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12/05/2014 | FRANCE | N°13PA01297

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 12 mai 2014, 13PA01297


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 7 juin 2013, présentés pour M. C...A..., demeurant..., par la SCP Piwnica-B... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1115296/3-1 du 4 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 392 542,95 euros en réparation du préjudice subi du fait des conséquences, sur son patrimoine, de l'absence de paiement par l'Etat, jusqu'en 2008, de prestations réalisées à Djibouti, en 1993 et 1994, au b

néfice de l'armée française ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 7 juin 2013, présentés pour M. C...A..., demeurant..., par la SCP Piwnica-B... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1115296/3-1 du 4 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 392 542,95 euros en réparation du préjudice subi du fait des conséquences, sur son patrimoine, de l'absence de paiement par l'Etat, jusqu'en 2008, de prestations réalisées à Djibouti, en 1993 et 1994, au bénéfice de l'armée française ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 372 731,12 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2011 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2014 :

- le rapport de Mme Petit, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public,

- les observations de Me B...de la SCP Piwnica-B..., pour M.A...,

- et les observations de M.D..., pour le ministère de la défense ;

- connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 29 avril 2014, présentée par

le ministre de la défense ;

1. Considérant que M.A..., qui exploite, à Djibouti, une entreprise individuelle, dénommée Aubelec, a effectué, d'avril 1993 à octobre 1994, des travaux de remise en état et d'entretien d'installations électriques de plusieurs bâtiments de l'armée française, à la demande de l'administration militaire, mais sans que des contrats aient préalablement été conclus ; qu'en l'absence de tout règlement de ces prestations depuis 1994, M.A..., après avoir saisi, en 2003, une juridiction djiboutienne, a saisi, en 2006, le Conseil d'Etat de deux recours indemnitaires, présentés, pour le premier, au nom de l'entreprise Aubelec, et, pour le second, en son nom personnel, et tendant à la condamnation de l'Etat à réparer ses préjudices ; que le Conseil d'Etat, par une décision du 17 novembre 2008, a estimé, s'agissant de l'entreprise Aubelec, que la valeur des prestations réalisées s'élevait, au 7 novembre 1994, date à laquelle la société avait adressé une réclamation d'ensemble à l'autorité militaire, à la somme de

257 370 450 francs djiboutiens, soit 1 165 229 euros, et a jugé que l'Etat devait être condamné à payer cette somme, sur le terrain de l'enrichissement sans cause ; qu'en outre, il a jugé que le refus persistant et non justifié de l'administration d'acquitter les factures de travaux commandés par elle et réalisés par l'entreprise était constitutif d'un mauvais vouloir manifeste, et que cette faute justifiait la condamnation de l'Etat à verser une somme complémentaire de 400 000 euros, réparant les préjudices complémentaires subis par l'entreprise ; que, s'agissant de la requête présentée par M. A...en son nom personnel, le Conseil d'Etat a estimé que cette requête était irrecevable, le contentieux n'étant pas lié ;

2. Considérant qu'à la suite de cette décision, M. A...a saisi, en février 2011, le ministre de la défense d'une réclamation préalable, qui a été implicitement rejetée ; que, par un jugement du 4 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de

M. A...tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 4 392 542,95 euros, sans se prononcer expressément sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre de la défense ; que M. A...fait appel de ce jugement ;

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre de la défense :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) " ; que, selon l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement./Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) " ;

4. Considérant que le fait générateur de la créance de l'entreprise Aubelec correspond au refus initial de l'administration, en 1994, de payer les factures de travaux que lui avait adressées le requérant, que M. A...a présenté un mémoire en réclamation le 10 décembre 1997 et qu'il justifie, par de nombreux documents, que son dossier a fait l'objet de rapports et d'études jusqu'à ce que, en 2002, l'administration l'invite à saisir du litige la juridiction djiboutienne ; qu'il résulte de l'instruction que les préjudices financiers invoqués par M. A...à raison de son patrimoine personnel, causés par la persistance du refus de payer de l'administration, sont intervenus entre 2000 et 2003 ; que M. A...a assigné l'Etat, le 22 juin 2003, devant une juridiction de Djibouti, afin d'obtenir, notamment, tant la réparation des préjudices subis par son entreprise que celle des préjudices ayant affecté son patrimoine non affecté à l'exploitation, avant de saisir le Conseil d'Etat en 2006 ; que le ministre de la défense n'est, dès lors, pas fondé à opposer la prescription quadriennale ;

