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18/02/2014 | FRANCE | N°12PA02754

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 18 février 2014, 12PA02754


Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2012, présentée pour la SCI du 98 rue du Dôme ayant son siège 88 avenue de Wagram à Paris (75017), par le cabinet d'avocats Avodire ; la SCI du 98 rue du Dôme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102016 du Tribunal administratif de Paris en date du

25 avril 2012 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005, d'autre part d

e prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés...

Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2012, présentée pour la SCI du 98 rue du Dôme ayant son siège 88 avenue de Wagram à Paris (75017), par le cabinet d'avocats Avodire ; la SCI du 98 rue du Dôme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102016 du Tribunal administratif de Paris en date du

25 avril 2012 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005, d'autre part de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle, ainsi que des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le

31 décembre 2005 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2014 :

- le rapport de M. Pagès, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) du 98 rue du Dôme a été constituée le 6 septembre 2002 par M. et Mme A..., qui détiennent la totalité de son capital, et a acquis le 5 décembre 2002 un ensemble immobilier sis à Boulogne Billancourt (Hauts-de-Seine) pour un prix de 210 380 euros ; qu'elle a cédé cet immeuble le 13 mai 2005 au prix de 600 000 euros ; que la société requérante a contesté la remise en cause du caractère civil de son activité par le service vérificateur, lequel l'a regardée comme exerçant une activité de marchand de biens la rendant passible de l'impôt sur les sociétés par application des dispositions combinées des articles 35 et 206 du code général des impôts ; que, par un jugement du

25 avril 2012, le Tribunal administratif de Paris a, dans ses articles 1er et 2, respectivement prononcé un non lieu à statuer partiel à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans son article 3, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ; que la SCI du 98 rue du Dôme doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie d'écran éditée par la société requérante, que le système informatique de suivi de l'instruction faisait mention, à la date du 10 avril 2012, de ce que le rapporteur public concluait au non lieu partiel et à la décharge du surplus des impositions, alors qu'il résulte des allégations de la requérante, qui ne sont pas contestées sur ce point, que, d'une part, le rapporteur public s'est en réalité prononcé à l'audience du 11 avril 2012 non pas pour la décharge totale du surplus des impositions mais pour la décharge partielle du surplus et, d'autre part, que ni la requérante, ni son avocat n'ont été informés, de quelque manière que ce soit, de la modification du sens de ces conclusions ; que cette circonstance a porté atteinte à la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif ; que le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé dans la limite des conclusions d'appel, soit l'annulation de son article 3 ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer partiellement le litige et de statuer dans cette limite sur la demande présentée par la SCI du 98 rue du Dôme devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que sur le surplus de ses conclusions devant la Cour ;

Sur la fin de non-recevoir partielle opposée par l'administration devant le tribunal :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les redressements en matière de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, dont la SCI du 98 rue du Dôme a demandé la décharge devant le tribunal le 8 février 2011, ont fait l'objet d'un dégrèvement total prononcé par la décision du 7 décembre 2010 statuant sur la réclamation préalable de la contribuable ; qu'il suit de là qu'ainsi que le relève l'administration dans son mémoire en défense de première instance, les conclusions de la société requérante sont, dans cette mesure, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions restant en litige :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 applicable aux contrôles pour lesquels un avis de vérification a été adressé après le 1er janvier 2008 : " En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 euros s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises (...), l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable (...) " ;

6. Considérant que la société civile immobilière du 98 rue du Dôme relève qu'en ne répondant à ses observations, formulées le 29 juillet 2008, que par courrier daté du

