solde du marché, la société EDF ne pouvait lui refuser les trois derniers versements prévus, alors que les essais avaient été réalisés et que les matériels étaient en état d'être réceptionnés ; la société EDF a méconnu sur ce point les stipulations de la convention et celles du protocole d'accord conclu le 9 juillet 2007 ;

- s'agissant des travaux supplémentaires, les prestations correspondantes ont bien été réalisées hors marché, en raison du comportement du maître d'ouvrage concernant les défauts affectant les poutres en béton ;

- la demande reconventionnelle présentée par la société EDF devant le tribunal était partiellement irrecevable, car son montant incluait des pénalités auxquelles cette société avait préalablement renoncé ; le tribunal a également entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation, en se fondant, sur ce point, sur les mesures réalisées par la société Dynae ; que le comportement de la société EDF explique, à lui seul, la non-réception des travaux ;

- subsidiairement, le point de départ des pénalités ne pouvait être fixé au 19 juin 2008, celles-ci devant, en outre, être ramenées à un plus juste calcul ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, et le recours incident, enregistrés le 17 septembre 2013 présentés pour la société Electricité de France (EDF), par MeB... ; la société EDF conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la réformation du jugement n° 1106442/3-3 du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté sa demande d'indemnisation et a, en outre, limité à 33 840 euros le montant des pénalités de retard ;

3°) à la condamnation de la société Mecamidi à lui verser la somme de 405 000 euros en réparation du préjudice découlant de l'indisponibilité du groupe de production de l'usine de Jousseau pendant la période du 9 octobre 2008 au 14 avril 2010, ainsi que la somme de

121 680 euros au titre des pénalités de retard ;

4°) à ce que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société Mecamidi sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) subsidiairement, pour le cas où la Cour condamnerait la société EDF à régler à la société Mecamidi le solde du marché, à la condamnation de cette société à lui verser la somme de 126 477 euros à titre de dommages et intérêts ;

Elle soutient que :

- s'agissant du solde du marché, la société Mecamidi ne peut exiger le règlement de la totalité du montant du marché alors qu'elle ne l'a pas exécuté jusqu'à son terme, les défauts constatés traduisant une méconnaissance de ses obligations contractuelles, qui n'ont pas été modifiées par le protocole du 9 juillet 2007, et un inachèvement des travaux ; ainsi, l'installation en cause n'a jamais pu atteindre la puissance contractuelle, les valeurs de vibration dépassent les valeurs contractuelles, tandis que la cavitation n'est pas non plus satisfaisante ; en conséquence, la réception du marché n'est jamais intervenue ;

- s'agissant des travaux supplémentaires, ceux-ci ne peuvent être admis dans le cadre d'un marché global et forfaitaire, qui incluait les frais d'essai, et en l'absence de demande d'EDF ; en outre, la société Mecamidi ne démontre pas leur caractère indispensable ;

- le préjudice lié à l'indisponibilité du groupe de production de l'usine de Jousseau entre la remise du rapport final de la société Dynae, le 9 octobre 2008, et le courrier de résiliation partielle du marché, daté du 14 avril 2010, s'élève à 405 000 euros ;

- la demande concernant les pénalités de retard pouvait faire l'objet d'un nouveau calcul au stade de la procédure contentieuse ; en tout état de cause, elle devrait être regardée comme recevable au moins à hauteur de 63 440 euros, montant figurant dans un courrier en date du 30 août 2010 ; la société Mecamidi est seule responsable des retards intervenus, pour lesquels les pénalités doivent être calculées conformément à l'article 23 bis de la convention ;

- subsidiairement, elle doit être indemnisée des préjudices résultant des défauts liés à l'absence d'atteinte des performances contractuelles, qui ne peuvent être inférieurs au montant du solde du marché ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 février 2014, présenté pour la société Mecamidi, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ; elle demande, en outre à la Cour, de rejeter les conclusions incidentes de la société EDF, et porte à 6 000 euros la somme demandée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en outre, que :

- s'agissant du solde du marché, les essais ayant été réalisés et les défauts allégués n'étant pas vérifiés, la société EDF auraient dû lui verser les trois tranches de paiement restantes ; en tout état de cause, les défauts des installations ne pourraient être regardés comme étant suffisamment graves pour empêcher le versement des sommes restant dues ;

- s'agissant des travaux supplémentaires, la société EDF n'a jamais contesté ni leur principe ni leur montant ;

