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21/05/2013 | FRANCE | N°12PA03922

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 21 mai 2013, 12PA03922


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2012, présentée pour la SARL MWM, dont le siège est au 51 rue de la Harpe à Paris (75005), représentée par son gérant en exercice, par Me A... ; la SARL MWM demande à la Cour :

1°) d'ordonner avant dire droit la nomination d'un expert aux fins d'examiner sa comptabilité au titre des années 2004 et 2005 ;

2°) d'annuler le jugement n° 1106519/1-2 du 6 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les société

s et de contributions additionnelles à cet impôt mises à sa charge au titre des a...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2012, présentée pour la SARL MWM, dont le siège est au 51 rue de la Harpe à Paris (75005), représentée par son gérant en exercice, par Me A... ; la SARL MWM demande à la Cour :

1°) d'ordonner avant dire droit la nomination d'un expert aux fins d'examiner sa comptabilité au titre des années 2004 et 2005 ;

2°) d'annuler le jugement n° 1106519/1-2 du 6 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt mises à sa charge au titre des années 2004 et 2005 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, ainsi que des pénalités correspondant à ces impositions ;

3°) de prononcer la décharge de ces impositions et de ces pénalités ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2013 :

- le rapport de M. Paris, rapporteur,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SARL MWM ;

1. Considérant que la SARL MWM, qui exerce une activité de vente au détail d'articles de confection, a fait l'objet du 16 mars au 20 décembre 2007 d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 2004 et 2005 ; que par une proposition de rectification du 21 décembre 2007, le service l'a informée des rectifications envisagées de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de ces mêmes années et de ce qu'il était envisagé de lui assigner des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt, de même que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondant à ces différentes impositions, ont été mis en recouvrement, à l'issue de la procédure contradictoire, le 6 février 2009 ; qu'à la suite de la décision du 4 février 2011 rejetant la réclamation préalable qu'elle avait formée le 19 février 2009, la SARL MWM a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge de ces impositions et de ces pénalités ; qu'elle relève appel du jugement du 6 juillet 2012 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances :

2. Considérant que le ministre de l'économie et des finances fait valoir que les conclusions de la SARL MWM, en tant qu'elles portent sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles résultant des insuffisances de liquidation constatées qui n'étaient pas visées dans la réclamation préalable, ne sont pas recevables en application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration " ;

3. Considérant, toutefois, que si la réclamation préalable formée par la SARL MWM ne comportait aucun moyen propre aux impositions supplémentaires résultant des insuffisances de liquidation, elle visait néanmoins l'ensemble des impositions mises en recouvrement ; qu'à cette réclamation étaient joints, d'ailleurs, l'ensemble des avis de mise en recouvrement adressés à la société requérante, dont celui portant sur les insuffisances de liquidation ; qu'ainsi, la SARL MWM est recevable à contester l'intégralité des impositions mises à sa charge ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances doit donc être écartée ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rectifications résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires :

4. Considérant qu'après avoir écarté la comptabilité comme insincère et non probante, au motif que les documents produits par la société pour justifier de ses recettes au cours des années vérifiées, à savoir les bandes de caisses enregistreuses, ne désignaient pas avec précision les articles vendus par modèle et par référence, mais comportaient seulement l'indication générique du type de vêtement ou le nom du fournisseur et le prix de vente, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL MWM ; qu'elle a, pour ce faire, déterminé le nombre d'articles revendus qui, selon elle, n'auraient été comptabilisés en se fondant sur le nombre de pièces achetées au cours de chaque exercice, corrigé de la variation des stocks, dont elle a déduit le nombre de pièces vendues, tel que celui-ci ressortait du dépouillement systématique des tickets dits " Z " ; que le service, après avoir appliqué au nombre total d'articles un coefficient de pertes de 2 %, a ensuite déterminé, à partir de ces éléments, le nombre d'articles supposés avoir été vendus sans être comptabilisés, soit 71 420 articles au cours de l'année 2004 et 71 120 articles au cours de l'année 2005 ; qu'il a appliqué à ce nombre total d'articles le prix moyen de vente d'un article, tel que celui-ci ressortait des tickets dits " Z ", à savoir 17, 85 euros en 2004 et 16, 41 euros en 2005 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que l'activité de commercialisation d'articles de confection exercé par la SARL MWM impliquait une rotation rapide des stocks, composés d'un nombre élevé d'articles ; que la société requérante justifie en outre, d'une part, de ce qu'en raison de l'information qui lui avait été faite, le 30 avril 2004, de l'expiration prévisible de son bail commercial, elle a procédé au cours des exercices vérifiés à d'importantes remises promotionnelles impliquant, notamment, la vente de plusieurs articles pour le prix d'un seul et des réductions pouvant aller jusqu'à 50 % du prix initial ; qu'elle justifie également, par la production d'une monographie professionnelle, que le taux de marge moyen de 3, 47 résultant de la reconstitution est hors de proportion avec le taux de marge habituel de commerces disposant de caractéristiques analogues, soit 2, 06 ; que dès lors, eu égard à la nature du commerce exercé par la SARL MWM et aux conditions réelles d'exploitation au cours des exercices vérifiés, et alors, ainsi qu'il a été dit, que les documents comptables permettaient d'identifier, à tout le moins, les différentes catégories d'articles commercialisés par la société, celle-ci est fondée à soutenir que la méthode de reconstitution, fondée sur l'application d'un prix unique moyen de vente à l'ensemble des articles regardés comme non comptabilisés, sans pondération selon la nature des articles, revêtait un caractère excessivement sommaire ; que la SARL MWM est, par voie de conséquence, fondée à demander la décharge de l'ensemble des impositions procédant de la reconstitution de son chiffre d'affaires, en droits et pénalités ;