8 octobre 2008, le service n'a pas respecté le délai de soixante jours prévu par les dispositions précitées de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales, pour en déduire qu'en application de ces dispositions, l'administration doit être regardée comme ayant accepté ses observations, ce qui emporte abandon du seul chef de rectification en litige ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification du 28 mai 2008, que le chiffre d'affaires réalisé par la SCI du 98 rue du Dôme s'est élevé, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2005, seul en litige, à 536 149 euros ; que la société requérante soutient que l'activité de marchand de biens, telle qu'elle a été retenue par le service, est passible du seuil de 1 526 000 euros et, que, par suite les dispositions précitées de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales lui étaient applicables ; que, toutefois, une société ayant une activité de marchand de biens n'est pas une activité dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement ; que, par suite, le seuil applicable était non de 1 526 000 euros mais de 460 000 euros et la SCI du 98 rue du Dôme, eu égard à son chiffre d'affaires au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2005, ne relevait pas des dispositions précitées de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales, la société requérante n'étant en tout état de cause pas fondée à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du même livre d'une doctrine administrative relative à la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de société immobilières (...) " ; qu'aux termes du 2 de l'article 206 de ce code : " Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au I, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'assujettissement des sociétés civiles à l'impôt sur les sociétés est subordonné à la double condition qu'elles se livrent à des opérations qui procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les deux associés de la SCI du 98 rue du Dôme, M. et MmeA..., étaient des professionnels de l'immobilier qui étaient les uniques associés de six autres SCI ; que toutes ces SCI ont revendu leur patrimoine immobilier dans un délai s'échelonnant de deux à six ans après son acquisition ; que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la société requérante, étant ainsi l'un des instruments d'une activité d'ensemble entrant dans le champ d'application du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts, devait être regardée comme ayant procédé de manière habituelle à des opérations d'achat et de revente de biens immobiliers au sens des dispositions précitées du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts ; que, par ailleurs, au regard de la durée relativement brève de détention du bien immobilier de deux ans et cinq mois, de la circonstance que l'immeuble était situé à Boulogne Billancourt, commune résidentielle à l'ouest de Paris, au fait que si la SCI avait en partie financé l'acquisition par un prêt à long terme, ce prêt était assorti d'une faculté de remboursement anticipé, il résulte également de l'instruction que la SCI doit être regardée comme ayant eu une intention spéculative lors de l'acquisition de l'immeuble, nonobstant la circonstance que cet immeuble ait été donné en location et la circonstance alléguée, et en admettant même que cette allégation soit établie, que sa vente aurait aussi été motivée par des difficultés financières des épouxA..., alors que de 1997 à 2007, l'augmentation du prix de l'immobilier de plus 130 % en moyenne dans la région parisienne valorisait leur capital immobilier, composé d'immeubles tous situés dans des quartiers résidentiels de la capitale ou de la banlieue ouest de Paris, et rendait ainsi plus aisée la gestion de leurs éventuelles difficultés de trésorerie ; que, dès lors, l'activité réelle de la SCI du 98 rue du Dôme doit être regardée comme une activité de marchand de biens et l'administration était, en conséquence, fondée à l'assujettir à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2005 ;

En ce qui concerne le quantum de la rectification :

10. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de ses prétentions, les éléments de preuve qu'un partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances des tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tout élément suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable aurait ainsi justifié la réalité et le montant de ladite charge, il incombe ensuite au service, s'il l'estime utile et s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

11. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

12. Considérant que la SCI du 98 rue du Dôme demande, à titre subsidiaire, que la rectification soit minorée des charges correspondant à des commissions de 30 000 euros et de 5 000 euros qu'elle a versées à des tiers pour services rendus respectivement dans le cadre de la résiliation du bail commercial ayant fait l'objet de la convention susmentionnée du

7 juillet 2004 et dans celui de la vente de l'immeuble sis 98 rue du Dôme ; que si la société requérante a produit, d'ailleurs pour la première fois le 6 mai 2009, date de sa réclamation préalable, les factures correspondantes, datées des 1er et 14 avril 2005, il résulte des mentions figurant sur ces dernières qu'elles ont été émises par une personne physique, sans indication de profession, ni du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, bien que chacune d'elles porte la même mention relative à l'exonération de cette taxe en vertu de l'article 293 B du code général des impôts ; qu'en outre, alors que l'administration soutient que la société requérante n'apporte aucun élément concret permettant d'établir que les sommes en cause correspondraient effectivement à un service rendu, l'intéressée n'apporte aucune indication ni précision sur les services que lui auraient rendus les auteurs des factures, dont celle du 1er avril 2005 porte sur un montant de 30 000 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'administration, qui relève de surcroît que la SCI du 98 rue du Dôme n'avait pas contesté, dans ses observations, les rectifications correspondant à la réintégration des deux sommes litigieuses dans son résultat fiscal, doit être regardée comme produisant, devant le juge de l'impôt, des éléments de nature à faire regarder les charges en cause comme n'étant pas fiscalement déductibles ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI du 98 rue du Dôme n'est pas fondée à demander la décharge des impositions maintenues en litige ; que, par voie de conséquence, les conclusions la SCI du 98 rue du Dôme tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées :

D E C I D E :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1102016 du Tribunal administratif de Paris en date du

25 avril 2012 est annulé.

Article 2 : Le surplus de la demande présentée par la SCI du 98 rue du Dôme devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du 98 rue du Dôme et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Ile-de-France Ouest.

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N° 12PA02754


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02754
Date de la décision : 18/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS AVODIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-02-18;12pa02754 ?
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