Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2010, présentée pour M. Riadh A, demeurant ... par Me Amirda, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0918887/8 du 21 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2009 pris à son encontre par le préfet de police qui a décidé de le reconduire à la frontière à destination du pays dont il possède la nationalité ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
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Vu les autres pièces du dossier,
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er décembre 2010 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Evrard, magistrat, pour statuer en appel d'une décision rendue en application de l'article L. 213-9 et de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 512-1, de l'article L. 512-2 ou du second alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2011 :
- le rapport de M. Evrard, magistrat désigné,
- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;
Considérant que M. A relève appel du jugement du 21 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2009 par lequel le préfet de police a décidé de le reconduire à la frontière à destination de son pays d'origine ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II. l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...)1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) et qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement /.../ en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. A est entré régulièrement en France sous couvert d'un passeport muni d'un visa en cours de validité d'une durée de 30 jours ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, toutefois, que la décision litigieuse, motivée par l'irrégularité du séjour de M. A, trouvait son fondement légal dans les dispositions du 2°) du II de l'article L. 511-1 précité qui peuvent être substituées à celles du 1°), dans la mesure où, d'une part, l'intéressé s'étant maintenu sur le territoire français après l'expiration de la durée de son visa sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré se trouvait dans la situation où, en application du 2°) de l'article précité, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière et, d'autre part, que cette substitution de base légale, n'a pour effet de priver ce dernier d'aucune garantie, et enfin que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;
Considérant que si le magistrat désigné pouvait, d'office, procéder à cette substitution de base légale, il était tenu d'en informer préalablement les parties afin de recueillir leurs observations ; qu'en l'espèce, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes du jugement que les parties auraient bien été informées préalablement de ce qu'une substitution de base légale pouvait être opérée par le juge afin de leur permettre de présenter le cas échéant leurs observations ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement et, par la voie de l'évocation, de statuer sur la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif ;
Sur la légalité de l'arrêté du 23 novembre 2009 :
Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la décision d'éloignement contestée pouvait être légalement fondée sur les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ; qu'il ressort, toutefois, des termes mêmes de cet acte qu'il vise l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la convention franco-tunisienne du 17 mars 1988, et énonce les considérations de fait qui justifient la mesure prise à l'encontre de M. A ; qu'il répond, dès lors, aux exigences de motivation de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que le requérant fait valoir qu'il réside depuis près de dix années en France où il a tissé des liens affectifs et que la mesure d'éloignement contestée est de nature à entraîner pour lui une rupture de sa vie personnelle et affective ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier, que M. Riadh A, ressortissant tunisien né le 4 janvier 1976 à Tunis, qui déclare être entré en France le 9 mars 2001, est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas être dépourvu d'attaches en Tunisie où il a vécu au moins vingt-cinq années ; que le continuité de son séjour sur le territoire n'est pas établie par la seule production de bulletins de salaires correspondant à un emploi de commis de cuisine durant plusieurs mois dans deux restaurants parisiens, quelques quittances de loyers ou factures d'Edf et plusieurs déclarations d'impôt sur le revenu ; que, par suite, eu égard aux conditions du séjour en France du requérant et aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 23 novembre 2009 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il ne peut, dès lors, être regardé comme intervenu en méconnaissance des stipulations de la convention susmentionnée ;
Considérant, en dernier lieu, que le requérant, qui ne fait état d'aucun risque personnel en cas de retour dans son pays d'origine, n'établit aucunement que la décision distincte fixant le pays de destination serait entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif n'est pas fondée et doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 avril 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
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N° 10PA029972