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15/12/2008 | FRANCE | N°07PA01888

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 15 décembre 2008, 07PA01888


Vu 1°) la requête, enregistrée le 3 août 2007 sous le n° 07PA001888, présentée pour Mme Isabelle X, demeurant ..., par Me Piriou ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0608893/5 du 27 juin 2007 par lequel Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision intitulée « protocole d'accord » en date du 22 décembre 2005 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de Paris a prononcé son licenciement, à la condamnation de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris à lui verser

le montant de ses salaires du 22 avril 2006 jusqu'à la date du jugement, a...

Vu 1°) la requête, enregistrée le 3 août 2007 sous le n° 07PA001888, présentée pour Mme Isabelle X, demeurant ..., par Me Piriou ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0608893/5 du 27 juin 2007 par lequel Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision intitulée « protocole d'accord » en date du 22 décembre 2005 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de Paris a prononcé son licenciement, à la condamnation de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris à lui verser le montant de ses salaires du 22 avril 2006 jusqu'à la date du jugement, ainsi qu'une indemnité de 170 000 euros en réparation de son préjudice matériel et professionnel et une indemnité de 60 000 euros au titre du préjudice moral ;

2°) de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Paris à lui versé la somme de 75 582,24 euros à titre d'indemnité de licenciement, à lui verser le montant de ses salaires du 22 avril 2006 jusqu'à la date du présent arrêt, ainsi qu'une indemnité de 170 000 euros en réparation de son préjudice matériel et professionnel et une indemnité de 60 000 euros au titre du préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu 2°) la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 4 septembre 2007 et 15 septembre 2007 sous le n°07PA03445, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS, dont le siège est 27 avenue de Friedland à Paris Cedex 08 (75382), par Me Cazin ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS demande à la cour d'annuler le jugement susvisé et de mettre à la charge de Mme X la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2008 :

- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

- les observations de Me Piriou pour Mme X ,

- et les conclusions de Mme Dely, commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées de Mme X et de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS sont relatives à la situation d'un même agent public et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions d'appel de la chambre de commerce :

