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08/07/2011 | FRANCE | N°10PA01702

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites à la frontière, 08 juillet 2011, 10PA01702


Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2010 par télécopie et régularisée le 12 avril 2010, présentée pour M. Jean Winsley A, demeurant chez Mme Marie Désirée B ..., par Me Nianghane ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 103564/8 du 4 mars 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2010 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination et ce qu

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Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2010 par télécopie et régularisée le 12 avril 2010, présentée pour M. Jean Winsley A, demeurant chez Mme Marie Désirée B ..., par Me Nianghane ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 103564/8 du 4 mars 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2010 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination et ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour temporaire, prévue par les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois, à compter de la notification du jugement, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser directement à son avocat Me Nianghane en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er décembre 2010 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Lercher, président assesseur, pour se prononcer notamment sur les appels dirigés contre les décisions juridictionnelles rendues en application de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2011 :

- le rapport de M. Lercher, magistrat désigné,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations Me Nianghane, pour M. A ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ;(...) ;

Considérant qu'il est constant que M. A, de nationalité mauricienne, né le 23 juin 1980, n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire qui était valable jusqu'en 2006 et s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application du 4°/ du texte précité ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. A a poursuivi en France toute sa scolarité depuis l'âge de 5 ans, en classe de grande section d'école maternelle, jusqu'à l'âge de 17 ans, en seconde année de certificat d'aptitude professionnelle ; qu'il soutient sans être contredit et ainsi qu'il en est fait mention dans l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux, qu'il était titulaire d'un titre de séjour jusqu'en 2006 ; que sa mère, son frère et sa soeur, sa grand-mère, des oncles, tantes et cousins résident régulièrement en France depuis de nombreuses années ; qu'il est en outre père d'un enfant de 9 ans, quoi qu'il ne l'ait pas reconnu, dont la mère atteste qu'il le voit régulièrement et qu'il participe aux frais de son entretien ; qu'ainsi, eu égard à la durée de son séjour en France, à la scolarisation complète qu'il y a accompli et à la présence de toutes ses attaches familiales sur le territoire, la mesure d'éloignement dont il fait l'objet porte au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que l'arrêté litigieux méconnaît, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 février 2010 décidant sa reconduite à la frontière ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement ensemble l'arrêté litigieux ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que le dernier alinéa de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant que si la présente décision rend impossible l'exécution de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de M. A, elle n'implique pas par elle-même, eu égard à son objet, la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet des Hauts-de-Seine de se prononcer sur la situation de M. A dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de le munir, pendant la durée de cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour ;

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée... ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; que M. A n'étant pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, le défenseur du requérant ne peut demander le versement de cette somme à son profit ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 4 mars 2010 du magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Paris et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 février 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. A sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de la situation de M. A dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cette période une autorisation provisoire de séjour. Le préfet tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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N° 10PA01702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 10PA01702
Date de la décision : 08/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-02 Étrangers. Reconduite à la frontière. Légalité interne. Droit au respect de la vie familiale.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain LERCHER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : NIANGHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-07-08;10pa01702 ?
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