Vu, I, sous le n° 12PA00017, la requête enregistrée le 3 janvier 2012, présentée pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), dont le siège est ..., par Me Holleaux ; l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0814349/6-1 du 7 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à indemniser les préjudices subis par Mme Muriel à la suite des interventions pratiquées à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière les 17 juin 2002 et 23 avril 2003 ;
2°) à titre subsidiaire de réformer le jugement et de ramener l'évaluation des préjudices de Mme à de plus justes proportions en appliquant une perte de chance n'excédant pas 10% ;
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Vu, II, sous le n° 12PA00093, la requête sommaire enregistrée le 9 janvier 2012, présentée pour Mme Muriel , demeurant ..., par le cabinet André-Portailler ; Mme demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0814349/6-1 du 7 novembre 2011 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser au titre de l'aléa thérapeutique survenu lors de l'intervention du 17 juin 2002 et de le réformer en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à ses prétentions indemnitaires ;
2°) de condamner l'ONIAM et l'AP-HP à lui verser la somme totale de 527 355, 72 euros en réparation de ses préjudices, ainsi qu'une rente annuelle viagère de 42 724 euros et de surseoir à statuer sur ses pertes de gain professionnel à compter du 1er avril 2011 et l'incidence sur sa retraite, ainsi que sur ses frais d'acquisition et d'aménagement d'un logement futur ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM et de l'AP-HP les dépens, en ce compris les frais d'expertise et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;
Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et notamment son article 102 ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment son article 67 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :
- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,
- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,
- et les observations de Me Lasnier, pour Mme , et de Me Valluis, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
1. Considérant que les requêtes susvisées enregistrées sous les numéros 12PA00017 et 12PA00093, présentées respectivement pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et Mme Muriel , sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que Mme , qui présentait de vives douleurs dorsales s'étant récemment aggravées d'un déficit moteur de la jambe droite et d'une diminution de la sensibilité des membres inférieurs, a été opérée en urgence à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière le 17 juin 2002 en vue de la résection d'une volumineuse hernie discale compressant la moelle épinière ; que la hernie discale n'a pu être enlevée totalement du fait de sa calcification et de sa saillie partielle dans la dure-mère et alors que la manoeuvre pour procéder à l'ablation de cette partie a provoqué un mouvement anormal de la patiente ; qu'à son réveil, Mme a présenté une paraplégie complète avec troubles sphinctériens, en lien avec la lésion médullaire qui s'est produite au cours de l'intervention et la persistance de la compression médullaire ; qu'elle a subi une rééducation post-opératoire qui a permis une régression limitée des troubles sensitifs et moteurs et une amélioration des troubles sphinctériens avant leur nouvelle aggravation ; que pour améliorer la récupération de Mme , l'équipe médicale a décidé de pratiquer une intervention de reprise le 23 avril 2003 ; que la tentative de résection du fragment compressif restant a échoué, Mme conservant les séquelles antérieures ; que cette dernière a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France (CRCI) qui, dans un avis du 11 juillet 2006, a estimé que le dommage devait être indemnisé par l'établissement hospitalier à hauteur de 10% et par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à hauteur de 65%, la part restante étant imputable à l'état de santé antérieur de la patiente ; que Mme a regardé comme insuffisantes les offres d'indemnisation qui lui ont été faites par l'ONIAM, tant au titre de la solidarité nationale que comme se substituant à l'AP-HP, et a saisi le Tribunal administratif de Paris en vue de la condamnation de l'ONIAM à réparer ses préjudices ; que par le jugement critiqué du 7 novembre 2011, le Tribunal administratif de Paris a estimé que les conditions d'indemnisation de l'accident médical survenu le 17 juin 2002 par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, n'étaient pas réunies, et a retenu la responsabilité de l'AP-HP en raison du choix contre-indiqué de la voie d'abord