- s'agissant des pénalités de retard, leur plafonnement ne devait pas être calculé au regard du montant global du marché, mais au regard du seul contrat concernant le turbinage de l'usine de Jousseau ;

- s'agissant, enfin, de la demande incidente de la société EDF, celle-ci, qui n'a pas démontré l'existence d'un défaut dans les installations, ne fournit aucun élément permettant de procéder à l'évaluation et au calcul du préjudice allégué ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 octobre 2014, présenté pour la société EDF, par

MeB... ; la société EDF conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu la lettre en date du 3 novembre 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la juridiction administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2014, présenté pour la société Mecamidi, par MeA..., en réponse à la communication du moyen d'ordre public ;

Elle soutient que la juridiction administrative est compétente pour régler le litige, s'agissant d'un appel d'offres lancé alors que la société EDF était encore une personne publique, et de l'exécution d'une convention comportant des clauses exorbitantes du droit commun, dont l'objet même est la réalisation de travaux publics ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2014, présenté pour la société EDF, par Me B... en réponse à la communication du moyen d'ordre public ;

Elle soutient que la juridiction administrative est compétente pour régler le litige, s'agissant d'une convention dont l'objet même est la réalisation de travaux publics et qui comporte des clauses exorbitantes du droit commun ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2015 :

- le rapport de Mme Sirinelli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Mecamidi, et de

MeB..., représentant la société EDF ;

1. Considérant que, par une convention signée le 18 février 2005, la société Electricité de France (EDF) a confié la réalisation d'un marché de fourniture et d'installation de deux groupes de production hydroélectrique, dans les usines de Jousseau et Baigts, à un groupement momentané et solidaire d'entreprises constitué de la société Sarat Industries, mandataire, et de la société Mecamidi ; que cette dernière société relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société EDF à lui verser une somme de 126 477 euros TTC au titre du solde du marché ainsi qu'une somme de 86 277, 05 euros au titre de travaux supplémentaires, et, d'autre part, l'a condamnée à verser à la société EDF une somme de 33 840 euros au titre des pénalités de retard ; que la société EDF demande pour sa part, par la voie du recours incident, la réformation du même jugement en tant que, par celui-ci, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Mecamidi à lui verser la somme de 405 000 euros en réparation du préjudice découlant de l'indisponibilité du groupe de production de l'usine de Jousseau pendant la période du 9 octobre 2008 au 14 avril 2010 et a, en outre, limité à 33 840 euros le montant des pénalités de retard ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête ;

2. Considérant qu'Electricité de France est, en vertu de la loi du 9 août 2004 suvisée, une société de droit privé depuis le 19 novembre 2004, date de publication du décret fixant le statut initial de cette société et les modalités transitoires de sa gestion ; que la convention en cause dans le présent litige, qui concerne la réalisation des travaux susmentionnés dans la centrale hydroélectrique de Jousseau, a donc été conclue entre deux personnes qui, à la date de sa signature, le 18 février 2005, relevaient du droit privé ; que les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit public ; qu'en l'espèce, la convention en cause ne peut être regardée comme ayant été conclue pour le compte d'une personne publique dès lors que la production d'électricité ne relève de l'Etat ou d'une autre personne publique ni par nature ni par détermination de la loi, et est au contraire une activité économique exercée par des entreprises privées ; que cette convention ne constitue pas davantage l'accessoire d'un contrat de droit public ; que dans ces conditions, et alors même qu'elle serait, comme le soutiennent les parties, relative à des travaux publics ou qu'elle contiendrait des clauses exorbitantes du droit commun, la convention du 18 février 2005, conclue entre deux personnes privées agissant pour leur propre compte, revêt un caractère de droit privé ; que, par suite, le juge administratif est incompétent pour connaître du litige né de l'exécution de cette convention ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a statué sur la demande de la société Mecamidi : que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter la demande de la société Mecamidi, ainsi que les conclusions reconventionnelles de la société EDF, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société EDF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Mecamidi demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Mecamidi le versement de la somme que la société EDF demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1106442/3-3 du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par les sociétés Mecamidi et Electricité de France devant ce tribunal sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Mecamidi et par la société Electricité de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mecamidi et à la société Electricité de France.

Délibéré après l'audience du 2 février 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- Mme Sirinelli, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 mars 2015.

Le rapporteur,

M. SIRINELLILe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAULe greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA01311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01311
Date de la décision : 09/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-02-03-01-01 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Contrats. Contrats de droit privé. Contrats conclus entre personnes privées.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie SIRINELLI
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : PERRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-09;13pa01311 ?
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