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30/05/2013 | FRANCE | N°12PA03323

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 mai 2013, 12PA03323


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2012, présentée pour M. A... A..., demeurant au..., par Me D... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206282 du 23 juillet 2012 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 juillet 2012 du préfet du Val-de-Marne lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'ordonner sa libérat

ion immédiate et d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séj...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2012, présentée pour M. A... A..., demeurant au..., par Me D... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206282 du 23 juillet 2012 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 juillet 2012 du préfet du Val-de-Marne lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'ordonner sa libération immédiate et d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour au titre de " vie privée et familiale " ou au titre de sa présence en France depuis plus de dix ans ;

4°) à défaut, de prononcer son assignation à résidence et d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation en vue de la délivrance d'un titre de séjour et, en cas de mise à exécution de l'arrêté contesté, d'ordonner son retour en France ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de Mme Samson,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 23 juillet 2012 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 juillet 2012 du préfet du Val-de-Marne lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et ordonnant son placement en rétention ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; / II.- Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; d) Si l'étranger s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui déclare être entré en France en 2002, ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire ni être en possession d'un titre de séjour en cours de validité ; que, par ailleurs, il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement notifiée le 7 mai 2011 sous l'alias B...C...qui correspond à l'une des fausses identités communiquées par le requérant aux policiers ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 1° du I et du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français sans délai ;

5. Considérant que si M. A...soutient que la décision qu'il conteste a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'il séjourne sur le territoire depuis plus de dix ans, que l'ensemble de sa famille y réside en situation régulière et que son épouse, enceinte de sept mois, a besoin de lui à ses côtés, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ses allégations, M. A...n'établit pas avoir résidé en France depuis plus de dix ans en se bornant à produire au titre de l'année 2006, une attestation de sortie de la fourrière d'un animal repris par son propriétaire, et, au titre de l'année 2007, uniquement un bulletin de paie de novembre et une promesse d'embauche datée du 1er décembre ; qu'ainsi, en lui faisant obligation de quitter le territoire le préfet du Val-de-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue desquels il a pris cette décision ; que, toutefois, eu égard à l'état de son épouse, enceinte de sept mois à la date de la décision contestée, M. A...est fondé à soutenir qu'en tant qu'il lui a refusé un délai de départ volontaire pour quitter le territoire français, le préfet du Val-de-Marne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, a méconnu, dans cette mesure, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la légalité de la décision de placement en rétention administrative :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. A...ne justifiait à la date de la décision contestée ni de la régularité de son entrée en France ni d'un titre de séjour en cours de validité et ne conteste pas avoir utilisé plusieurs fausses identités ni n'avoir déféré à une précédente mesure d'éloignement, l'épouse du requérant était enceinte de sept mois à la date de la décision contestée et le couple disposait d'un logement stable depuis le 1er septembre 2011 selon un contrat de location conclu le 30 août 2011 ; qu'au regard de ces éléments M. A...est fondé à soutenir que le préfet du Val-de-Marne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2012 lui refusant un délai de départ volontaire et de celle du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire n'implique ni la délivrance d'un titre de séjour, ni le réexamen de la situation de M.A... ; qu'il n'appartient pas à la Cour de prononcer l'assignation à résidence du requérant ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 19 juillet 2012 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. A...et celle du même jour ordonnant son placement en rétention administrative sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement du 23 juillet 2012 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

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N° 12PA03323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03323
Date de la décision : 30/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. LERCHER
Rapporteur ?: Mme Dominique SAMSON
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MAUGER-PAULIAK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-05-30;12pa03323 ?
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