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13/12/2011 | FRANCE | N°10PA03193

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 13 décembre 2011, 10PA03193


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2010, présentée pour M. Pascal A, demeurant ..., par le cabinet d'avocats Paul, Hastings, Janovsky et Walker ; M. A demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0715878/2-1 en date du 14 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source appliquée sur les dividendes de source française qu'il a perçus au cours de l'année 2006 et de prononcer la restitution demandée, assortie des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre

des procédures fiscales ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour ...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2010, présentée pour M. Pascal A, demeurant ..., par le cabinet d'avocats Paul, Hastings, Janovsky et Walker ; M. A demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0715878/2-1 en date du 14 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source appliquée sur les dividendes de source française qu'il a perçus au cours de l'année 2006 et de prononcer la restitution demandée, assortie des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la compatibilité du mécanisme de retenue à la source avec les articles 56 et 58 du traité instituant la Communauté européenne ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu, notamment, les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 décembre 2006, Société Denkavit International BV et SARL Denkavit France (C-170-05), du 16 juillet 2009, Jacques Damseaux (C 128/08), du 19 novembre 2009, Commission c. République italienne (C-540/07), et du 1er juillet 2010, Gerard Dijkman (C-233/09) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2011 :

- le rapport de M. Jardin, rapporteur,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Waal et Me Ragot, pour M. A ;

Considérant que M. A, qui réside en Belgique, a perçu au cours de l'année 2006 la somme de 4 193,45 euros de dividendes produits par le portefeuille de valeurs françaises dont il était alors détenteur et qu'une retenue à la source au taux de 15 % a été appliquée sur ces revenus de source française ; qu'il relève appel du jugement en date du 14 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme de 616,23 euros correspondant au montant de cette retenue à la source ;

