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15/01/2010 | FRANCE | N°07PA03119

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7éme chambre, 15 janvier 2010, 07PA03119


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2007 présentée pour la société NATIONSBANK EUROPE LIMITED, dont le siège social est 35 New Broad Street à Londres (EC2M 1NH) - Royaume-Uni, par Me Ullman ; la société NATIONSBANK EUROPE LIMITED demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0010947/2 en date du 19 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant au remboursement de l'excédent de retenue à la source versé à raison de la distribution de dividen

des par la société NCH International, résultant du plafonnement de cette re...

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2007 présentée pour la société NATIONSBANK EUROPE LIMITED, dont le siège social est 35 New Broad Street à Londres (EC2M 1NH) - Royaume-Uni, par Me Ullman ; la société NATIONSBANK EUROPE LIMITED demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0010947/2 en date du 19 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant au remboursement de l'excédent de retenue à la source versé à raison de la distribution de dividendes par la société NCH International, résultant du plafonnement de cette retenue au taux de 15 % prévu par la convention fiscale franco-britannique et à la restitution de l'avoir fiscal, sous déduction de la retenue à la source, attaché à ces dividendes ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, modifiée, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 et l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Brin, rapporteur,

- les conclusions de Mme Larere, rapporteur public,

- et les observations de Me Ullman, pour la société NATIONSBANK EUROPE LIMITED ;

Considérant que, par une convention dénommée Usufruct deed and purchase agreement conclue avec la société de droit américain NCH Corporation le 31 mai 1991, la société Panmure Gordon Parkers, devenue NATIONSBANK EUROPE, établie au Royaume-Uni, a acquis pour une durée de cinq ans l'usufruit de 25 920 actions préférentielles de classe A de la filiale française de la société américaine, la société anonyme NCH International ; que la société NATIONSBANK EUROPE a demandé le remboursement de la retenue à la source au taux de 25 % et le transfert de l'avoir fiscal, afférents aux dividendes versés en 1991, 1992 et 1993 sous déduction de la retenue à la source de 15 % prévue par le paragraphe 6 de l'article 9 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 ; que, postérieurement à l'accord visé par le centre des impôts des non- résidents, l'administration fiscale, après avoir contrôlé la société NCH International, a adressé à la société NATIONSBANK EUROPE une notification de redressement en date du 20 décembre 1995 au motif qu'elle avait indûment bénéficié du transfert de l'avoir fiscal et a émis un avis de mise en recouvrement le 18 novembre 1998 ;

Sur la prescription et sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'article 28 de la convention franco-britannique, le ministre de l'économie et des finances a déterminé la procédure relative à l'application de l'article 9 de ladite convention dont les stipulations portent notamment sur le régime fiscal des dividendes de source française perçues par un résident du Royaume-Uni ; que l'instruction 14 B-4-71 du 5 août 1971 publié au bulletin officiel de la direction générale des impôts a ainsi défini la procédure suivant laquelle les résidents du Royaume-Uni peuvent faire valoir leurs droits au paiement et au transfert effectif de l'avoir fiscal ; que cette procédure comporte, en premier lieu, l'envoi par le résident du Royaume-Uni à l' établissement payeur français l'ayant crédité d'un dividende distribué par une société française, diminué de la retenue à la source au taux de droit commun de 25 %, de trois exemplaires d'une formule, dénommée RF4GB, visée par l'administration fiscale britannique, en deuxième lieu, la transmission de ces documents par l'établissement payeur français au centre des impôts des non-résidents, en troisième lieu, la certification par ce service, qui vise la formule - date, signature et cachet - après vérification de la régularité de la demande, du droit du créancier britannique à l'avoir fiscal, en quatrième lieu, le règlement par l'établissement payeur français à ce créancier du remboursement accordé, comprenant, d'une part, le montant de la retenue à la source effectivement opérée lors de l'encaissement du dividende, d'autre part, le montant de l'avoir fiscal transférable, enfin, la récupération par l'établissement payeur français du montant des règlements ainsi effectués par ses soins au profit des ayants droit résidents du Royaume-Uni, soit par voie d'imputation sur les versements qu'il est tenu d'effectuer au Trésor au titre de la retenue de la source sur les dividendes et du prélèvement sur les produits de placement à revenu fixe, soit, en cas d'absence ou d'insuffisance de ces versements, par voie de restitution des sommes ayant fait l'objet des règlements ci-dessus mentionnés sur demande au directeur des services fiscaux compétent ; qu'il résulte de ces modalités que, dans ce cadre conventionnel, le transfert de l'avoir fiscal, s'inscrit dans une procédure à la fois d'assiette et de liquidation de l'impôt ; qu'en effet, avant d'être l'objet de sa restitution, l'avoir fiscal est un élément d'assiette de l'imposition dès lors que la demande de transfert formulée sur l'imprimé RF4GB conduit au dégrèvement de l'imposition initiale et à une nouvelle liquidation de l'impôt calculée sur une assiette élargie, intégrant l'avoir fiscal ; qu'ainsi, l'avoir fiscal, qui a pour objet d'éliminer la double imposition des revenus versés au titre des dividendes et qui fait naître une créance de nature fiscale sur le Trésor permettant une réduction indirecte de la charge fiscale globale du créancier, s'il constitue un revenu pour son bénéficiaire est également un moyen de paiement et un élément de la liquidation de l'impôt français ;

