Vu la requête, enregistrée le 13 février 2013, présentée pour la Fédération autonome de l'éducation nationale, dont le siège est 13 avenue de Taillebourg à Paris (75011), représentée par son secrétaire général, par MeA... ; la Fédération autonome de l'éducation nationale demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1203049/5-1 du 6 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées du 13 au 20 octobre 2011 pour l'élection des représentants du personnel au comité technique ministériel placé auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
2°) d'annuler ces opérations électorales ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;
Vu le décret n° 2011-595 du 26 mai 2011 ;
Vu l'arrêté du 18 juillet 2011 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative relatif aux modalités d'organisation du vote électronique par internet des personnels relevant des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'élection des représentants des personnels aux comités techniques, aux commissions administratives paritaires et aux commissions consultatives paritaires pour les élections fixées du 13 octobre 2011 au 20 octobre 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2014 :
- le rapport de Mme Petit, rapporteur,
- et les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;
1. Considérant que l'élection des membres du comité technique ministériel du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative s'est déroulée du 13 au 20 octobre 2011, en application du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat, du décret n° 2011-595 du 26 mai 2011 relatif aux conditions et modalités de mise en oeuvre du vote électronique par internet pour l'élection des représentants du personnel au sein des instances de représentation du personnel de la fonction publique de l'Etat, et de l'arrêté du 18 juillet 2011 pris pour son application ; qu'il a été recouru uniquement au vote électronique par internet pour cette élection ; que 957 034 électeurs ont été appelés à voter et 368 858 ont exprimé leur vote , que sur les 15 sièges à pourvoir, 7 sièges ont été attribués à la FSU, 4 à l'UNSA, 1 à la CGT, 1 au SGEN-CFDT, 1 à Sud-Education et 1 à la FNEC-FP-FO ; que la Fédération autonome de l'éducation nationale (FAEN) a présenté une liste conjointe avec deux autres syndicats, laquelle a recueilli 16 485 voix, ce qui ne lui a pas permis d'obtenir un siège ; qu'elle a formé une protestation contre les résultats de ces élections professionnelles ; que par un jugement du 6 décembre 2012, dont elle fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette protestation ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la fédération requérante soutient que le tribunal administratif aurait méconnu le principe de l'égalité des armes découlant de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le droit au recours effectif garanti par l'article 13 de cette convention, en refusant d'enjoindre à l'administration de produire divers documents, notamment ceux retraçant l'ensemble des dysfonctionnements constatés au cours des opérations électorales ; que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de cette convention comporte le droit à une procédure contradictoire qui implique en principe la faculté pour les parties à un procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influer sa décision ou de la discuter ; qu'il comporte également les droits de la défense et le principe de l'égalité des armes, qui exige de ménager un juste équilibre entre les parties au procès, et notamment à offrir à chacune d'elles une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que, toutefois, le présent litige ne concerne pas les relations entre un agent public et son employeur ; que sauf dans le cas particulier où serait en cause un acte à caractère de sanction susceptible d'être regardé comme touchant à la matière pénale au sens de la convention, le contentieux électoral ne se rattache pas aux obligations à caractère civil au sens de l'article 6 § 1 ; que le présent litige n'entre pas, par suite, dans le champ d'application de ces stipulations ; que le moyen tiré de leur méconnaissance par les premiers juges est dès lors inopérant ; que la fédération requérante n'a pas été privée de son droit à un recours effectif ; que le tribunal administratif a pu, sans entacher d'irrégularité son jugement, estimer dans le cadre de son pouvoir de direction de l'instruction, qu'il n'y avait pas lieu de demander à l'administration de produire les pièces mentionnées par la fédération requérante ;
Sur les opérations électorales :
3. Considérant, en premier lieu, que la fédération requérante ne peut utilement soutenir, eu égard à la liberté dont disposait le pouvoir réglementaire sur ce point, que la date retenue pour les opérations électorales aurait été trop rapprochée de celle de la rentrée scolaire, ni que les élections auraient dû être organisées après la modification du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, laquelle n'a été décidée que par le décret n° 2012-224 du 16 février 2012 ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 5 du décret du 26 mai 2011 prévoit que l'arrêté ministériel définissant les modalités d'organisation du vote électronique détermine notamment les circonscriptions et les scrutins dans le cadre desquels les extraits des listes électorales sont établis en vue de leur affichage ainsi que les modalités de cet affichage ; que le IV de l'article 6 du même décret prévoit notamment que cet arrêté peut prévoir la mise en ligne de la liste électorale ainsi que l'envoi par voie