La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2013 | FRANCE | N°11PA03679,11PA04069

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 23 mai 2013, 11PA03679,11PA04069


Vu I, sous le n° 11PA03679, la requête, enregistrée le 8 août 2011 présentée pour M. C... D..., par MeA... ; M. D...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement no 0806136/6-2 du Tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 2011 en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre de son préjudice patrimonial ;

2°) de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser de son préjudice patrimonial en lui versant la somme de 350 280 euros et en réservant ses droits à l

a retraite ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros s...

Vu I, sous le n° 11PA03679, la requête, enregistrée le 8 août 2011 présentée pour M. C... D..., par MeA... ; M. D...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement no 0806136/6-2 du Tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 2011 en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre de son préjudice patrimonial ;

2°) de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser de son préjudice patrimonial en lui versant la somme de 350 280 euros et en réservant ses droits à la retraite ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................................

Vu II, sous le n° 11PA04069, la requête, enregistrée le 8 septembre 2011, présentée pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par MeB... ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement no 0806136/6-2 du Tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 2011 en ce qu'il a évalué les préjudices extrapatrimoniaux subis par M. D...à la somme de 205 000 euros ;

2°) d'allouer à M. D...la somme de 50 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et la somme de 79 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, sous déduction de la somme de 30 000 euros versée à titre provisionnel par l'Etablissement français du sang ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique :

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment son article 67 dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du

17 décembre 2012 ;

Vu les décrets n° 2010-251 et n° 2010-252 du 11 mars 2010 ;

Vu l'arrêté du 10 novembre 2010, relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu l'avis du Conseil d'Etat n° 343823 du 18 mai 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2013 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant que les requêtes susvisées nos 11PA03679 et 11PA04069 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par le jugement attaqué en date du 30 juin 2011, le Tribunal administratif de Paris, après avoir mis l'Etablissement Français du Sang (EFS) hors de cause, a jugé que la responsabilité de cet établissement était engagée vis-à-vis de M. C... D...à raison de la contamination de ce dernier par le virus de l'hépatite C imputable aux transfusions dont il avait bénéficié en décembre 1979 à l'hôpital Broussais ; qu'en conséquence le tribunal a condamné l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué à l'EFS venant aux droits de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de la Fondation nationale de transfusion sanguine (FNTS), à réparer les conséquences dommageables subies par M. D... du fait de cette contamination ; que les premiers juges, qui ont fait droit intégralement aux demandes de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Gironde tendant au remboursement tant des dépenses de santé passées et futures que des indemnités journalières servies à l'intéressé, ont accueilli partiellement la demande de M. D...concernant la réparation de ses préjudices à caractère personnel en lui accordant à ce titre la somme de 205 000 euros ; qu'ils ont en revanche rejeté les demandes de l'intéressé relatives aux préjudices patrimoniaux autres que ceux pris en charge par la CPAM de Gironde ; que, par les requêtes susvisées, M. D...et l'ONIAM relèvent régulièrement appel de ce jugement dont ils demandent la réformation, M. D...en ce que le tribunal a rejeté ses demandes au titre de ses préjudices patrimoniaux (incidence professionnelle, droits à la retraite, incidence immobilière, et autres frais), l'ONIAM en ce qu'il a fait une appréciation excessive des préjudices extrapatrimoniaux de l'intéressé ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

3. Considérant qu'il n'est pas contesté que les dépenses de santé présentant un lien direct avec la contamination de M. D...par le virus de l'hépatite C s'établissaient au

9 mars 2007 à la somme de 163 142,88 euros ; que ces dépenses de santé ont été intégralement compensées par les prestations servies par la CPAM de Gironde ; qu'à ces dépenses s'ajoutent les frais futurs nécessités postérieurement au 9 mars 2007 par l'état de santé de M. D... imputable à sa contamination par le virus de l'hépatite C, pour lesquels la CPAM demande, comme elle l'avait fait en première instance, le remboursement d'une somme non contestée de 68 833,63 euros ;

Quant aux pertes de revenus :

4. Considérant que la CPAM de Gironde justifie avoir versé à M. D... des indemnités journalières liées à sa contamination pour un montant de 3 642,39 euros ;

Quant à l'incidence professionnelle :

5. Considérant que M.D..., qui a justifié, en réponse à la mesure d'instruction faite par la Cour, de son activité libérale depuis le 16 février 2006 en qualité d'anesthésiste au sein de la SA Nouvelle Polyclinique Bordeaux-Nord, fait valoir que, compte tenu de son état de santé, les compagnies d'assurance refusent de l'assurer dans le cadre de cette activité libérale pour le risque arrêt de travail et que ce refus constitue une restriction importante au développement de son activité professionnelle ainsi qu'un manque à gagner en cas d'arrêt temporaire ou permanent d'activité en lien avec sa pathologie hépatique ; qu'au regard des pièces produites, à savoir quatre lettres de sociétés d'assurance, dont deux de fin 2009 et deux de fin 2010, rejetant ses demandes de contrat de prévoyance, la circonstance qu'il invoque est établie ; que toutefois l'impossibilité de souscrire un contrat de prévoyance ne saurait par elle-même être à l'origine d'un préjudice patrimonial ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif ; que par ailleurs l'intéressé ne démontre aucunement qu'une telle impossibilité aurait affecté ses perspectives de carrière, de promotion ou d'avancement ; qu'ainsi la réalité du préjudice invoqué n'est pas établie ;

Quant aux droits à la retraite :

6. Considérant que, pas plus en cause d'appel qu'en première instance, M. D...n'apporte d'éléments de nature à établir la réalité de ce poste de préjudice, lequel ne saurait, par suite, faire l'objet d'une indemnisation ;