Considérant qu'il s'ensuit que, alors même que le centre des impôts des non-résidents a accordé le transfert de l'avoir fiscal par son visa de la formule RF4GB duquel a résulté la nouvelle liquidation de l'impôt, lorsque l'administration fiscale estime que l'actionnaire non-résident a indûment bénéficié de cet avantage conventionnel, elle est en droit de remettre en cause cette certification en faisant usage du pouvoir de contrôle qu'elle tient de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales et du droit général de reprise qui lui est reconnu par l'article L. 168 du même livre qui dispose que les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts. ; que, par suite, l'administration a, à juste titre, comme elle est en droit de le faire pour toute décision dont l'objet est de réparer les erreurs d'imposition qu'elle a commises, remis en cause le transfert de l'avoir fiscal au profit de la société NATIONSBANK EUROPE dans le délai de reprise prévu par les articles L. 169 et L. 169 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû procéder au retrait de la décision de certification selon les règles applicables en matière d'excès de pouvoir dans un délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que la procédure prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ne lui est pas applicable ;

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

Considérant qu'aux termes de l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure au décret n° 2000-348 du 20 avril 2000 : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. De même, ils n'ont pas à être portés lorsque le contribuable n'a pas fait la déclaration nécessaire au calcul des droits. ;