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS soutient que les premiers juges auraient dénaturé la demande, statuant ultra petita, en ce que le tribunal n'a pas été saisi de conclusions tendant à l'annulation du protocole d'accord en date du 22 décembre 2005 ; qu'il résulte de l'instruction que, devant les premiers juges, Mme X expressément « sollicitait la nullité de la convention litigieuse » en date du 22 décembre 2005 intitulée « protocole d'accord » mettant fin à ses fonctions d'assistante titulaire à compter du 22 avril 2006 ; elle demandait également à ce que soit prononcée l'illégalité de son licenciement et à ce que la chambre de commerce soit condamnée à l'indemniser de l'intégralité des conséquences dommageables de son éviction illégale et notamment de la perte des traitements qu'elle aurait dû percevoir sur la période du 22 avril 2006, date effective de cessation de ses fonctions, jusqu'à la date du jugement ; que la chambre de commerce soutient, à juste titre, que la demande tendait à la requalification du protocole en licenciement ; que, dès lors, en estimant que la convention litigieuse matérialisait la décision de licenciement, les premiers juges ont pu analyser la demande de l'intéressée comme tendant à l'annulation de sa décision d'éviction pour illégalité et à la condamnation de la chambre de commerce à l'indemniser de ses conséquences dommageables, alors même que, au regard des motifs du jugement, en annulant la décision intitulée « protocole d'accord » précitée, les premiers juges doivent être regardés comme ayant constaté également que ladite convention était nulle et de nul effet ; que, dès lors, le moyen tiré de la dénaturation de la demande présentée devant les premiers juges ne peut qu'être rejeté ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers : « La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle » ; qu'aux termes de l'article 33 du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie approuvé par l'arrêté ministériel susvisé du 25 juillet 1997 : « La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : / 1. Par démission (...) / 2. Par départ à la retraite / 3. Par licenciement pour inaptitude physique (...) / 4. Par licenciement pour insuffisance professionnelle (...) / 5. Par suppression d'emploi, après avis de la commission paritaire compétente / 6. Par mesure disciplinaire (...) » ; qu'aux termes de l'article 35-1 du statut précité : « Lorsqu'une Compagnie consulaire décide de prendre des mesures pouvant entraîner un ou plusieurs licenciements par suppression d'emploi, le président, au vu de la délibération prise en Assemblée Générale, convoque la Commission paritaire locale aux fins de l'informer. Un dossier est communiqué, aux plus tard 15 jours avant la date de la réunion (...). Ce dossier comprend : / - une information sur les raisons économiques, financières et techniques qui sont à l'origine de la suppression d'un ou plusieurs postes de travail ; / - une information sur les moyens examinés par la Compagnie consulaire pour éviter les suppressions d'emplois (...) ; / - la liste des emplois susceptibles d'être supprimés (...) ; / - les aides et mesures d'accompagnement apportées aux agents licenciés pour faciliter leur réemploi sur des emplois équivalents (...). / La Compagnie consulaire ne peut effectuer de recrutement sur poste permanent correspondant à un ou plusieurs emplois supprimés pendant un délai de 18 mois à compter de la notification de licenciement pour suppression d'emploi. Les autres emplois mis en recrutement pendant cette période doivent être proposés en priorité aux agents licenciés » ; qu'aux termes de l'article 35-2 du même statut : « Il est accordé aux agents titulaires licenciés pour suppression d'emploi (...) une indemnité de licenciement proportionnelle à l'ancienneté et calculée comme suit : / -jusqu'à dix ans d'ancienneté : un mois de rémunération mensuelle indiciaire brute par année de service ; / - au-delà : un mois de rémunération mensuelle indiciaire brute majorée de 20 % par année de service. / Le montant de l'indemnité de licenciement pour suppression d'emploi ne peut être inférieur à deux fois le montant du treizième du revenu annuel minimum des Compagnies consulaires ni supérieur à vingt-quatre mois de rémunération mensuelle indiciaire brute » ; qu'aux termes de l'article 35-3 dudit statut : « L'agent qui, dans la même Compagnie consulaire, aura été reclassé, avec son accord, dans une situation inférieure à celle qu'il occupait auparavant, aura droit au paiement d'une indemnité différentielle pendant une durée maximum trois ans » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS a, à partir du mois d'octobre 2005, pris l'initiative de mettre fin aux fonctions de Mme X, volonté qui s'est matérialisée dans le protocole d'accord en date du 22 décembre 2005 susmentionné mettant fin aux fonctions de l'intéressée à compter du 22 avril 2006, ainsi qu'il a été dit, alors même que l'intéressée avait réitéré son intention de poursuivre son activité dans le cadre d'une autre affectation et n'a pas présenté sa démission ; que, d'une part, à supposer que la chambre de commerce ait entendu mettre fin aux fonctions de l'intéressée pour suppression d'emploi, ainsi qu'il résulte des énonciations du protocole, il est constant qu'elle n'a pas suivi la procédure réglementaire instituée par les dispositions précitées et notamment qu'elle n'a pas consulté la commission paritaire locale ; que la chambre de commerce ne fait état d'aucun motif d'intérêt général ou tiré de l'intérêt du service de nature à justifier au fond l'éviction de l'intéressée alors même qu'elle ne lui a proposé aucune solution de reclassement ; que, d'autre part, le protocole indiquait que l'indemnité de licenciement qu'il fixait correspondait à l'indemnité prévue par le statut alors même qu'elle était d'un montant supérieur et ne répondait pas à ces conditions ; qu'à supposer, comme le soutient la chambre de commerce, que ledit protocole puisse être regardé comme une transaction, il résulte de l'article 2045 du code civil que la chambre de commerce ne pouvait légalement s'écarter des dispositions précitées et déterminer des modalités différentes pour l'indemnité de licenciement ; qu'en tout état de cause, les dispositions précitées de l'article 33 du statut interdisaient, comme l'a à bon droit jugé le tribunal, qu'il soit mis fin aux fonctions de l'intéressée, agent titulaire de la chambre de commerce, par un protocole d'accord de caractère bilatéral, accord écartant d'ailleurs les dispositions précises en cause en matière de détermination de l'indemnité licenciement, ainsi qu'il vient d'être dit ; que, dès lors, il y a lieu de déclarer nul et de nul effet le protocole d'accord susmentionné mettant fin aux fonctions de l'intéressée ; que la responsabilité de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS est engagée à l'égard de Mme X, au titre de l'intégralité des conséquences dommageables de son éviction irrégulière ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée avait demandé devant les premiers juges à être indemnisée par la chambre de commerce « de ses traitements perdus du 22 avril 2006 jusqu'à la date du prononcé du jugement » ; qu'elle avait ainsi, eu égard à l'objet du litige, suffisamment précisé sa demande ; que, dès lors, la chambre de commerce n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué aurait dû déclarer les conclusions présentées sur ce point irrecevables, faute d'être chiffrées ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la chambre de commerce, les circonstances de l'éviction de l'intéressée invoquées par les premiers juges dans leurs motifs et notamment les pressions morales et matérielles et les conditions de travail doivent être regardées en l'espèce comme se rattachant directement au préjudice moral subi par l'intéressée du fait des conditions de rupture de son contrat et non aux troubles dans les conditions d'existence, au demeurant, suffisamment caractérisées par ailleurs ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que ces circonstances seraient étrangères au présent litige et de la dénaturation des faits sur ce point ne peuvent qu'être rejetés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient fait une évaluation excessive du préjudice indemnisable de l'intéressée au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en fixant le montant à 30 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à la demande de Mme X et condamné la chambre de commerce à verser les sommes susmentionnées ;

