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16/05/2011 | FRANCE | N°10PA04827

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites à la frontière, 16 mai 2011, 10PA04827


Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2010, présentée pour M. Benjamin A déclarant demeurer chez M. B, ... par Me Balezou Gloum, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005905/9 du 25 août 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2010 pris à son encontre par le préfet de Seine-et-Marne qui a décidé de le reconduire à la frontière à destination du pays dont il possède la nationalité ;

2°) d'annuler pour excès de

pouvoir cet arrêté ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Sein...

Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2010, présentée pour M. Benjamin A déclarant demeurer chez M. B, ... par Me Balezou Gloum, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005905/9 du 25 août 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2010 pris à son encontre par le préfet de Seine-et-Marne qui a décidé de le reconduire à la frontière à destination du pays dont il possède la nationalité ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 février 2009 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de poursuivre l'instruction de son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) d'ordonner la restitution de son passeport ;

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Vu les autres pièces du dossier,

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés et le protocole signé à New York, le 31 janvier 1967 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er décembre 2010 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Evrard, magistrat, pour statuer en appel d'une décision rendue en application de l'article L. 213-9 et de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 512-1, de l'article L. 512-2 ou du second alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience publique ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2011 :

- le rapport de M. Evrard, magistrat désigné,

- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 25 août 2010 et l'arrêté de reconduite à la frontière du 19 août 2010 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 février 2009, notifié le 6 mars 2009, M. A avait fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'a déféré ; que s'il soutient avoir formé, le 18 mai 2009, un recours gracieux contre l'arrêté du 27 février 2009, il ne justifie ni de la réception par les services de la préfecture de ce recours, ni de l'action qu'il aurait engagée ultérieurement devant le juge administratif pour contester le rejet implicite ou explicite du recours gracieux qu'il déclare avoir introduit ; que, par suite, à la date de l'arrêté en litige intervenu le 19 août 2010, l'obligation de quitter le territoire français était exécutoire ; qu'il entrait, dès lors, dans le champ d'application de la disposition précitée où le préfet peut décider de reconduire un étranger à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant soutient que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé, il ressort des termes mêmes de cet acte qu'il vise l'article L. 511-1-II-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les décisions lui refusant la qualité de réfugié, ainsi que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français notifié à l'intéressé le 6 mars 2009 ; que cet arrêté énonce les considérations de fait qui justifient la mesure prise à l'encontre de M. A ; qu'il n'avait, en tout état de cause, pas à mentionner le recours gracieux prétendument introduit par le requérant devant un autre préfet dirigé contre une autre décision administrative ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté répond aux exigences de motivation de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que le requérant fait valoir qu'il réside depuis plus de dix années en France où il a tissé des liens relationnels très forts et très intenses avec beaucoup de Français ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. Benjamin A, ressortissant centrafricain né le 25 mars 1961 à Begoua, qui déclare être entré en France en 1998, y a sollicité l'asile politique ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a refusé, le 19 décembre 2000, la qualité de réfugié, décision confirmée par la commission des recours des réfugiés le 6 novembre 2001 ; que le requérant a ensuite fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière le 22 octobre 2002, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire, puis a présenté une demande de titre de séjour que le préfet de Seine-Saint-Denis a rejetée par un arrêté du 27 février 2009 assorti d'une obligation de quitter le territoire ; que l'intéressé, célibataire, sans charge de famille, qui n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays où résident deux de ses enfants mineurs et où il a vécu au moins trente-sept ans, n'établit pas que l'atteinte portée par la décision en litige à sa vie privée et familiale est disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle ne peut, dès lors, être regardée comme intervenue en méconnaissance des stipulations de la convention susmentionnée ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait prendre légalement une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne justifie pas de manière probante de la réalité et la continuité de sa résidence habituelle en France de 1999 à 2009 ; qu'il ne démontre, en outre, ni la réalité, ni la stabilité, ni l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France, alors qu'il s'est maintenu en situation irrégulière, puis s'est soustrait aux mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'il ne remplit, dès lors, pas les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions invoquées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en cinquième lieu, que le requérant soutient que la mesure d'éloignement en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que, toutefois, le requérant n'établit ni le caractère exceptionnel de sa situation personnelle, ni l'erreur grossière commise par le préfet dans l'appréciation de cette situation ; dans ces conditions, il n'établit pas que cette décision soit entachée de l'erreur invoquée ;

Considérant, en sixième lieu, que si le requérant conteste la décision distincte fixant le République Centrafricaine comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise par le préfet de Seine-et-Marne, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité et la gravité des risques qu'il encourrait personnellement, en 2010, en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen soulevé, tiré de la méconnaissance des stipulations de la Convention de Genève et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de refus de séjour du 27 février 2009 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Les requêtes dirigées contre les décisions relatives au séjour (...) assorties d'une obligation de quitter le territoire français sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions dudit code (...) ; qu'aux termes de l'article R. 775-2 du même code : Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée. Il n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable ;

Considérant que si le requérant demande également, par la présente requête, l'annulation de l'arrêté du 27 février 2009 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le requérant a, dans le délai susmentionné, saisi le tribunal administratif compétent d'une contestation de cet arrêté ; que, par suite, et en tout état de cause, ses conclusions dirigées contre cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les autres conclusions :

Considérant que si le requérant demande à la Cour, d'une part, d'ordonner la restitution de son passeport et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de poursuivre l'instruction de son dossier de demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, il n'appartient pas à la juridiction administrative de faire acte d'administration et d'adresser des injonctions à l'administration en dehors des cas prévus aux articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; qu'en l'espèce, les demandes présentées n'entrent pas dans les prévisions de l'article L. 911-1 du code ; que, par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 10PA048272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 10PA04827
Date de la décision : 16/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01 Étrangers. Reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. JEAN-PAUL EVRARD
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : BALEZOU GLOUM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-05-16;10pa04827 ?
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