empruntée pour l'intervention du 23 avril 2003 ; qu'il a, en conséquence, condamné l'AP-HP à verser, d'une part, à Mme la somme de 83 089, 33 euros ainsi qu'une rente annuelle viagère de 3 250 euros en réparation de la perte de chance subie par cette dernière d'échapper aux séquelles de l'accident médical survenu lors de l'opération du 17 juin 2002, et, d'autre part, à l'Etat, en qualité d'employeur de Mme , la somme de 5 964, 98 euros ; que l'AP-HP relève régulièrement appel de ce jugement ; que Mme en relève également appel en ce qu'il a mis hors de cause l'ONIAM et n'a retenu à l'encontre de l'AP-HP qu'un pourcentage de 25% de perte de chance, ne faisant que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Sur la responsabilité :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM ;
4. Considérant que si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport du Professeur remis à la CRCI d'Ile-de-France, que l'état séquellaire de Mme après l'opération du 17 juin 2002, laquelle était parfaitement justifiée par la dégradation importante de l'état de santé de la patiente et a été réalisée dans les règles de l'art, résulte d'une lésion médullaire intervenue lors de l'opération et que l'expert a regardé comme un aléa thérapeutique inhérent aux opérations de hernies discales dorsales calcifiées ; que cette analyse n'est pas critiquée par les parties ; qu'en revanche, le même expert estime que la seconde intervention, qui visait à réduire les séquelles persistantes de l'accident médical du 17 juin 2002 et était justifiée par une chance de résorption de ces dernières de 50% selon la littérature médicale, n'a pas été menée conformément aux règles de l'art en ce qui concerne le choix de la voie d'abord postéro-latérale, laquelle, si elle était adaptée pour la première intervention en raison de la localisation de la hernie en partie latérale et atteignant la partie postérieure du canal rachidien, ne l'était plus pour la seconde, le segment de hernie restant se situant en partie médiane et antérieure ; que l'AP-HP n'apporte pas d'éléments suffisants de nature à contredire cette analyse de l'expert ; qu'ainsi la décision d'intervenir par une voie d'abord inadaptée et comportant selon l'expert le risque de retrouver les adhérences de la hernie à la moelle épinière qui avaient fait échouer la première intervention, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP, à raison de la perte de chance qu'elle a causée à Mme de se soustraire aux séquelles de l'accident médical résultant de l'opération du 17 juin 2002 ;
6. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que si l'aléa thérapeutique qui s'est réalisé a entraîné pour Mme des conséquences dommageables caractérisées, après une paraplégie transitoire, par une paraparésie bilatérale des membres inférieurs avec spasticité, troubles sphinctériens et déficit sensitif, il ressort des expertises réalisées, et notamment de celle du Docteur , que la patiente présentait en juin 2002, avant son opération, des troubles neurologiques invalidants rapidement évolutifs avec une force musculaire diminuée des jambes et d'importantes difficultés à la marche et qu'elle était affectée d'une hernie discale volumineuse occupant presque tout le canal rachidien, le cordon médullaire étant complètement écrasé ; qu'il résulte de la littérature médicale que les hernies discales les plus calcifiées présentent une forte probabilité d'évolution vers des troubles moteurs, sensitifs et sphinctériens importants ; que, dans ces conditions, nonobstant l'appréciation du Professeur selon laquelle l'évolution vers la complication n'était pas inéluctable, il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'absence d'intervention, les troubles de Mme n'auraient pas évolué péjorativement vers un état proche de celui qui résulte de l'accident médical ; qu'ainsi, quelle que soit la gravité du dommage, et sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise complémentaire sur ce point, les conséquences de l'accident survenu à l'occasion de l'opération du 17 juin 2002 ne peuvent être regardées, comme en ont jugé à bon droit les premiers juges, comme anormales au regard de l'état de santé de Mme comme de l'évolution prévisible de celui-ci au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que pour ce motif, quelle qu'ait été la position de l'ONIAM au cours de la procédure amiable devant la CRCI, et sans qu'il soit besoin de répondre aux autres moyens soulevés par l'ONIAM tendant à démontrer qu'il ne peut être mis en cause dans ce dommage, aucune indemnité ne peut être mise à la charge de ce dernier au titre de la solidarité nationale ;
