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30/12/2011 | FRANCE | N°11PA01455

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites à la frontière, 30 décembre 2011, 11PA01455


Vu la requête, enregistrée les 21 mars 2011, présentée pour M. Redda A, demeurant ..., par Me Hug ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102234/8 en date du 17 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2011 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de sa reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pou

voir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans les plus br...

Vu la requête, enregistrée les 21 mars 2011, présentée pour M. Redda A, demeurant ..., par Me Hug ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102234/8 en date du 17 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2011 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de sa reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans les plus brefs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 88-1 ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Piot, magistrat, pour statuer notamment sur les appels dirigés contre les décisions juridictionnelles rendues en application de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Après avoir au cours de l'audience publique du 14 décembre 2011, présenté son rapport et entendu :

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée relatif au départ volontaire : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; que le 7) de l'article 3 de la même directive définit ce risque de fuite comme le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive, intitulé éloignement : 1. Les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un Etat membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe4, apparaisse. / 3. Les Etats membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ; que le délai imparti aux Etats membres pour transposer cette directive expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010 ;

Considérant que les articles 7 et 8 de la directive cités ci-dessus énoncent des obligations en termes non équivoques, qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres ;

Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction alors en vigueur, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de cette directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ;

Considérant que la décision contestée du 14 février 2011 décidant la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité algérienne, a été prise sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir qu'elle méconnaît les dispositions sus analysées de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que cette décision ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour décidant le placement de l'intéressé en rétention administrative doivent dès lors être annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2011 décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour le plaçant en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la situation de M. A dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au profit de M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé en date du 17 février 2011 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, l'arrêté du 14 février 2011 du préfet de police décidant la reconduite à la frontière de M. A et la décision du même jour le plaçant en rétention administrative sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet de police tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 11PA014552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 11PA01455
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marie PIOT
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : HUG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-30;11pa01455 ?
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