électronique des formulaires de demandes de rectification, la mise en ligne de la liste électorale ne pouvant remplacer l'affichage des extraits de liste dans des locaux facilement accessibles au personnel et auxquels le public n'a pas normalement accès ; que l'article 23 de l'arrêté du 18 juillet 2011 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative dispose que: " Les listes électorales sont mises en ligne sur le site internet www.education.gouv.fr et sur les sites internet académiques. Elles sont également affichées par extraits dans les écoles, les établissements publics locaux d'enseignement, les services académiques, les établissements publics administratifs et les établissements publics d'enseignement supérieur dans les conditions fixées à l'article 6 du décret du 26 mai 2011 susvisé au plus tard le 22 septembre 2011. Les extraits recoupent les électeurs et les scrutins auxquels ils sont attachés " ; qu'il est constant que la consultation de la liste électorale sur le site internet " www.education.gouv.fr ", prévue entre le vendredi 23 septembre 2011 et le mercredi 3 octobre 2011, a été rendue impossible, du vendredi 23 septembre 2011, en fin de journée, au dimanche 25 septembre 2011, en raison de problèmes techniques ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce dysfonctionnement aurait dissuadé de nombreux électeurs de voter, dès lors que le vote n'a commencé que le 13 octobre suivant, ce qui a laissé aux personnes ayant détecté, à partir du lundi 26 septembre 2011, des erreurs ou omissions, la possibilité de les signaler à l'administration et d'en demander la correction ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que les extraits de la liste électorale n'auraient pas été affichés dans les établissements scolaires ; qu'à supposer que cette publication ait été, ponctuellement, lacunaire, les électeurs concernés ont pu, dans ces cas, consulter la liste mise en ligne ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce que les difficultés d'accès à la liste électorale auraient affecté le sens du scrutin doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il est également soutenu que certains électeurs auraient présenté des demandes de rectification de la liste électorale qui n'auraient pas été prises en compte par l'administration, de sorte que les dispositions du II de l'article 2 du décret du 26 mai 2011 auraient été méconnues ; que l'article 24 de l'arrêté du 18 juillet 2011 prévoit que : " Le droit de rectification des listes électorales affichées en application de l'article 23 s'exerce jusqu'au lundi 3 octobre 2011, minuit, heure de Paris. Pour l'application du IV de l'article 6 du décret du 26 mai 2011 susvisé, les formulaires de demande de rectification sont mis en ligne et transmis par voie électronique exclusivement aux services centraux ou déconcentrés selon le niveau du scrutin pour lequel la modification de la liste électorale est requise. Les décisions administratives consécutives aux demandes de modification des listes électorales sont transmises par voie électronique " ; que les attestations produites par la fédération requérante ne suffisent pas, à elle seules, à montrer qu'un nombre significatif d'électeurs aurait été empêché de voter du fait de l'absence de correction d'erreurs figurant sur la liste électorale ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que la fédération requérante a présenté une liste commune avec deux autres syndicats, intitulée " Union pour l'école républicaine ", que cette possibilité lui était ouverte par l'article 21 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques paritaire, selon lequel " Les candidatures peuvent être communes à plusieurs organisations syndicales ... ", que si elle soutient que cette liste commune n'est pas apparue sous l'intitulé " Union pour l'école républicaine " sur la plate-forme de vote électronique, ce que conteste l'administration, elle ne produit pas d'éléments, notamment des copies d'écran, qui permettraient de déterminer l'intitulé qui apparaissait sur le bulletin de vote électronique et d'apprécier les conséquences éventuelles de cet intitulé sur l'expression des suffrages ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 18 du décret du 15 février 2011: " I. - Sont électeurs pour la désignation des représentants du personnel au sein du comité technique tous les agents exerçant leurs fonctions, dans le périmètre du département ministériel, de la direction, du service ou de l'établissement public au titre duquel le comité est institué. / Ces agents doivent remplir, dans le périmètre du comité, les conditions suivantes : / 1° Lorsqu'ils ont la qualité de fonctionnaire titulaire, être en position d'activité ou de congé parental ou être accueillis en détachement, ou par voie d'affectation dans les conditions du décret du 18 avril 2008 susvisé, ou de mise à disposition... ; II. - Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, lorsqu'un agent exerce ses fonctions dans un service sous autorité conjointe de plusieurs ministres, il est électeur au comité technique de proximité et au comité technique ministériel du département ministériel en charge de sa gestion. / Les agents affectés, le cas échéant dans les conditions du décret du 18 avril 2008 susvisé, ou mis à disposition dans un service placé sous autorité d'un ministre autre que celui en charge de leur gestion sont électeurs au seul comité technique ministériel du département ministériel assurant leur gestion ainsi qu'au comité technique de proximité du service dans lequel ils exercent leurs fonctions... " ; qu'il résulte de ces dispositions que les professeurs agrégés et certifiés de l'enseignement du second degré affectés dans des établissements publics sous tutelle du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que les professeurs détachés dans d'autres ministères, ne pouvaient être électeurs au comité technique du ministère de l'éducation nationale, dès lors qu'ils n'étaient pas affectés dans le périmètre de ce ministère; que ni le décret du 15 février 2011, ni la circulaire du 18 juillet 2011, dont les dispositions ne diffèrent pas sur ce point de celles du décret, ne méconnaissent le principe de participation garanti par le statut général en retenant le critère de l'affectation des agents, eu égard à la compétence de ces comités techniques en matière de fonctionnement et d'organisation du service ;
