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30/12/2011 | FRANCE | N°11PA00273

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites à la frontière, 30 décembre 2011, 11PA00273


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2011, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, qui demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1019044 du 4 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 20 octobre 2010 à l'encontre de M. Boubacar A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et

des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 95-304 portant publication de la con...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2011, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, qui demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1019044 du 4 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 20 octobre 2010 à l'encontre de M. Boubacar A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 95-304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Couvert-Castéra, magistrat, pour statuer notamment sur les appels dirigés contre les décisions juridictionnelles rendues en application de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Après avoir au cours de l'audience publique du 16 décembre 2011, présenté son rapport et entendu :

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité malienne, a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE le 20 octobre 2010 ; que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE relève appel du jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris en date du 4 janvier 2011 annulant cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. A est entré régulièrement en France le 14 janvier 2004 sous couvert d'un passeport en cours de validité muni d'un visa Schengen ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant toutefois, que, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressée ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ; qu'en l'espèce, l'arrêté attaqué trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, M. A se trouvait dans la situation où, en application du 2° du II dudit article, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE pouvait décider qu'il serait reconduite à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 octobre 2010 en se fondant sur le défaut de base légale de cet arrêté ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant en première instance qu'en appel ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France en janvier 2004, qu'il vit en concubinage depuis le mois de novembre 2007 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale et qu'ils sont les parents d'un enfant né en France le 14 décembre 2009 ; que M. A soutient qu'il contribue également à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de sa compagne né le

19 avril 2007 d'une précédente relation ; que, toutefois, les deux attestations rédigées en termes généraux qu'il produit, émanant d'un médecin et de la directrice de l'école maternelle où est scolarisée la fille de sa compagne, ainsi que les deux factures du centre de loisir, ne sont pas suffisantes pour établir qu'il participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant ; que l'acte de consentement à l'adoption simple de cet enfant, dont il se prévaut, daté du 25 octobre 2010, est postérieur à la date de l'arrêté attaqué ; qu'il n'établit pas l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale au Mali ; que, par suite, compte tenu notamment du caractère récent du concubinage invoqué, de la durée du séjour en France de l'intéressé, de la circonstance qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 20 octobre 2010 n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 octobre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 1019044 du 4 janvier 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE en date du 20 octobre 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. A est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N°11PA00273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 11PA00273
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-30;11pa00273 ?
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