Quant à l'incidence immobilière :

7. Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que l'impossibilité de souscrire un contrat de prévoyance ne saurait par elle-même être à l'origine d'un préjudice patrimonial ; que par ailleurs l'intéressé ne démontre aucunement que l'absence de couverture assurantielle en cas d'arrêt d'activité liée à son état de santé exclurait tout accroissement de son patrimoine immobilier, pas plus qu'il ne démontre le surcoût du prêt, qu'il aurait souscrit lors de l'acquisition de son bien immobilier en décembre 2010, en raison de son état de santé imputable à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'enfin, s'il fait valoir qu'il n'a pu obtenir à cette même occasion qu'une assurance au titre du décès et moyennant une surprime de 250%, il ne justifie, en se bornant à produire à nouveau en cause d'appel, en réponse à la mesure d'instruction de la Cour, le courrier de la compagnie Axa faisant état d'une telle proposition et qu'il a paraphé d'un " bon pour accord ", ni de la conclusion effective d'un tel contrat, ni en tout état de cause du montant et des caractéristiques de celui-ci ; que, par suite, l'incidence immobilière invoquée ne saurait constituer en l'espèce un préjudice indemnisable ;

Quant aux frais divers :

8. Considérant que M.D... demande le remboursement, à hauteur de 280 euros, des frais de déplacement qu'il a engagés pour se rendre aux rencontres organisées dans le cadre de l'expertise et correspondant à deux allers-retours Bordeaux-Paris ; que la somme demandée n'est contestée en défense ni dans son principe ni dans son montant ; qu'il est constant en effet que l'intéressé habite Bordeaux et que les opérations d'expertise auxquelles il s'est rendu ont eu lieu à Paris les 9 février et 1er juillet 2006 ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de M. D... alors même que l'intéressé, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, n'apporte aucune pièce de nature à établir la réalité et le montant de ce préjudice ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

9. Considérant, d'une part, que M. D... a subi une incapacité temporaire partielle liée aux traitements et aux hospitalisations imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que les souffrances physiques endurées ont été évaluées par l'expert à 6 sur une échelle de 1 à 7 et le préjudice esthétique en résultant à 1,5 sur une échelle identique ; que l'expert a en outre relevé un préjudice d'agrément " considérable " en raison de l'" altération de la qualité de vie importante, mais minorée par le courage exceptionnel de M. D... " ; que, compte tenu de ces éléments, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des troubles de toute nature subis dans ses conditions d'existence par M.D..., dont l'état est stabilisé, en évaluant ceux-ci à la somme de 60 000 euros ;

10. Considérant, d'autre part, que l'expert a fixé le taux d'incapacité permanente partielle du requérant directement lié à la contamination par le virus de l'hépatite C à 40% ; que compte tenu de ce taux et de l'âge de l'intéressé à la date de l'expertise, soit le 1er juillet 2006, correspondant à la date de la stabilisation, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant du déficit fonctionnel permanent affectant M. D... en l'évaluant à 79 000 euros ;

Sur les sommes dues par l'ONIAM :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 205 000 euros que le tribunal administratif, par le jugement attaqué, a mise à la charge de l'ONIAM au profit de M. D... sous déduction de la somme de 30 000 euros versée à titre provisionnel en application de l'ordonnance de référé du 21 octobre 2008, doit être ramenée à la somme de 139 280 euros ;

12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du IV de l'article 67 de la loi

n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 : " (...) Lorsque l'office a indemnisé une victime et, le cas échéant, remboursé des tiers payeurs, il peut directement demander à être garanti des sommes qu'il a versées par les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute. / Les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. (...) " ; que le tribunal administratif a retenu que l'ONIAM était substitué à l'EFS en tant que celui-ci vient aux droits de la FNTS dont dépendait le centre national de transfusion sanguine (CNTS) ; que, toutefois, s'il résulte des pièces transmises par l'Etablissement français du sang en réponse à la mesure d'instruction ordonnée par la cour que le CNTS, aux droits duquel vient l'EFS, est assuré auprès de la société Azur Assurances Iard, devenue société MMA Iard, aux droits de laquelle vient la société Covea Risks, l'enquête transfusionnelle n'a pas permis d'identifier l'établissement fournisseur des produits sanguins à l'origine du dommage ; qu'en l'absence de réponse de l'AP-HP à la mesure d'instruction ordonnée aux fins d'identifier l'établissement fournisseur, il n'est donc pas établi que le CNTS constituerait l'un des établissements de transfusion sanguine susceptibles d'avoir fourni un ou plusieurs des produits sanguins à l'origine de la contamination litigieuse et qu'il pourrait ainsi être regardé comme à l'origine du dommage, les hôpitaux parisiens pouvant à l'époque des faits également s'approvisionner auprès de centres de province ; que, dès lors, en application des dispositions précitées du IV de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, l'action subrogatoire de la CPAM de Gironde contre l'ONIAM pour obtenir le remboursement de ses débours n'est pas recevable et doit être rejetée ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les demandes de la CPAM de Gironde tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'ONIAM des sommes au titre des frais exposés par M. D... et la CPAM de Gironde et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 205 000 euros que l'ONIAM, par l'article 3 du jugement du

30 juin 2011, a été condamné à verser à M. D... sous déduction de la somme de 30 000 euros versée à titre provisionnel en application de l'ordonnance du 21 octobre 2008 est ramenée à la somme de 139 280 euros.

Article 2 : Les demandes présentées par la CPAM de Gironde devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de la requête d'appel présentée par M. D... sont rejetées.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

Nos 11PA03679, 11PA04069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03679,11PA04069
Date de la décision : 23/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MOREAU
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : SEGARD ; SEGARD ; UGGC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-05-23;11pa03679.11pa04069 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award