7. Considérant qu'en revanche l'AP-HP doit être condamnée à indemniser Mme à hauteur de la perte de chance qu'elle a subie ; que contrairement à ce que soutient Mme , il n'appartient pas à l'ONIAM de se substituer à l'AP-HP pour prendre en charge cette indemnisation ; que le Professeur a estimé qu'une opération de reprise avait 50% de chances de permettre à Mme d'échapper aux séquelles dont elle était atteinte à raison de la première intervention, mais que l'intervention du 23 avril 2003 ayant été mal localisée, cette erreur lui a fait perdre la moitié de ces 50% de chances de succès de l'opération de reprise ; que cet expert a clairement mentionné que la perte de chance résultant pour Mme de l'intervention fautive devait être évaluée ainsi à 25% ; que c'est donc à bon droit, contrairement à ce que soutient l'AP-HP, que les premiers juges ont mis l'indemnisation des préjudices de Mme à la charge de cette dernière à hauteur de ce taux de perte de chance ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Quant aux dépenses de santé :
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme requiert l'acquisition d'un fauteuil roulant ; que si Mme soutient qu'elle a besoin de deux appareils de ce type, l'un étant utilisé à domicile et l'autre pour ses déplacements extérieurs, elle n'établit pas qu'un seul fauteuil ne puisse être utilisé pour cet usage mixte ; qu'en revanche il y a lieu de prendre en compte le coût justifié par une facture produite au dossier, du fauteuil roulant le plus performant, d'un montant total de 3 555, 01 euros restant à la charge de l'intéressée, après déduction de la part assurée par la sécurité sociale ; que cette dépense doit être capitalisée, compte tenu de l'âge de la victime au moment de la première acquisition d'un fauteuil roulant et d'un renouvellement de cet équipement tous les 6 ans, à 14 324, 91 euros ; que la dépense totale, incluant le coût d'acquisition initial, s'élève donc à 17 879, 87 euros ; qu'en tenant compte de l'évaluation de la perte de chance retenue plus haut de 25%, l'indemnisation de ce chef de préjudice s'élève à 4 470 euros ;
9. Considérant que Mme justifie au dossier de dépenses de matériels nécessaires à son état de santé, dont des coussins, orthèses, cadre de marche, porte-canne, siège de douche et surélévateur de toilette, qu'il y a lieu de prendre en compte à hauteur, après soustraction de la part prise en charge par le régime de sécurité sociale et capitalisation de la dépense à compter de la date de première acquisition de ces matériels et selon la fréquence de leur renouvellement indiquée par Mme , de 2 387, 08 euros ; qu'après application du taux de perte de chance, le montant indemnisable correspondant à ces dépenses s'élève à 596, 77 euros ;
10. Considérant que si Mme soutient qu'elle a dû acquérir un entraîneur thérapeutique motorisé, en l'absence de tout certificat médical susceptible de démontrer la nécessité de cette dépense en rapport avec le dommage, il y a lieu comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges d'écarter celle-ci ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que des dépenses de santé liées aux troubles sphinctériens résultant de l'accident médical, s'élevant à un montant mensuel de 40, 59 euros, sont restées à la charge de Mme ; que ces dépenses pourront être évaluées, après capitalisation, à la somme de 12 263, 21 euros ; qu'après application du taux de perte de chance, le montant indemnisable correspondant à ces dépenses s'élève à 3 065, 80 euros ;
12. Considérant que l'ensemble des dépenses de santé restées à la charge de Mme , indemnisées à hauteur du taux de perte de chance, s'élèvent donc à la somme de 8 132, 54 euros ;
13. Considérant que, pour évaluer le dommage corporel, il y a lieu de tenir compte tant des éléments de préjudice qui ont été couverts par des prestations de sécurité sociale que de ceux qui sont demeurés à la charge de la victime ; que l'indemnité due par le défendeur correspond à la part du dommage corporel dont la réparation lui incombe eu égard au partage de responsabilité ou à l'ampleur de la chance perdue ; que cette indemnité doit être versée à la victime, qui exerce ses droits par préférence à la caisse de sécurité sociale subrogée, à concurrence de la part du dommage corporel qui n'a pas été couverte par des prestations ; que comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise supporte la charge, à raison du dommage litigieux, de dépenses de santé et a en particulier évalué les frais futurs d'appareillage pris en charge pour son assurée à la somme de 13 249, 14 euros, soit une somme de 3 312, 28 euros après application du taux de perte de chance, sans toutefois en demander le remboursement ; que le préjudice indemnisable peut donc être estimé au titre des dépenses de santé recouvrant le financement de matériels liés au handicap à la somme totale de 11 444, 85 euros ; que dans le cas où la caisse ne demande pas le remboursement de ses débours, l'indemnité mise à la charge du tiers responsable correspond à la part du dommage corporel dont il est responsable sans pouvoir excéder la part non couverte par des prestations ; que cette indemnité doit être intégralement versée à la victime ; qu'ainsi, il y a lieu d'attribuer la somme de 8 132, 54 euros à Mme ;