Sur les conclusions indemnitaires présentées par M.A... :

5. Considérant que les pièces produites en première instance et en appel établissent suffisamment que, en raison de la carence de l'Etat à payer les prestations réalisées par

M.A..., celui-ci a été contraint de résilier, en février 2003, un contrat d'assurance-vie souscrit auprès de la société Assu-vie, ce qui lui a fait perdre une chance de bénéficier du capital auquel il aurait pu prétendre si le contrat avait expiré en 2017 ; qu'il a également perdu, en 2001, des arrhes versés lors d'une réservation d'achat de deux lots immobiliers à Tournefeuille (Haute-Garonne) ; que ces pièces n'établissent pas, en revanche, la résiliation d'un contrat d'assurance-maladie souscrit auprès de la compagnie Axa ; que, si elles établissent que M. A...a cédé des immeubles situés à Toulouse et à Fréjus parce qu'il ne parvenait pas à régler les échéances des emprunts conclus pour l'acquisition de ceux-ci, il ne résulte pas de l'instruction que ces reventes auraient conduit à une diminution de l'actif net du requérant ; que si M. A...soutient, enfin, avoir dû affecter des " fonds personnels " dans l'entreprise Aubelec pour permettre à celle-ci de faire face à ses engagements à l'égard des fournisseurs ainsi qu'à ses obligations fiscales, il est constant que l'entreprise Aubelec était dépourvue de personnalité morale, de sorte que ces transferts vers le compte bancaire ouvert au nom de l'entreprise n'ont pas eu d'incidences, en tout état de cause, sur le montant du patrimoine total de M.A... ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation du préjudice patrimonial subi par le requérant en l'évaluant à la somme de 150 000 euros ;

6. Considérant, par ailleurs, que les troubles dans les conditions d'existence dont

M. A...affirme avoir souffert n'ont pas, contrairement à ce que soutient le ministre, été réparés par la condamnation de l'Etat, par la décision du Conseil d'Etat du 17 novembre 2008, à verser au requérant une somme de 400 000 euros, cette somme ayant seulement eu pour objet de compenser les difficultés rencontrées par l'exploitation, notamment le paiement d'agios bancaires ; qu'il résulte de l'instruction que M. A...a dû engager de nombreuses procédures administratives et judiciaires avant d'obtenir, en 2008, l'indemnisation des travaux effectuées en 1993 et 1994, à Djibouti, au bénéfice de l'Etat ; que la carence de l'Etat a donc entraîné des troubles dans les conditions d'existence de M.A... ; que ces troubles ont perduré au moins jusqu'en 2008 ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'évaluer le préjudice subi à ce titre par

M. A...à la somme de 50 000 euros ;

7. Considérant que le montant total du préjudice personnel subi par M. A...s'élève ainsi à la somme de 200 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du

12 janvier 2011, date de sa réclamation préalable adressée au ministre de la défense ; qu'à la date du 4 avril 2013 à laquelle la capitalisation a été demandée, il était dû au moins une année d'intérêts ; que les intérêts échus doivent ainsi être capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ; que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par l'Etat, lequel n'a d'ailleurs pas eu recours à un avocat, au titre des frais engagés dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A...la somme de 200 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2011. Les intérêts échus à la date du

4 avril 2013 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le jugement n°1115296/3-1 du 4 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 13PA01297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01297
Date de la décision : 12/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : SCP PIWNICA-MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-12;13pa01297 ?
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