Vu la requête, enregistrée les 18 juin et 21 juin 2010, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0918879/8 du 21 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. Bensaoula A, a annulé son arrêté du 24 novembre 2009 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er décembre 2010 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Evrard, magistrat, pour statuer en appel d'une décision rendue en application de l'article L. 213-9 et de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 512-1, de l'article L. 512-2 ou du second alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2011 :
- le rapport de M. Evrard, magistrat désigné,
- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;
Sur la recevabilité de l'appel du PREFET DE POLICE :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-20 du code de justice administrative : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué en date du
21 avril 2010 a été notifié le 21 mai 2010 au PREFET DE POLICE ; que celui-ci disposait donc d'un délai expirant le 22 juin 2010 pour contester le jugement ; que sa requête, transmise par télécopie, a été enregistrée au greffe de la cour le 18 juin 2010 ; qu'elle a été régularisée le 21 juin 2010 par l'envoi de l'original de cette requête; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. A et tirée de la tardiveté du recours doit être écartée ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que pour assurer l'exécution de l'article 2 du jugement attaqué, le préfet des Hauts-de-Seine a délivré à M. A, le 29 octobre 2010 une autorisation provisoire de séjour ; qu'il ressort des termes mêmes de ce document, d'une part, qu'il permet à son titulaire d'occuper un emploi et, d'autre part, que son titulaire est autorisé à prolonger provisoirement son séjour en France jusqu'au 28 avril 2011 ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, cette autorisation provisoire n'a eu ni pour objet, ni pour effet d'abroger l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ; que, par suite, l'appel du PREFET DE POLICE n'est pas dépourvu d'objet ;
Sur le bien-fondé de l'appel du PREFET DE POLICE :
Considérant que pour annuler, par le jugement du 21 avril 2010 dont le PREFET DE POLICE relève appel, l'arrêté du 24 novembre 2009 décidant la reconduite à la frontière de M. A, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a estimé que le PREFET DE POLICE avait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'étranger en ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A ressortissant algérien, né le 30 janvier 1968 à Oran, qui déclare être entré en France en 2001, a sollicité l'asile territorial ; que sa demande a été rejetée par le ministre de l'intérieur le 6 juillet 2001 ; que le préfet du Territoire de Belfort a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français par décision du 20 décembre 2001, validée par le Tribunal administratif de Besançon ; qu'il a ensuite fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière par la même autorité administrative le 25 mai 2004 ; qu'il n'a pas déféré à cette mesure et s'est maintenu en France où il a été interpelé en 2006 ; que le préfet des Yvelines a décidé de le reconduire à la frontière par un arrêté du 1er décembre 2006 dont la légalité a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de Versailles du 5 décembre 2006 ; que l'intéressé s'est maintenu à nouveau sur le territoire et a fait l'objet une nouvelle interpellation et de la mesure d'éloignement prise par le PREFET DE POLICE le 24 novembre 2009 ;
Considérant qu'il est constant que la situation de l'intéressé a été appréciée à plusieurs reprises par des autorités puis des juridictions différentes ; que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, ni la stabilité domiciliaire, ni la stabilité professionnelle, ni la continuité du séjour de l'intéressé depuis son entrée en France ne sont établies par les pièces produites ; qu'en outre, ainsi que le soutient le PREFET DE POLICE, les divers emplois intérimaires occupés irrégulièrement par M. A ne suffisent pas à établir que sa situation présenterait un caractère exceptionnel et que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation ; que le PREFET DE POLICE, est, par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur un tel motif pour annuler son arrêté du 24 novembre 2009 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif et devant la Cour ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Patricia B, signataire de l'arrêté en litige, a reçu délégation de signature par un arrêté du PREFET DE POLICE du 30 octobre 2009, régulièrement publié le 8 novembre 2009 au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en visant les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en faisant état de la situation de l'intéressé et en indiquant que l'arrêté attaqué ne portait pas aux droits de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris, l'arrêté attaqué a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;
Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier ;
Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de
M. A, trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du II du même article L. 511-1 qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français plus de trois mois après son entrée sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, M. A se trouvait dans la situation où, en application du 2° du II de l'article L. 511-1, le PREFET DE POLICE pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la base légale de l'arrêté contesté est erronée ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que M. A invoque la méconnaissance de ces stipulations en soulignant la durée de son séjour de huit années en France et en faisant état de la teneur des liens sociaux et professionnels qu'il y a tissés ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, âgé de quarante-et-un ans à la date de la décision en litige, célibataire sans charge de famille, qui a occupé quelques emplois intérimaires, ne démontre pas la réalité d'une vie familiale ou de liens amicaux ou personnels en France et ne justifie pas davantage de son insertion effective dans la société française ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches en Algérie et ne fait état d'aucun obstacle à son retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, compte tenu notamment des conditions de son séjour en France, l'arrêté en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces produites, ainsi qu'il a été dit, que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences au regard de la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que la demande soumise par M. A au Tribunal administratif de Paris n'est pas fondée et doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de M. A ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0918879/8 du 21 avril 2010 du Tribunal Administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal Administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
''
''
''
''
N° 10PA02995
2