Sur les conclusions d'appel de Mme X :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la chambre de commerce :

Considérant qu'il y a lieu de déclarer nul et de nul effet le protocole d'accord susmentionné mettant fin aux fonctions de l'intéressée, ainsi qu'il a été dit ; que, dans ces conditions, d'une part, l'intéressée ne saurait avoir droit à l'indemnité à hauteur de la somme de 75 582,24 euros, prévue par ledit protocole, sur ce fondement ; que, d'autre part, il est constant que la somme précitée a été versée à l'intéressée par la chambre de commerce ; que si, en l'absence de service fait, Mme X ne peut prétendre au rappel de son traitement correspondant à l'emploi duquel elle a été illégalement évincée, elle est fondée à demander la réparation du préjudice qu'elle a réellement subi en relation directe avec son éviction illégale ; que, par adoption des motifs des premiers juges, l'intéressée à droit à une indemnité au titre de la perte de ses traitements égale au montant des traitements nets qu'elle aurait perçus si elle était demeurée en poste, ou gain manqué, du 22 avril 2006, date où elle cessé ses fonctions, jusqu'à la date de notification du présent arrêt, calculés en fonction du niveau indiciaire qui était le sien lors de son éviction, majoré des indemnités qui en constituent l'accessoire, à l'exclusion des indemnités représentatives de frais et des éléments de rémunération lié à l'exercice effectif des fonctions, sous déduction des rémunérations privées ou publiques perçues dans la même période ainsi que des allocations pour perte involontaire d'emploi ; qu'il y aura lieu pour la chambre de commerce de déduire l'indemnité de 75 582,24 euros précitée déjà versée à l'intéressée à titre d'indemnité de licenciement ; qu'à supposer que les sommes ainsi perçues par l'intéressée soient supérieures au gain manqué, calculé selon les modalités ci-dessus précisées, l'intéressée n'aurait droit à recevoir aucune indemnité au titre de la perte de ses traitements, ne justifiant dans ces conditions d'aucun préjudice à ce titre ; que les pièces du dossier ne permettant pas de calculer le montant de l'indemnité totale dont s'agit au titre de la perte de ses traitements, il y a lieu de renvoyer Mme X devant la chambre de commerce pour qu'il soit procédé à la liquidation de son montant ; que, par ailleurs, les premiers juges n'ont pas procédé à une appréciation excessive du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de l'intéressée en condamnant la chambre de commerce à lui verser à ce titre une indemnité de 30 000 euros, ainsi qu'il a été dit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à sa demande et a condamné la chambre de commerce à lui verser les sommes susmentionnées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.» ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par Mme X et par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ;

D É C I D E :

Article 1er : Mme X est renvoyée devant la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement de l'indemnité à laquelle elle a droit en réparation de sa perte de rémunération selon les modalités précisées dans les motifs du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris en date du 27 juin 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et les conclusions de la requête de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS sont rejetés.

6

Nos 07PA01888, 07PA03445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA01888
Date de la décision : 15/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. Ermès Dellevedove
Rapporteur public ?: Mme DELY
Avocat(s) : PIRIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-12-15;07pa01888 ?
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