8. Considérant, en sixième lieu, que la fédération requérante soutient que de nombreux électeurs n'ont pas pu retirer leur matériel de vote ou voter, du fait des insuffisances ou des dysfonctionnements du système informatique ; qu'elle fait notamment valoir que certains électeurs n'auraient pas eu communication de la notice de vote, de leur identifiant ou de leur mot de passe ; que les agents affectés outre-mer ainsi que les personnels détachés ou mis à disposition auraient rencontré des difficultés particulières pour retirer leur matériel de vote ou pour voter, notamment en Polynésie française , que les électeurs ne disposant pas du système d'exploitation ou du logiciel adéquat-Java n'auraient pas pu accéder aux informations utiles sur la plateforme de vote ou exercer effectivement leur droit de vote ; que les " kiosques de vote " prévus, conformément à l'article 9 du décret du 26 mai 2011 pour permettre le vote dans les services de l'administration concernée pendant les heures de service, n'ont pas toujours été mis en place, notamment en Polynésie française ; que de nombreux incidents de connexion ont eu lieu pendant la période de vote, ce qui a altéré la sincérité du scrutin, d'autant que les plates-formes d'assistance aux électeurs n'auraient pas été systématiquement mises en place ; que les dispositions de l'article 4 du décret du 26 mai 2011, relatives au dispositif de secours, n'auraient pas été respectées ;
9. Considérant que l'article 33 de l'arrêté du 18 juillet 2011 prévoit que : " La connexion sécurisée au système de vote peut s'effectuer à partir de tout poste informatique connecté à internet " ; qu'en précisant, pour des raisons techniques, que l'électeur doit disposer d'un ordinateur connecté à internet et disposant d'un navigateur et d'un module Java, le ministre n'a pas méconnu les principes posés par le décret du 26 mai 2011, et notamment celui de l'égalité devant le vote ; que, par ailleurs, l'administration a mis en place plusieurs dispositifs de nature à pallier, au moins en partie, les dysfonctionnements ou insuffisances du système ; qu'ainsi, les électeurs ont été invités, à plusieurs reprises et en amont du vote, à faire un test de configuration de l'ordinateur qu'ils souhaitaient utiliser pour le vote ; qu'eu égard à la durée du vote, égale à huit jours, il était possible, pour un électeur, de tenter à plusieurs reprises de se connecter, de se renseigner auprès de l'administration, ou d'utiliser, dans la très grande majorité des cas, un poste dédié installé dans les établissements scolaires - kiosques de vote- ; qu'il résulte également de l'instruction que dans les académies où le prestataire privé retenu par l'administration n'a pas organisé de cellule d'assistance, le ministère a mis lui-même en place des cellules d'assistance aux utilisateurs ; qu'en l'absence de défaillance majeure et généralisée du système informatique, le dispositif de secours prévu par l'article 4 du décret du 26 mai 2011 n'a pas eu à être mis en oeuvre ;
10. Considérant qu'eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux points 8 et 9, le nombre d'électeurs n'ayant pas pu exprimer leur vote, alors qu'ils en avaient l'intention, doit être évalué à quelques milliers ; que le ministre ne conteste d'ailleurs pas sérieusement un tel chiffre ; qu'à supposer que ces quelques milliers de votes supplémentaires, qui ne représentent qu'une très faible part du nombre total d'électeurs, aient été comptabilisés, ils se seraient répartis entre les différentes listes en présence ; que, par suite, compte tenu tant du mode de scrutin que du nombre de listes, la prise en compte de ces suffrages supplémentaires n'aurait pu avoir d'influence que sur l'attribution, à la plus forte moyenne, du dernier siège, laquelle s'est jouée à moins de 1 000 voix près entre la liste présentée par FO et celle présentée par l'UNSA; que l'attribution du dernier siège doit ainsi être annulée ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Fédération autonome de l'éducation nationale est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas annulé l'attribution du dernier siège ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la fédération requérante de la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'attribution du dernier siège, à l'issue des opérations d'élection, en octobre 2011, des représentants du personnel au comité technique ministériel placé auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à la Fédération autonome de l'éducation nationale la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus de la requête de la Fédération autonome de l'éducation nationale est rejeté.
Article 4 : Le jugement n°1203049/5-1 du Tribunal administratif de Paris du 6 décembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 13PA00583