Considérant que l'avis de mise en recouvrement du 18 novembre 1998 mentionne : retenue à la source de l'impôt sur le revenu des personnes non domiciliées en France, CGI art. 119 bis 2 ; qu'il est constant que les sommes mises en recouvrement ne procèdent que de la seule rectification afférente à la restitution du remboursement de la retenue à la source et du transfert de l'avoir fiscal, objet de la notification de redressement du 20 décembre 1995 adressée à la société requérante à laquelle renvoie cet avis ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'il ne mentionne pas expressément l'avoir fiscal lui-même n'est pas de nature à entacher d'irrégularité cet avis de mise en recouvrement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que par le contrat susmentionné conclu le 31 mai 1991 avec la société américaine NCH Corporation, la société Panmure Gordon Bankers, devenue NATIONSBANK EUROPE a acquis, pour le prix payé immédiatement de 51 433 054 F , l'usufruit pour cinq ans de 25 920 actions préférentielles de classe A avec droit de vote émises par la société française NCH International dont la société américaine possédait et conservait 100 % des actions ordinaires ; qu'en échange, la société NATIONSBANK EUROPE, qui ne détenait pas 10 % ou plus des droits de vote pouvant être exercés aux assemblées d'actionnaires de la société NCH International, a reçu le droit de percevoir tout dividende versé au titre de ces actions privilégiées pendant la durée du contrat ; qu'aux termes de ce contrat, à partir de la rentabilité de la société française sur les cinq années précédentes, la société NATIONSBANK EUROPE était en droit d'attendre un dividende d'au moins 10 800 000 F versé annuellement ; que le prix d'acquisition de l'usufruit, légèrement inférieur au montant cumulé sur cinq ans des dividendes bruts prévus, est à rapprocher de la somme d'environ 68 900 000 F que la banque prévoyait de percevoir après application de la retenue à la source conventionnelle de 15 % et remboursement de l'avoir fiscal ; que selon l'article 5 de ce contrat, la société américaine s'engageait à faire ses meilleurs efforts pour que NCH France poursuive ses actions commerciales comme elle le fait actuellement, conserve ses actifs commerciaux en bonne condition opérationnelle et maintienne ses bénéfices à leur niveau actuel et pour que ladite société s'abstienne de toute action, ou ne contracte aucune obligation qui puisse être préjudiciable à la capacité de NCH France à distribuer des dividendes à l'usufruitier ; que la cession dont s'agit comportait pour l'usufruitier des clauses de renonciation et de garantie dont les modalités ont été définies par une lettre d'accord d'indemnisation du 31 mai 1991 selon laquelle, d'une part, il pouvait être mis fin à l'usufruit si après le troisième date de paiement, le montant total des dividendes était inférieur à 80 % du montant total escompté, cette rupture s'accompagnant d'une indemnité de résiliation d'un montant égal à la partie non amortie du prix de cession de l'usufruit, d'autre part, la société NATIONSBANK EUROPE pouvait, si après la même date de paiement le montant total distribué était égal à 80 % ou plus, mais était inférieur à 100 % du montant total escompté, exiger, à titre d'ajustement du prix de cession payé, un montant égal à la différence entre le montant total payé et le montant total escompté en tenant compte d'un montant minimum de dividendes annuels de 10 800 000 F ; qu'il était enfin prévu de mettre fin à l'usufruit si, notamment, en cas de changement de loi, la banque ne recevait pas le remboursement de l'avoir fiscal, celle-ci ayant droit en ce cas à une indemnité de résiliation égale à la partie non amortie du prix d'achat de l'usufruit ; que, dans ces conditions, l'administration démontre que le montage décrit ci-dessus dissimule artificiellement la réalité d'un emprunt contracté par la société américaine NCH Corporation auprès de la banque britannique NATIONSBANK EUROPE, moyennant délégation de sa filiale française, NCH International, pour rembourser à sa place le prêteur, par compensation avec les dividendes prioritaires dont elle garantissait le paiement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 242 quater du code général des impôts, alors en vigueur : Le bénéfice de l'avoir fiscal peut être accordé aux personnes domiciliées sur le territoire des États ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions. Les modalités et les conditions d'application sont fixées pour chaque pays par un accord diplomatique ; que la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 prévoit en son article 9 que : ...6. Les dividendes payés par une société qui est un résident de France à un résident du Royaume-Uni sont imposables au Royaume-Uni. Ces dividendes sont aussi imposables en France mais, lorsque le bénéficiaire effectif de ces dividendes est un résident du Royaume-Uni, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : /a) 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société qui contrôle la société qui paie les dividendes ; /b) 15 % du montant brut des dividendes dans tous les autres cas. ... 7. / a) Un résident du Royaume-Uni qui reçoit d'une société qui est un résident de France des dividendes qui donneraient droit à un avoir fiscal s 'ils étaient reçus par un résident de France a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à cet avoir fiscal, sous réserve de la déduction de l'impôt prévu à l'alinéa b du paragraphe 6 du présent article /b) Les dispositions de l'alinéa a du présent paragraphe s'appliquent seulement à un résident du Royaume-Uni qui est : .../ ii) une société (...) qui : /aa) ne contrôle pas la société qui paie les dividendes visés à l'alinéa a du présent paragraphe...9. Les dispositions des paragraphes... 6 et 7 du présent article ne s'appliquent pas lorsque le bénéficiaire effectif des dividendes, résident d'un État contractant, a, dans l'autre État contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, un établissement stable ou exerce dans cet autre État une profession indépendante au moyen d'une base fixe... ; qu'il résulte de ces stipulations qu'un résident du Royaume-Uni auquel une société française a distribué des dividendes ne peut se prévaloir des avantages ainsi prévus tant au paragraphe 6 qu'au paragraphe 7 de l'article 9, que s'il est le bénéficiaire effectif de ces dividendes ;

Considérant que la cession temporaire à la société NATIONSBANK EUROPE de l'usufruit des actions à dividende prioritaire avec droit de vote spécialement émises par la société française NCH International, eu égard aux stipulations ci-dessus analysées du contrat de cession et de la lettre d'accord d'indemnisation, constitue un montage réalisé dans l'unique but d'obtenir le bénéfice du remboursement de l'avoir fiscal attaché aux distributions de la société française, prévu par la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni, au profit des résidents de cet État, lorsqu'ils sont les bénéficiaires effectifs de ces distributions, alors que la convention fiscale entre la France et les États-Unis n'aurait pas permis à la société américaine d'obtenir ce remboursement ; que l'analyse de ce montage révèle que le bénéficiaire effectif des dividendes litigieux était la société américaine NCH Corporation ; que, dès lors, la société NATIONSBANK EUROPE ne peut prétendre à la restitution de l'avoir fiscal, sous déduction de la retenue à la source, attaché aux dividendes distribués par la société NCH International ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société NATIONSBANK EUROPE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société NATIONSBANK EUROPE est rejetée.

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N° 07PA03119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7éme chambre
Numéro d'arrêt : 07PA03119
Date de la décision : 15/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Dominique BRIN
Rapporteur public ?: Mme LARERE
Avocat(s) : ULLMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-01-15;07pa03119 ?
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