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02/02/2015 | FRANCE | N°13PA04431

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 02 février 2015, 13PA04431


Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2013, présentée pour Mme C...E..., demeurant..., par MeD... ; Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102926/8 du 2 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice subi à raison du harcèlement moral et de la sanction déguisée dont elle a fait l'objet, ainsi qu'une somme correspondant au règlement de ses primes de formateur, de ses indemnités d'exercice de m

ission, du remboursement de ses frais kilométriques ainsi qu'à la récupér...

Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2013, présentée pour Mme C...E..., demeurant..., par MeD... ; Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102926/8 du 2 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice subi à raison du harcèlement moral et de la sanction déguisée dont elle a fait l'objet, ainsi qu'une somme correspondant au règlement de ses primes de formateur, de ses indemnités d'exercice de mission, du remboursement de ses frais kilométriques ainsi qu'à la récupération de 470 heures de travail non réglées ;

2°) de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser ces sommes ;

3°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne la somme de 3 588 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 35 euros au titre des dépens ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, car ne comportant pas les signatures exigées par l'article

R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont dénaturé les faits et les pièces du dossier en jugeant que les agissements de la hiérarchie de Mme E...à son égard n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

- la responsabilité du conseil général du Val-de-Marne doit être retenue en raison de ces agissements fautifs de harcèlement moral ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2014, présenté pour le département du Val-de-Marne, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 janvier 2015, présenté pour MmeE..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 8 septembre 2014, fixant la clôture de l'instruction au 10 octobre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 1er décembre 2014 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n°87-1099 du 30 décembre 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique:

- le rapport de Mme Petit, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- les observations de Me B...pour MmeE..., et les observations de Me A... pour le département du Val-de-Marne ;

1. Considérant que MmeE..., attachée territoriale, a été affectée en 1992 à la direction des espaces verts et du paysage du département du Val-de-Marne en qualité de chargée d'études ; qu'elle a été rattachée, en juin 2006, au directeur général adjoint du pôle architecture et environnement, en qualité de chargée d'études responsable du " 1 % culturel ", puis rattachée en 2008, pour les mêmes fonctions, à la direction de la culture au sein du pôle éducation et culture ; que, s'estimant victime d'une sanction déguisée et d'agissements constitutifs de harcèlement moral, elle a demandé au département du Val-de-Marne de lui verser une somme de 300 000 euros en réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi, ainsi qu'une somme complémentaire au titre de différentes primes, heures de travail non réglées et frais exposés pour des déplacements professionnels ; que Mme E...fait appel du jugement du 2 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département à lui verser ces sommes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; que la minute du jugement attaqué comporte les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement manque dès lors en fait et doit être écarté ;

Sur le harcèlement moral allégué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel./ Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ; que les faits répétés visés par ces dispositions doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; que dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral ;

4. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discriminations ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations alléguées ou les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant, en premier lieu, que Mme E...soutient qu'elle a été mise à l'écart, en étant exclue de plusieurs groupes de travail et projets auxquels elle participait, en particulier le projet de réalisation d'un livre consacré à la roseraie départementale de l'Hay-les-Roses, dont elle était la conceptrice ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que c'est en raison des remarques adressées au département par l'éditeur de l'ouvrage, qui mettait en cause l'attitude de MmeE..., que les dernières étapes de l'élaboration de l'ouvrage n'ont pas été confiées à celle-ci ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante soutient que les emplois dans lesquels elle a été affectée à compter de 2006 ne correspondaient à aucun besoin réel de l'administration et n'avaient pour objet que de l'isoler ; qu'il résulte de l'instruction que la décision d'affecter Mme E...auprès du directeur général adjoint du pôle architecture et environnement, en qualité de chargée d'études responsable du " 1 % culturel ", en 2006, a été prise dans l'intérêt du service, en raison notamment des difficultés relationnelles existant entre la requérante et le directeur des espaces verts et du paysage ; que ces nouvelles fonctions correspondaient à celles pouvant être confiées à un attaché territorial en vertu du décret du

30 décembre 1987 portant statut particulier de ce cadre d'emploi ; que Mme E...n'établit ni qu'elle n'aurait fait l'objet d'aucun contrôle et encadrement dans le cadre de ses nouvelles fonctions, ni que son travail serait resté en souffrance ; qu'elle ne justifie pas davantage avoir été évincée de l'ensemble des réunions et de la diffusion des notes de cette direction ;

7. Considérant, en troisième lieu, que Mme E...fait valoir que le département du Val-de-Marne a eu à son égard une attitude vexatoire en opposant, notamment, un refus à chacune de ces demandes, notamment à propos du remboursement de frais de transport ou de congés ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration en refusant de lui verser des indemnités kilométriques en compensation de l'utilisation de son véhicule personnel, aurait eu un comportement constitutif de harcèlement moral à son égard ; qu'il ne résulte pas plus de l'instruction que l'administration aurait méconnu la réglementation applicable aux congés du personnel ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la requérante soutient que le refus récurrent du département du Val-de-Marne de la promouvoir, au choix, au grade de directeur territorial, correspondrait à une forme de harcèlement à son égard ; que, toutefois, eu égard notamment aux évaluations de Mme E...produites au dossier, de la nature des fonctions qu'elle a exercées, qui ne comportaient pas de tâches d'encadrement, ces refus de promotion ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation et ne sauraient dès lors être regardés comme constitutifs d'un harcèlement moral ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des deux certificats médicaux produits par Mme E...que la détérioration de l'état de santé de celle-ci, quand bien même serait-elle liée à une souffrance au travail ou à des déceptions professionnelles, serait imputable à des actes de harcèlement moral ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le comportement du département du Val-de-Marne à l'égard de

Mme E...ne peut être regardé comme constitutif d'un harcèlement moral et par suite, comme fautif et de nature à engager sa responsabilité;

Sur les autres conclusions indemnitaires :

11. Considérant que Mme E...réitère en appel ses conclusions de première instance tendant à la condamnation du département du Val-de-Marne à lui verser une somme " concernant ses primes de formateur, les indemnités d'exercice de mission, le remboursement de frais kilométriques pour les déplacements professionnels avec son véhicule personnel, la récupération de 470 heures de travail non réglées " ; que ces conclusions, ne sont assorties d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peuvent qu'être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...le versement au département du Val-de-Marne de la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le remboursement de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1, alors en vigueur, du même code ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Mme E... versera au département du Val-de-Marne la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E...et au département du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2015, où siégeaient :

Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

Mme Petit, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 février 2015.

Le rapporteur,

V. PETITLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

S. LAVABRE

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA04431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04431
Date de la décision : 02/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-02-05-01 Fonctionnaires et agents publics. Cadres et emplois. Egalité de traitement entre agents d'un même corps. Absence de discrimination illégale.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-02;13pa04431 ?
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