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22/11/2012 | FRANCE | N°10PA01107

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 22 novembre 2012, 10PA01107


Vu l'arrêt en date du 31 décembre 2010 par lequel la Cour de céans a sursis à statuer sur la requête de l'Etablissement français du sang (EFS), auquel l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) est substitué depuis le 1er juin 2010 en vertu de l'article

L. 1221-14 du code de la santé publique, et l'appel incident de M. A, relevant appel du jugement n° 0605376/6-1 en date du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'EFS à indemniser les préjudices de M. A résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, d

ans l'attente que l'ONIAM examine la demande amiable de M. A au titre...

Vu l'arrêt en date du 31 décembre 2010 par lequel la Cour de céans a sursis à statuer sur la requête de l'Etablissement français du sang (EFS), auquel l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) est substitué depuis le 1er juin 2010 en vertu de l'article

L. 1221-14 du code de la santé publique, et l'appel incident de M. A, relevant appel du jugement n° 0605376/6-1 en date du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'EFS à indemniser les préjudices de M. A résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, dans l'attente que l'ONIAM examine la demande amiable de M. A au titre de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique instituant une procédure de règlement amiable au profit des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale et notamment son article 67 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me Deray, pour M. A ;

1. Considérant que M. A a été hospitalisé en mars 1985 à l'hôpital Broussais où il a subi un pontage coronarien nécessitant des transfusions ; qu'en 1991 a été diagnostiquée une hépatite C ; qu'en 1999 M. A a présenté des troubles neurologiques au niveau de ses membres inférieurs, pour lesquels a été diagnostiqué un syndrome de Guillain-Barré ; que M. A a saisi en 2006 le Tribunal administratif de Paris d'une requête tendant à ce que l'EFS et l'AP-HP soient condamnés solidairement à réparer le préjudice résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C qu'il imputait aux transfusions reçues au cours de l'intervention de 1985 ; que par jugement du 18 décembre 2009, le Tribunal administratif de Paris a retenu la responsabilité de l'EFS dans la contamination de M. A à raison des produits sanguins qui lui ont été administrés et l'a condamné à prendre en charge les préjudices de M. A ainsi que les débours présentés par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne ; que l'EFS, auquel s'est substitué l'ONIAM en cours d'instance, a régulièrement relevé appel de ce jugement, d'une part, en ce qu'il a retenu un lien de causalité entre la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C et l'apparition du syndrome de Guillain-Barré et a inclus dans le préjudice de la victime l'ensemble des conséquences dommageables de ce syndrome, et, d'autre part, en ce qu'il a fait une appréciation excessive de certains postes de préjudices ; que M. A, par la voie de l'appel incident, a demandé la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ; que les parties ne contestent pas en appel l'origine transfusionnelle de la contamination par le virus de l'hépatite C en raison de laquelle les premiers juges ont retenu la responsabilité de l'EFS, auquel l'ONIAM est substitué pour l'indemnisation des préjudices des victimes ; que les dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale, qui instituent une procédure de règlement amiable au profit des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins, étant entrées en vigueur en cours d'instance, par un mémoire enregistré le 21 juillet 2010, M. A a demandé à la Cour de céans de surseoir à statuer sur sa requête jusqu'à ce que l'ONIAM ait examiné sa demande au titre de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique ; que par un arrêt du 31 décembre 2010, la Cour a fait droit à sa demande ; que par un courrier du 19 juin 2012 versé au dossier, l'ONIAM a informé M. A du rejet de sa demande de transaction amiable, au motif, d'une part, que contrairement à ce qu'avait jugé le Tribunal administratif de Paris, son état de santé n'était pas consolidé et, d'autre part, que l'imputabilité du syndrome de Guillain-Barré à la contamination par le virus de l'hépatite C ne pouvait être retenue ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, l'assuré social qui a été victime d'un accident n'entrant pas dans la catégorie des accidents du travail, doit indiquer sa qualité d'assuré social lorsqu'il demande en justice réparation du dommage qu'il a subi ; que cette obligation a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des caisses de sécurité sociale concernées dans les litiges opposant la victime et le tiers responsable de l'accident ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier de première instance que M. A avait produit une copie de la notification d'attribution d'une pension d'invalidité par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France ; que, toutefois, le Tribunal administratif de Paris a omis de mettre en cause cette caisse ; qu'il a ainsi méconnu la portée des dispositions précitées du code de la sécurité sociale ; que, par suite, le jugement est irrégulier et doit être annulé en tant qu'il a statué sur les préjudices de M. A ;

4. Considérant que, la CPAM d'Ile-de-France ayant été mise en cause devant la Cour, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. A et par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Au fond :

Sur les préjudices de M. A et le recours de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4. " ;

6. Considérant que si, en application des dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 ayant institué aux articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique un dispositif d'indemnisation des dommages subis par les victimes de contamination transfusionnelle par le VHC, l'ONIAM a reçu la mission d'indemniser ces dommages au titre de la solidarité nationale et non en qualité d'auteur responsable, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, il résulte toutefois des dispositions du IV de l'article 67 selon lesquelles l'Office se substitue à l'EFS dans les procédures tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14, en cours à la date d'entrée en vigueur de cet article et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, que le législateur a entendu, dans ces procédures, substituer l'ONIAM à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ; que l'instance opposant M. A à l'EFS était en cours à la date d'entrée en vigueur de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 ; que la CPAM de Seine-et-Marne est donc fondée à rechercher auprès de l'ONIAM le remboursement des prestations qu'elle a versées à son assuré ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé :

7. Considérant que l'ONIAM conteste l'imputabilité du syndrome de Guillain-Barré à la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C ; qu'il résulte de l'instruction que les débours dont la CPAM de Seine-et-Marne demande le remboursement comprennent des frais d'une hospitalisation à l'hôpital de Gonesse du 11 au 16 janvier 1999, au cours de laquelle M. A a exclusivement été traité pour le syndrome de Guillain-Barré qu'il présentait ; qu'il résulte du rapport d'expertise précité du Docteur C que si celle-ci a mentionné que le problème de la relation entre la maladie virale et l'atteinte neurologique se posait chez M. A et que l'on pouvait admettre qu'il n'avait aucune autre cause de polyradiculonévrite, elle a cependant souligné que cette éventualité n'avait pas été évoquée au moment de la prise en charge neurologique et a conclu qu'il était possible que ce syndrome soit en relation avec l'infection par le VHC ; que, comme le fait valoir l'ONIAM, cette assertion ne permet pas de considérer que le syndrome de Guillain-Barré présente un lien certain de causalité avec la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C ; que les dépenses d'hospitalisation à Gonesse au cours du mois de janvier 1999 doivent donc être rejetées ; qu'en revanche la CPAM de Seine-et-Marne justifie de frais médicaux et pharmaceutiques d'un montant de 44 540, 72 euros exposés pour son assuré et en relation avec le virus de l'hépatite C, qui doivent être mis à la charge de l'ONIAM ;

8. Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour de donner acte à la CPAM de ses réserves relatives à d'éventuels débours ultérieurs qu'elle serait amenée à engager pour son assuré social ;

Quant aux pertes de revenus :

9. Considérant que M. A demande l'indemnisation de son préjudice au titre de ses pertes de revenus ; que M. A fait valoir qu'il a dû cesser son travail pendant 6 à 7 mois à la suite de sa paralysie des membres inférieurs imputable au syndrome de Guillain-Barré et que n'ayant jamais retrouvé un usage normal de ses jambes, il n'a eu d'autre choix que de reprendre son travail en mi-temps thérapeutique jusqu'en octobre 2002 puis a été mis d'office, à cette date, en invalidité puis à la retraite ; qu'il résulte cependant de l'instruction, et notamment du seul courrier relatif à la prise en charge de ce syndrome, émanant d'un praticien du centre hospitalier de Gonesse et daté du 26 mai 1999, que seuls une légère hypoesthésie superficielle des membres inférieurs et de discrets troubles vésico-sphinctériens étaient alors signalés, le Docteur C mentionnant pour sa part qu'à la date de la consultation d'expertise, le patient n'avait pas décrit les séquelles neurologiques du syndrome comme gênantes et concluant à des séquelles neurologiques minimes ; que, dès lors, M. A n'établit pas que la réduction puis la cessation de son activité professionnelle aient eu pour origine une altération de son état de santé qui résulterait du syndrome de Guillain-Barré ; qu'en tout état de cause, comme il a été dit plus haut, le syndrome de Guillain-Barré ne pouvant être considéré comme présentant un lien avec la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C, les demandes de M. A relatives à ses pertes de revenus ou à la dévalorisation de ses droits à la retraite ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A souffre d'une hépatite C qui a atteint le stade de cirrhose non compliquée et dont l'activité virale persiste malgré deux traitements subis en mars 2005, pour une durée de 48 semaines, et de mai 2006 à avril 2007, pris en compte par l'expert ; qu'il résulte des dernières écritures de M. A que malgré un dernier traitement de trithérapie subi en 2011, son état n'a pas connu d'amélioration ; que son déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé compte tenu de la persistance de la maladie au stade de cirrhose ; que ce déficit a été estimé à 15% par l'expert et doit être indemnisé, compte tenu de l'âge de la victime, à hauteur de 20 000 euros ; que les traitements subis par M. A, dont l'expert souligne, en ce qui concerne le premier, qu'ils ont été très mal supportés par le patient en raison de céphalées, douleurs musculaires et irritabilité qui l'accompagnaient, justifient une réparation du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 8 000 euros ; que M. A faisant valoir qu'en raison de son asthénie, il ne peut plus pratiquer ses activités sportives et de loisirs, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'agrément en lui allouant à ce titre une somme de 2 000 euros ; que l'expert a retenu un pretium doloris de 2,5 à 3 sur 7, qui doit être réparé à hauteur de 3 000 euros ; que M. A est également atteint d'asthénie et présente un état dépressif ; qu'il souffre d'anxiété quant à l'évolution défavorable et à l'issue incertaine de sa maladie, laquelle impose de nombreux examens ainsi qu'une surveillance médicale permanente ; que ces troubles dans les conditions d'existence justifient l'allocation d'une somme de 3 000 euros ; qu'ainsi l'ensemble des préjudices personnels de M. A doit être évalué à la somme de 36 000 euros ;

Sur les intérêts :

11. Considérant que la CPAM de Seine-et-Marne a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 44 540, 72 euros à compter du 19 octobre 2007, date de sa première demande devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les frais d'expertise :

12. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris en date du 11 juillet 2007 à la somme de 1 588, 80 euros, à la charge de l'ONIAM ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A et par la CPAM de Seine-et-Marne doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 18 décembre 2009 est annulé en tant qu'il a statué sur les préjudices de M. A.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à M. A la somme de 36 000 euros.

Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à la CPAM de Seine-et-Marne la somme de 44 540, 72 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2007.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du 28 décembre 2006 du Tribunal administratif de Paris, liquidés et taxés par ordonnance du vice-président de ce tribunal en date du 11 juillet 2007 à la somme de 1 588, 80 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.

Article 5 : L'appel incident de M. A et la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne devant la Cour sont rejetés.

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N° 10PA03855

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N° 10PA01107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA01107
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : CABINET HOUDART

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-22;10pa01107 ?
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