Sur les conclusions à fin de restitution :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) " ; qu'aux termes de l'article 15 de la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique : " 1. Les dividendes ayant leur source dans un État contractant qui sont payés à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État. 2. Toutefois, (...) ces dividendes peuvent être imposés dans l'État contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a. 10 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire est une société qui a la propriété exclusive d'au moins 10 % du capital de la société distributrice des dividendes depuis le début du dernier exercice social de celle-ci clos avant la distribution ; b. 15 % du montant brut des dividendes dans les autres cas " ; qu'aux termes de l'article 19 de la même convention : " La double imposition est évité de la manière suivante : / A. - En ce qui concerne la Belgique : / 1. Les revenus et produits de capitaux mobiliers relevant du régime défini à l'article 15, paragraphe 1, qui ont effectivement supporté en France la retenue à la source et qui sont recueillis par les sociétés résidentes de la Belgique passibles de ce chef de l'impôt des sociétés, sont, moyennant perception du précompte mobilier au taux normal sur leur montant net d'impôt français, exonérés de l'impôt des sociétés et de l'impôt de distribution dans les conditions prévues par la législation interne belge. / Pour les revenus et produits visés à l'alinéa précédent qui sont recueillis par d'autres résidents de la Belgique ainsi que pour les revenus et produits de capitaux mobiliers relevant du régime défini à l'article 16, paragraphe 1, qui ont effectivement supporté en France la retenue à la source, l'impôt dû en Belgique sur leur montant net de retenue française sera diminué, d'une part, du précompte mobilier perçu au taux normal et, d'autre part, de la quotité forfaitaire d'impôt étranger déductible dans les conditions fixées par la législation belge, sans que cette quotité puisse être inférieure à 15 p.100 dudit montant net. / En ce qui concerne les dividendes qui relèvent du régime défini à l'article 15, paragraphes 2 et 3, et qui sont attribués à une personne physique résidente de la Belgique, celle-ci peut, en lieu et place de l'imputation de la quotité forfaitaire d'impôt étranger visée ci-dessus, obtenir du chef de ces revenus l'imputation du crédit d'impôt au taux et suivant les modalités prévues dans la législation belge en faveur des dividendes distribués par les sociétés résidentes de la Belgique, à condition d'en faire la demande par écrit au plus tard dans le délai prescrit pour la remise de sa déclaration annuelle (...) " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. / 2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. " ; qu'aux termes de l'article 58 dudit traité : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; / b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique. / 2. Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de droit d'établissement qui sont compatibles avec le présent traité. / 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56. " ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l'Union européenne, que si, à l'égard des mesures prévues par un État membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires non-résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d'actionnaires bénéficiaires résidents, à partir du moment où un État membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l'impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais également les actionnaires non-résidents, pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente, la situation desdits actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents de sorte qu'ils se trouvent dans une situation comparable à celle des résidents en ce qui concerne le risque de double imposition économique des dividendes distribués par les sociétés résidentes ; que, pour que les bénéficiaires non-résidents ne soient pas confrontés à une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l'article 56 du traité précité, il appartient alors à l'État de résidence de la société distributrice de veiller à ce que les non-résidents soient soumis à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les résidents ; que, lorsqu'une convention fiscale conclue entre cet État et un autre État membre prévoit un mécanisme d'imputation ou de crédit d'impôt susceptible d'assurer ce traitement équivalent, le premier État ne peut être regardé comme ayant satisfait aux obligations résultant du droit communautaire si le résident du second État est dans l'impossibilité de bénéficier de ce mécanisme alors même que cette impossibilité résulterait de l'imparfaite application par l'État cocontractant des obligations qui résulterait pour lui d'une convention bilatérale ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que M. A, en raison de la suppression par l'État belge des dispositions de sa législation fiscale auxquelles renvoient les stipulations précitées de l'article 19 de la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique, a définitivement supporté l'intégralité de la retenue à la source appliquée en France en 2006 ; qu'au titre de la même année, en vertu des dispositions du 2° et du 5° du 3 de l'article 158 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable, un couple de contribuables soumis en France à une imposition commune sur l'ensemble de ses revenus et ayant perçu 4 193,25 euros de dividendes n'aurait pas été imposé sur cette somme et aurait en outre bénéficié d'un crédit d'impôts de 230 euros en application de l'article 200 septies du code général des impôts ; que, même dans le cas où les dividendes seraient imposés au taux le plus élevé prévu par l'article 197 du code général des impôts, un célibataire soumis en France à une imposition sur l'ensemble de ses revenus et ayant perçu 4 193,45 euros de dividendes, aurait supporté une imposition inférieure à celle de M. A et aurait en outre bénéficié d'un crédit d'impôts de 115 euros en application de l'article 200 septies du code général des impôts ; qu'ainsi, quels qu'aient pu être la situation de famille de M. A en 2006 et le montant global de ses revenus, sur lesquels il n'a fourni aucune précision, il n'a pas bénéficié d'un traitement équivalent à celui d'un actionnaire résident en France, s'agissant de l'imposition des dividendes de source française qu'il a perçus en 2006 ; que la retenue à la source appliquée à ces dividendes est par suite constitutive d'une restriction discriminatoire à la liberté de circulation des capitaux, contraire au Traité instituant la Communauté européenne, dont l'application combinée de la convention franco-belge et de la législation belge pertinente applicable au litige ne permet pas de neutraliser les effets ; que l'État français ne saurait se prévaloir, pour justifier cette discrimination, de ce que, en appliquant une retenue à la source de 15 %, la France n'a fait que se conformer aux stipulations de la convention franco-belge restant en vigueur ; que M. A est dès lors en droit d'obtenir la restitution de la retenue à la source litigieuse ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :

Considérant que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de M. A comme irrecevables, faute de litige né et actuel avec le comptable responsable du remboursement de la retenue à la source ; qu'il y a lieu, pour rejeter les conclusions d'appel du requérant, d'adopter sur ce point les motifs du jugement attaqué, qui ne sont au demeurant pas contestés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ou le Conseil d'État d'une demande d'avis, M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté les conclusions de sa demande tendant à la restitution de la somme de 616,23 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'État est condamné à restituer à M. A la somme de 616,23 euros correspondant à la retenue à la source appliquée sur les dividendes de source française qu'il a perçus au cours de l'année 2006.

Article 2 : Le jugement n° 0715878/2-1 en date du 14 mai 2010 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera une somme de 1 500 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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N° 10PA03193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03193
Date de la décision : 13/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LOOTEN
Rapporteur ?: M. Claude JARDIN
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : PAUL, HASTINGS, JANOFSKY et WALKER (EUROPE) LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-13;10pa03193 ?
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