Quant aux frais liés au handicap :
14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme nécessite une assistance pour les gestes de la vie quotidienne ; que le Professeur a estimé ce besoin à 3 heures par jour tous les jours ; que Mme n'apporte pas au dossier d'éléments susceptibles d'établir que ce besoin aurait été insuffisamment apprécié par l'expert ; qu'il résulte de l'instruction que cette assistance d'une tierce personne a été nécessaire pour la période du 4 juillet 2003 au 30 juin 2004 pendant laquelle Mme était prise en charge pour sa rééducation à raison de 3 jours et demi par semaine en hôpital de jour à Eaubonne mais rentrait tous les jours à son domicile, sauf en ce qui concerne le mois d'août 2003 pendant lequel elle a été totalement hospitalisée dans cet établissement ; que le taux de 3 heures par jour retenu par l'expert doit être appliqué à cette période ; qu'au titre des dépenses passées doivent également être pris en compte les frais d'assistance à compter du 1er juillet 2004 et jusqu'à la date du présent arrêt ; que le total de ces dépenses doit être évalué sur la base de 3 heures par jour et incluant les congés payés, à la somme totale de 150 150 euros ;
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme perçoit de sa mutuelle une allocation de compensation des frais provoqués par sa situation de handicap, modulée notamment en fonction de son besoin d'assistance ; qu'il appartient au juge de prendre les mesures nécessaires pour éviter une double indemnisation de la victime ; que l'objet de cette prestation étant le même que l'indemnisation qui lui est octroyée au titre de l'assistance d'une tierce personne, il y a lieu d'imputer la somme perçue par Mme d'un montant déclaré de 3 370 euros sur l'indemnisation ci-dessus calculée de son besoin d'assistance d'une tierce personne ; qu'ainsi, ce besoin doit être évalué à la somme totale de 146 780 euros ;
16. Considérant que compte tenu de l'âge de Mme à la date du présent arrêt, les dépenses futures certaines que l'intéressée sera amenée à exposer pour l'assistance d'une tierce personne peuvent être estimées sur la base du barème de capitalisation de 2011, à un capital représentatif de 333 349, 38 euros, qu'il conviendra de substituer à une rente annuelle ;
17. Considérant qu'en application de la perte de chance susdéterminée de 25%, Mme peut prétendre à l'indemnisation des dépenses passées d'assistance d'une tierce personne à hauteur de 36 695 euros et des dépenses futures sous la forme d'un capital représentatif limité à 83 337, 34 euros ;
18. Considérant, en deuxième lieu, que Mme établit avoir supporté des frais pour l'aménagement de son véhicule en 2004, à hauteur de 3 109, 09 euros, et avoir dû suivre une formation adaptée d'un coût de 975 euros ; que compte tenu du taux perte de chance, 25%, cette dépense sera retenue à hauteur de 1 021 euros ; que contrairement, à ce qu'ont estimé les premiers juges, Mme démontre que son précédent véhicule est trop petit pour être adapté de façon satisfaisante à son handicap et qu'il lui est nécessaire d'en acquérir un nouveau ; que, compte tenu des devis qu'elle a produits, il sera fait une juste appréciation du surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule plus spacieux et du coût de son adaptation en le fixant à 24 000 euros ; que Mme doit être regardée comme conduite à renouveler cette dépense avec une périodicité de huit ans ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de capitaliser l'indemnité due à ce titre à la somme de 85 053 euros ; que compte tenu du taux perte de chance de 25%, cette dépense peut être indemnisée à hauteur de 21 263, 25 euros ; que le préjudice total de Mme lié aux dépenses passées et futures d'un véhicule adapté à son état de santé s'élève à 22 284, 25 euros ;
19. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, que Mme a exposé la somme globale de 3 348, 35 euros pour l'aménagement de son appartement actuel en raison de son handicap ; que compte tenu du taux perte de chance de 25%, cette dépense sera indemnisée à hauteur de 837 euros ;
