Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2010, présentée pour la société anonyme BENLUX LOUVRE dont le siège est situé 174, rue de Rivoli à Paris (75001), par Me Zamour ; la société BENLUX LOUVRE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0521240 et 0521324 du 23 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant l'annulation des décisions par lesquelles l'administration fiscale lui a réclamé une amende fiscale de 53 693 euros au titre de l'année 1999 et une amende fiscale de 96 425 euros au titre de l'année 2000 sur le fondement des dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts et mises en recouvrement le 8 décembre 2005 ;
2°) de prononcer l'annulation des décisions contestées et la décharge des amendes fiscales à hauteur des montants restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le code du commerce ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2012 :
- le rapport de M. Lercher,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me Sebbah, pour la société BENLUX LOUVRE,
et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 12 janvier 2012, présentée par Me Sebbah, pour la société BENLUX LOUVRE ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société BENLUX LOUVRE, portant sur les années 1999 et 2000, le service a constaté que cette dernière avait été en infraction, au cours de ces deux années, avec les dispositions de la loi du 22 octobre 1940 modifiée relative à l'obligation de paiement par chèque, virement ou carte bancaire dans les transactions effectuées entre commerçants au-delà de la somme de 5 000 francs ; que ces infractions ont fait l'objet de deux procès-verbaux le 10 décembre 2002 et le 18 septembre 2003 et ont donné lieu, conformément aux dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, à une amende de 5 % sur les sommes réglées en numéraire ; que la société BENLUX LOUVRE fait appel du jugement du 23 mars 2010 par lequel Tribunal administratif de Paris a seulement réduit le montant des amendes fiscales qui lui ont été réclamées au titre des années 1999 et 2000, mises en recouvrement le 8 décembre 2005, et rejeté le surplus de sa demande ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision du 2 décembre 2010, postérieure à l'introduction de la requête, le chef des services fiscaux de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est a prononcé un dégrèvement complémentaire du montant des amendes contestées de 34 393 euros ; que les conclusions de la requête de la société BENLUX LOUVRE relatives à ces amendes sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur les conclusions restant en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 modifié par l'article 80 de la loi du 23 décembre 1988 applicable à date des infractions litigieuses : (...) Les règlements qui excèdent la somme de cinq mille francs ou qui ont pour objet le paiement par fractions d'une dette supérieure à ce montant, portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux ou afférents à des acquisitions d'immeubles ou d'objets mobiliers ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs et des primes ou cotisations d'assurance doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement ou de crédit ; qu'aux termes de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, issu de l'article 3 de la même loi modifiée et dans sa rédaction applicable à la date des infractions : Les infractions aux dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 relatives aux règlements par chèques et virements, qui prescrit d'effectuer certains règlements par chèque barré ou par virement bancaire ou postal, sont punies d'une amende fiscale dont le montant est fixé à 5 % des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende, qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier, mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total ;
Sur la procédure d'établissement de l'amende :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 225 A du livre des procédures fiscales applicables à la date de constatation des infractions : Les agents qualifiés pour constater les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier sont désignés, conformément à la première phrase de l'article L. 112-7 du code précité, par arrêté du ministre chargé du budget ; qu'aux termes de l'article A. 225 A-1 du même livre : Les procès-verbaux constatant les infractions mentionnées à l'article L. 225 A peuvent être établis par les agents des impôts, par les agents des douanes, ainsi que par les agents de la direction générale de la concurrence et de la consommation qui ont prêté le serment requis des agents des administrations financières pour l'exercice de leurs fonctions./ Les procès-verbaux sont rédigés à la requête du directeur général des impôts et qu'aux termes de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable : Les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 sont constatées par des agents désignés par arrêté du ministre chargé du budget (...) ;
Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient à l'appui de sa requête qu'à la suite de l'intervention de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie législative du code monétaire et financier, en particulier de son article 4-I-31 abrogeant les articles 1er à 3 et 7 de la loi du 22 octobre 1940 relative aux règlements par chèques et par virements, les dispositions combinées des articles L. 112-7 du code monétaire et financier et L. 225 A du livre des procédures fiscales imposaient au ministre d'habiliter seulement certaines catégories d'agents de l'administration fiscale à constater les infractions à l'article L. 112-6 du code monétaire et financier ; que, toutefois, l'article L. 112-7 du code monétaire et financier issu de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie législative dudit code n'a pas modifié la compétence reconnue aux agents visés par l'article A. 225 A-1 du livre des procédures fiscales d'établir les procès-verbaux constatant les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que les inspecteurs des impôts qui ont établi les procès-verbaux dont la société BENLUX LOUVRE a fait l'objet les 10 décembre 2002 et 18 septembre 2003, ayant prêté serment, sont au nombre de ceux visés par les dispositions précitées de l'article A. 225 A-1 du livre des procédures fiscales ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que ces procès-verbaux auraient été établis à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article 1840 N sexies du code général des impôts applicable à la date de la commission des infractions constatées, les infractions aux dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 sont punies d'une amende fiscale dont le montant est fixé à 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ; qu'il résulte de ces dispositions que les infractions constatées par procès-verbal d'un agent compétent entraînent par elles-mêmes punition d'une amende au taux fixé par ces dispositions elles-mêmes ; que, dès lors, la société BENLUX LOUVRE n'est pas fondée à soutenir qu'aucune autorité compétente n'a autorisé le comptable des impôts à lui adresser les avis de mise en recouvrement ;
