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10/01/2014 | FRANCE | N°13PA00790

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 janvier 2014, 13PA00790


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2013, présentée pour la SCI du Domaine, dont le siège est au lieu-dit Courtesouppe à Pierre Levée (77580), par MeA... ; la SCI du Domaine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000767 du 29 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 1er décembre 2009 du conseil municipal de La Ferté-sous-Jouarre exerçant le droit de préemption urbain de la commune sur l'immeuble sis sur le territoire de celle-ci au 95-99 rue de Condé, parcelle cadastr

e section AZ n° 466 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette délibé...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2013, présentée pour la SCI du Domaine, dont le siège est au lieu-dit Courtesouppe à Pierre Levée (77580), par MeA... ; la SCI du Domaine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000767 du 29 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 1er décembre 2009 du conseil municipal de La Ferté-sous-Jouarre exerçant le droit de préemption urbain de la commune sur l'immeuble sis sur le territoire de celle-ci au 95-99 rue de Condé, parcelle cadastrée section AZ n° 466 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Ferté-sous-Jouarre le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 décembre 2013, présentée pour la SCI du Domaine par MeA... ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d'aménagement ;

Vu la loi n° 87-557 du 17 juillet 1987 complétant la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d'aménagement ;

Vu la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, notamment son article 68 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :

- le rapport de M. Bergeret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la SCI du Domaine, et de MeC..., pour la commune de La Ferté-sous-Jouarre ;

1. Considérant que, par délibération du 1er décembre 2009, le conseil municipal de La Ferté-sous-Jouarre a décidé de préempter, au prix de 220 000 euros indiqué par la déclaration d'intention d'aliéner, un immeuble sis au 95-99 rue de Condé, sur le territoire de la commune, que la SCI du Domaine avait pour projet d'acquérir ; que celle-ci relève appel du jugement du 29 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. / (...) / Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en A...comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa " ; qu'enfin, aux termes de l'article

R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction " ;

3. Considérant qu'au vu d'une note en délibéré produite à l'issue de l'audience du 20 septembre 2012, l'affaire a été remise à l'instruction et le greffe du Tribunal administratif de Melun a adressé aux parties, le 3 octobre 2012, un avis de renvoi d'audience ; que ce courrier indiquait en outre aux parties que la clôture d'instruction était susceptible d'intervenir à tout moment, " en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 et au regard de la lettre en date du 20 avril 2012 " par laquelle le tribunal leur avait indiqué que l'affaire " était susceptible d'être audiencée au second semestre 2012 et la clôture d'instruction d'intervenir à compter du 21 mai 2012 " ; qu'une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a ainsi été prise le 8 novembre 2012, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, et qu'en conséquence, le mémoire présenté au tribunal par la SCI du Domaine le 9 novembre 2012 n'a pas été analysé et pris en compte par les premiers juges ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées du code de justice administrative que lorsque l'instruction d'une affaire a été clôturée pour quelque motif que ce soit puis que celle-ci a été remise à l'instruction au vu d'une note en délibéré, une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction ne peut régulièrement être prise sans que les parties aient été informées qu'une telle mesure était susceptible d'intervenir à tout moment à compter d'une date leur laissant le loisir de présenter utilement les nouvelles observations que pouvaient appeler les éléments au vu desquels l'instruction avait ainsi été rouverte ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'espèce, c'est irrégulièrement que le tribunal a écarté des débats, comme tardif, le mémoire produit le 9 novembre 2012 par la SCI du Domaine ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI du Domaine devant le Tribunal administratif de Melun ;

Au fond :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) " ; qu'il ressort des pièces produites au dossier que la convocation adressée aux conseillers municipaux pour la séance du 1er décembre 2009 comportait une " note de présentation " indiquant de façon suffisamment détaillée l'objet et le contexte du projet de délibération portant sur l'exercice éventuel par la commune de son droit de préemption sur le bien immobilier sis 95-99 rue de Condé ; que, par suite, la SCI du Domaine n'est pas fondée à soutenir que la délibération attaquée a été irrégulièrement adoptée au regard des dispositions précitées de l'article L. 2122-12 du code général des collectivités territoriales ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...) " ; que, par délibération du 6 mai 2008, le conseil municipal de La Ferté-sous-Jouarre a décidé d'instituer, dans les zones U et NA du plan d'occupation des sols de la commune, un droit de préemption urbain renforcé ; que cette délibération, prise notamment au vu de l'article