20. Considérant enfin qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de donner acte à une partie de ses réserves relatives à d'éventuels droits ultérieurs ; que, par suite, les conclusions en ce sens présentées par Mme s'agissant de l'acquisition future d'un logement adapté à son handicap doivent être rejetées ;
Quant aux pertes de revenus :
21. Considérant que si les parties ne contestent pas, dans leur principe ni dans leur montant, l'indemnisation par les premiers juges des pertes de revenus de Mme , pour la période antérieure à la consolidation de son état de santé, dont une part lui revient au titre des traitements nets dont elle a été privée et une autre revient à l'Etat, employeur subrogé dans les droits de son agent, au titre des traitements bruts et des indemnités statutaires qu'il lui a maintenus, il résulte toutefois de l'instruction que l'indemnisation du dommage en cause ne peut courir qu'à compter de l'intervention fautive du 23 avril 2003 en ce qu'elle n'a pas permis d'éviter les conséquences dommageables de l'accident non fautif et non pas, comme en ont jugé à tort les premiers juges, à compter du 17 décembre 2002 ; qu'il résulte également de l'instruction que les experts ont indiqué que des suites opératoires d'une certaine durée auraient été inévitables même en cas de déficit moteur non compliqué ; qu'il y a lieu de déduire de l'indemnisation due au titre des pertes de revenus la période de prise en charge postopératoire de l'intéressée, telle qu'elle résulte de l'instruction, qui a couru entre le 24 avril et le 4 juillet 2003 ; qu'ainsi les pertes de revenus de Mme ne peuvent être indemnisées qu'à compter de cette dernière date ; que ces pertes, dont le montant retenu par le Tribunal administratif de Paris n'est pas contesté, doivent donc faire l'objet d'un prorata temporis pour ne retenir que celles ayant couru entre le 4 juillet 2003 et le 1er septembre 2004 ; qu'à ce titre l'indemnité globale mise à la charge de l'AP-HP, par le jugement attaqué après application du taux de perte de chance doit être ramenée de 9 555, 66 euros à 6 443, 06 euros, indemnité qui doit être attribuée par préférence à la victime conformément aux dispositions de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 ; que l'indemnité devant être attribuée à Mme , au titre de ses pertes de revenus nets, doit être ramenée de 6 770, 55 euros à 4 565, 15 euros, et celle accordée à l'Etat, en tant qu'employeur de Mme subrogé dans les droits de celle-ci, au titre du reliquat de l'indemnité mise à la charge de l'AP-HP, ramenée de 2 785, 11 euros à 1 877, 91 euros ;
22. Considérant que, après application du même prorata temporis, l'action directe exercée par l'Etat contre le responsable des dommages afin de poursuivre le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à l'agent pendant la période d'indisponibilité de celui-ci, ouverte par l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, donnera lieu à l'indemnisation de l'Etat au titre desdites charges, après application du taux de perte de chance, par une somme qui sera ramenée de 3 179, 87 euros à 2 144, 08 euros ;
23. Considérant, qu'en revanche, c'est à tort que les premiers juges ont écarté le chef de préjudice lié aux pertes de revenus de Mme entre septembre 2005 et avril 2011, sur lequel ils ont statué, pour absence de lien établi avec le dommage litigieux ; qu'il résulte en effet de l'instruction que Mme est atteinte d'un taux global de déficit fonctionnel permanent de 65% ; que le Professeur a estimé que si la victime était apte à une activité professionnelle, elle ne pouvait reprendre celle-ci dans les mêmes conditions ; que le Docteur a, de même, souligné que si l'intéressée souhaitait reprendre ses activités d'enseignante, cette possibilité paraissait incertaine auprès de son employeur et elle aurait de toutes façons des difficultés à le faire ; que dans ces conditions, la poursuite de son activité à temps partiel doit être regardée comme liée à l'accident médical en cause ; que toutefois, si Mme soutient dans ses écritures qu'elle a été privée d'un revenu global net de 127 331, 82 euros pour la période débutant le 26 octobre 2005, date de consolidation de son état de santé, jusqu'au 1er avril 2011, il résulte de l'instruction, et notamment des récapitulatifs de traitements qu'elle a versés au dossier pour cette période, qu'elle a perçu non pas comme elle le soutient une somme de 123 887 euros mais celle de 128 850 euros ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer des pertes de salaires pour cette période ;
24. Considérant enfin que Mme invoque d'éventuelles pertes de revenus futures et des incidences financières dans l'hypothèse d'une mise en retraite anticipée pour invalidité, dont elle indique qu'elle n'est pas en mesure de les chiffrer actuellement ; que ces préjudice qui ne sont qu'éventuels ne peuvent faire l'objet de réserves et qu'il incombera à l'appelante, si ces nouveaux chefs de préjudice surviennent, de faire valoir ses droits devant la juridiction administrative ;