En ce qui concerne la rectification relative aux provisions :

6. Considérant qu'après avoir constaté que la société Cama, auprès de laquelle elle se fournissait, faisait l'objet d'une procédure collective, la SARL MWM a inscrit, dans le bilan de clôture des exercices correspondant aux années 2004 et 2005, une provision pour dépréciation du compte client ouvert au nom de cette société dans sa comptabilité, à raison de 28 192 euros au titre du premier de ces exercices et de 105 719 euros au titre du second ; que l'administration fiscale, constatant que la SARL MWM n'avait produit au passif de la procédure collective dont faisait l'objet la société Cama qu'une créance de 63 636, 58 euros, a limité à concurrence de ce montant la déduction de la provision du résultat imposable ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code de justice administrative : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) " ;

8. Considérant que la société requérante soutient qu'elle a continué à entretenir des relations commerciales avec la société Cama après l'expiration du délai de déclaration des créances au passif du redressement judiciaire et que, par suite, le montant des factures émises postérieurement à l'expiration de ce délai ne pouvait faire l'objet d'une déclaration au passif de la procédure collective ;

9. Mais considérant que le ministre fait valoir d'une part, que la SARL MWM n'a pas été en mesure de produire le moindre commencement de justification des flux de marchandises correspondant aux factures émises par la SARL MWM au nom de la société Cama et, d'autre part, que si la SARL MWM a produit au passif du redressement judiciaire de la société Cama une somme de 63 636, 58 euros, dont la provision correspondante, ainsi qu'il a été dit, a été admise en déduction du résultat imposable, elle n'a en revanche produit aucune déclaration complémentaire de créances au passif de la liquidation judiciaire de cette société, intervenue ultérieurement ; que, contrairement à ce que soutient la SARL MWM, l'administration fiscale ne peut être regardée comme ayant admis, dans la proposition de rectification qui se bornait sur ce point à se référer aux allégations du contribuable, l'existence des refacturations réalisées par elle, à prix coûtant, auprès de la société Cama ; qu'en outre, si la société requérante fait valoir que la créance représentant le montant de plusieurs factures, émises au cours du mois de juillet 2004, aurait été produite le 30 octobre 2004 au passif de la liquidation judiciaire des société Cama et Replic, le seul document qu'elle produit à cet égard, qui se borne à retracer le montant de ces factures, ne suffit pas à justifier de la production alléguée des créances ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe dès lors qu'elle conteste la réalité de créances et des facturations correspondantes, que, au-delà de la somme de 63 636, 58 euros, les charges auxquelles se rapportaient les provisions en litige n'étaient pas déductibles du résultat imposable ; que, par voie de conséquence, c'est à bon droit que ces provisions ont été rapportées au résultat imposable de la SARL MWM ;

Sur les pénalités restant en litige :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

11. Considérant que, pour rapporter la preuve qui lui incombe du bien-fondé de la pénalité de 40 % mise à la charge de la SARL MWM à raison des rectifications relatives aux provisions, qui seules restent en litige, le ministre de l'économie et des finances, qui se réfère à la proposition de rectification, fait valoir que la SARL MWM ne pouvait ignorer l'absence de flux de marchandises correspondant aux factures sur lesquelles étaient constituées les provisions pour dépréciation des comptes clients ; que, toutefois, la seule circonstance que la SARL MWM n'ait pas été en mesure de justifier de la réalité des flux de marchandises, alors que la créance résultant des factures émises à destination de la société Cama a été admise à concurrence de 63 636, 58 euros au passif de la liquidation judiciaire de cette société, ne suffit pas à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt ; que, dans ces circonstances, la SARL MWM est fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré appliquées aux rectifications résultant des provisions pour dépréciation des comptes clients ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL MWM est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant que celle-ci portait, d'une part, sur les rectifications résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires et, d'autre part, sur les pénalités pour manquement délibéré appliquées aux rectifications relatives aux provisions pour dépréciation des comptes clients ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de la société requérante ;

14. Considérant, en revanche, qu'en l'absence de litige né et actuel entre la SARL MWM et le comptable public, les conclusions de la SARL MWM tendant à ce que la décharge soit assortie du remboursement des frais prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La SARL MWM est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt mises à sa charge au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 et des pénalités correspondant à ces impositions, résultant de la reconstitution de son chiffre d'affaires.

Article 2 : La SARL MWM est déchargée des pénalités pour manquement délibéré appliquées aux rectifications relatives aux provisions pour dépréciation des comptes clients.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1106519/1-2 en date du 6 juillet 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à la SARL MWM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL MWM est rejeté.

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N° 12PA03922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03922
Date de la décision : 21/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Timothée PARIS
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : BELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-05-21;12pa03922 ?
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