Considérant, en troisième lieu, que, ainsi qu'il vient d'être dit, les dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, qui étaient encore applicables à la date à laquelle les infractions ont été commises, prévoient la punition desdites infractions à un taux fixe de 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ; qu'aux termes des dispositions du même texte issues de l'article 4 de l'ordonnance du 14 décembre 2000 entrée en vigueur le 1er janvier 2001 : Conformément aux deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code précité sont passibles d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ; que les dispositions de l'article 1840 N sexies applicables à partir du 1er janvier 2001 ont substitué à l'amende forfaitaire de 5 % des sommes indûment réglées en numéraire une amende dont le montant maximum peut atteindre 5 % de ces sommes et qui doit être modulé en fonction des circonstances propres à chaque espèce ; que ces nouvelles dispositions, qui prévoient des peines qui pouvaient être moins sévères que la loi ancienne, devaient, par suite, être appliquées par l'administration aux infractions commises en 1999 et 2000, lorsqu'elle a mis les amendes en litige à la charge du requérant, par l'avis de mise en recouvrement du 8 décembre 2005 ;
Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable ; qu'aux termes, des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :... infligent une sanction ;
Considérant que si, en application des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979, l'administration devait indiquer à l'intéressé les motifs de droit et de fait de la sanction qui lui était infligée, elle n'était pas tenue de motiver le taux retenu pour l'amende dans l'exercice du pouvoir de modulation que lui conférait le nouveau texte ; que les procès-verbaux notifiés à la société BENLUX LOUVRE le 10 décembre 2002 et le 18 septembre 2003 comportaient la liste des paiements en numéraire effectués par l'intéressée et lui indiquaient les dispositions légales prévoyant l'amende que l'administration envisageait de mettre à sa charge ; que, par suite, les sanctions litigieuses ont fait l'objet d'une motivation régulière, nonobstant la circonstance que l'administration ne donnait pas les raisons pour lesquelles le taux de l'amende prévue serait fixé à 5 % ;
Considérant, en cinquième lieu, que la société BENLUX LOUVRE soutient que les dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts sont contraires au principe des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'elles ne garantissent aucune procédure contradictoire préalablement au prononcé de l'amende fiscale qu'elles prévoient ; que, toutefois, l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, qui impose, dans son premier alinéa, la motivation des sanctions fiscales, prévoit dans son second alinéa que ces sanctions ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ; que ces dispositions législatives, qui étaient applicables à l'amende fiscale anciennement prévue par l'article 1840 N sexies du code général des impôts, garantissaient le caractère contradictoire de la procédure ; qu'il résulte de l'instruction que la société BENLUX LOUVRE a été mise à même de présenter ses observations sur les amendes litigieuses dans un délai de trente jours avant leur mise en recouvrement ; que, par suite, le moyen tiré du non respect des droits de la défense doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société BENLUX LOUVRE n'est pas fondée à soutenir que la sanction dont elle a fait l'objet a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé de l'amende :
Considérant que l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 applicable à date des infractions litigieuses vise les règlements (...) portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux, ... ; que la société BENLUX LOUVRE reconnaît elle-même que les sommes qui ont fait l'objet des amendes litigieuses rémunéraient des guides ; qu'en l'absence de précision ou de justification de la part de la société, et sans qu'y fasse obstacle la qualification de commissions qu'elle fait valoir, ces sommes doivent être regardées comme rémunérant des services au sens des dispositions citées ; que la circonstance, à la supposer établie, que les paiements en espèces étaient faits à des guides étrangers qui ne résidaient pas en France ne saurait, dès lors que le paiement a eu lieu en France, disqualifier l'infraction ainsi constatée au regard de la législation susmentionnée et, par suite, est sans incidence sur la légalité de la sanction attaquée ;
Considérant que si la société BENLUX LOUVRE invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la documentation de base 7-M-311 du 15 décembre 1990, en faisant valoir que les guides qu'elle a rémunérés en numéraires n'avaient pas la qualité de commerçant, les guides touristiques rémunérés pour leurs services par la société, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils ne faisaient pas de cette activité leur profession, doivent être regardés comme exerçant des actes de commerce au sens de l'article 1° devenu l'article L. 121-1 du code de commerce ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BENLUX LOUVRE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société BENLUX LOUVRE la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : A concurrence de la somme de 34 393 euros en ce qui concerne les amendes fiscales infligées à la société BENLUX LOUVRE au titre des années 1999 et 2000, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BENLUX LOUVRE est rejeté.
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N° 10PA02502