S'agissant des autres dépenses liées au dommage corporel :
25. Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté les demandes de Mme relatives à des dépenses de sports nautiques, comme dépourvues de lien avec le dommage ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
26. Considérant que le Professeur a évalué à 40% le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme résultant de l'accident non fautif survenu lors de l'opération du 17 juin 2002, et qui n'a pu être amélioré par l'intervention de reprise du 23 avril 2003, le même déficit fonctionnel persistant ; que l'expert a fixé la consolidation de l'état de santé de l'intéressée à la date des opérations d'expertise, soit en novembre 2005 ; que Mme était alors âgée de 52 ans ; que l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être évaluée à la somme de 70 000 euros ; que Mme a subi un déficit fonctionnel temporaire, lequel doit être pris en compte à compter du 4 juillet 2003 marquant la fin de la période de prise en charge postopératoire nécessaire après l'intervention fautive du 23 avril 2003 ; qu'il y a lieu d'indemniser la période de déficit fonctionnel temporaire courant à compter de cette date et prenant fin selon l'expert en septembre 2004, date de reprise de son activité professionnelle par l'intéressée, par l'octroi d'une somme de 6 000 euros ; que l'expert a évalué les souffrances physiques et morales subies par Mme à 5 sur une échelle de 7, qui justifient l'allocation d'une somme de 10 000 euros ; que l'expert a également évalué son préjudice esthétique à 5 sur la même échelle compte tenu, comme le fait valoir Mme , de ce qu'elle se déplace en fauteuil roulant ou à l'aide de cannes et que son état nécessite le port d'orthèses ; que ce préjudice doit en conséquence être évalué à la somme de 13 000 euros ; que l'expert a retenu un préjudice d'agrément pour Mme qualifié de majeur, cette dernière étant privée de toute possibilité de poursuivre les activités sportives, notamment de kayak, de randonnée et de natation, qu'elle exerçait ; que ce préjudice peut être évalué à la somme de 10 500 euros ; que l'expert a qualifié de total le préjudice sexuel subi par Mme , qui pourra être réparé par l'octroi d'une somme de 10 000 euros ; qu'il sera ainsi fait une juste appréciation des troubles de toute nature que subit Mme en les évaluant au titre de l'ensemble des préjudices susdécrits, à la somme totale de 119 500 euros ; qu'après application du taux de perte de chance de 25%, le préjudice personnel de Mme s'établit à la somme de 29 875 euros ;
Sur le total des indemnités dues par l'AP-HP :
27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP doit être condamnée à verser à Mme la somme globale de 185 726, 37 euros ; que l'AP-HP doit également être condamnée à verser à l'Etat, en tant qu'employeur de Mme , la somme de 4 021, 99 euros ;
28. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à indemniser les préjudices subis par Mme ; qu'en revanche, Mme est fondée à demander la réformation du jugement en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à ses prétentions indemnitaires et dans la mesure indiquée plus haut ;
Sur les frais d'expertise :
29. Considérant qu'il y a lieu de maintenir les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 400 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris en date du 6 février 2004, à la charge de l'AP-HP ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme et non compris dans les dépens ;
31. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'AP-HP doivent dès lors être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 83 089, 33 euros ainsi que la rente annuelle viagère de 3 250 euros que l'AP-HP a été condamnée à verser à Mme , par l'article 2 du jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris, est portée à 185 726, 37 euros en ce compris le capital représentatif de la rente.
Article 2 : La somme de 5 964, 98 euros que l'AP-HP a été condamnée à verser à l'Etat, employeur de Mme , par l'article 3 du jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris, est ramenée à 4 021, 99 euros.
Article 3 : Le jugement en date du 7 novembre 2011 susmentionné du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'AP-HP versera à Mme une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La requête de l'AP-HP est rejetée.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme est rejeté.
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N° 10PA03855
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N° 12PA00017, 12PA00093