L. 211-4 du code de l'urbanisme, doit être regardée comme ayant procédé, à l'occasion de l'institution de ce droit de préemption renforcé, à la réaffirmation, en tant que de besoin, de l'institution du droit de préemption urbain préexistant sur les zones U et NA du plan d'occupation des sols ; que, dans ces conditions, la SCI du Domaine ne peut en tout état de cause utilement soutenir que la délibération attaquée portant préemption, qui, au demeurant, déclare exercer le " droit de préemption renforcé ", serait dépourvue de base légale du fait qu'elle ne pourrait se fonder sur une délibération antérieure du 17 février 1987 ayant décidé le maintien d'un droit de préemption portant sur les zones U et NA, laquelle ne serait jamais entrée en vigueur faute d'accomplissement des formalités de publicité requises ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de La Ferté-sous-Jouarre a mis en place une politique de renforcement de l'offre de logements à la suite, notamment, de la création d'une zone d'activités aux abords de l'autoroute A4 et qu'elle souhaite, à ce titre, aménager les secteurs situés à proximité du centre-ville qui sont constitués d'importantes propriétés foncières, dont certaines non bâties ; que, par délibération du 10 décembre 2008, le conseil municipal a matérialisé cette politique locale de l'habitat en approuvant la passation avec l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) d'une convention d'intervention foncière, signée le 29 décembre 2008, qui associe cet établissement public à cette politique, en le chargeant notamment d'une mission de " veille foncière " comportant la constitution d'une réserve foncière, sur un périmètre comprenant la parcelle d'assiette du bien immobilier préempté, au moyen d'acquisitions opérées notamment par voie de préemption ; qu'à cet égard, à la même date que la délibération litigieuse portant préemption au bénéfice de la commune, le conseil municipal a décidé, au visa de la convention précitée, la rétrocession à l'EPFIF de la parcelle préemptée ; que la délibération litigieuse, qui précise avoir pour objet de permettre la réalisation d'une vingtaine de logements, dont 30 % de type social, s'inscrivant ainsi " dans les orientations communales rappelées dans le rapport de présentation du plan d'occupation des sols " et " dans les objectifs communaux affichés par la convention d'intervention foncière " passée avec l'EPFIF, en permettant " de répartir l'habitat social sur l'ensemble du centre aggloméré ", a été prise au vu d'une " étude de contenance " faisant apparaître la faisabilité d'un programme comportant 23 logements situés dans deux bâtiments ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant été prise en vue de la réalisation d'un projet réel entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

10. Considérant, en dernier lieu, que si la SCI du Domaine soutient que la délibération attaquée est entachée de détournement de pouvoir dès lors que la préemption n'aurait été décidée que pour faire échec au projet d'un promoteur privé, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le bien a été préempté par la commune pour le motif d'intérêt général constitué par l'intention établie de celle-ci de l'affecter à la réalisation d'un programme de logements comprenant 30 % de logements sociaux, dans le cadre d'un projet d'aménagement répondant aux objectifs visés par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que le détournement de pouvoir invoqué n'est donc pas établi ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI du Domaine n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération du 1er décembre 2009 du conseil municipal de La Ferté-sous-Jouarre ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de La Ferté-sous-Jouarre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCI du Domaine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI du Domaine une somme de 2 000 euros à verser à la commune de La Ferté-sous-Jouarre sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1000767 du 29 novembre 2012 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI du Domaine devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : La SCI du Domaine versera une somme de 2 000 euros à la commune de La Ferté-sous-Jouarre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13PA00790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00790
Date de la décision : 10/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : SCP RICARD DEMEURE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-01-10;13pa00790 ?
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