Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2006, présentée pour M. et Mme Jean-Claude X, demeurant ... (94350), par Me Houilliez ; M. et Mme X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0301323/3 du 28 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre des années 1995, 1996 et 1997 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :
- le rapport de Mme Dely, rapporteur,
- les observations de Me Ballet, pour M. et Mme X,
- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a acquis six parts de la copropriété de navire « Blue Bird » ayant pour objet exclusif, selon ses statuts, l'achat et l'exploitation d'un navire de pêche, sous pavillon français, dans les territoires et départements d'outre mer, dénommé « Lotus Bleu » ; que, sur le fondement des dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts relatif à certains investissements effectués outre-mer, il a, d'une part, déduit de son revenu imposable de l'année 1995 le coût d'acquisition de ses parts dans la copropriété du navire, soit 600 000 F, d'autre part, imputé sur son revenu imposable des années 1996 et 1997 le déficit procédant du montant de l'amortissement calculé sur la base dudit coût d'acquisition ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la copropriété et d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus de M. et Mme X, l'administration a remis en cause tant la déduction opérée au titre de l'année 1995 que les modalités d'imputation et les montants des déficits imputés par les contribuables sur leurs revenus imposables des années 1996 et 1997 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts : « Chaque membre des copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi nº 67-5 du 3 janvier 1967 modifiée portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété » ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : « Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : (...) 7º Membres des copropriétés de navires mentionnées à l'article 8 quater (...) » ; qu'aux termes de l'article 73-I de la loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977 dont est issu l'article 61 A du code général des impôts, qui a été codifié dans ces termes dans ledit code de 1978 à 1983 : « I° Les copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 sont tenues aux obligations qui incombent aux exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel. Les résultats à déclarer sont déterminés dans les conditions prévues pour ces exploitants avant déduction de l'amortissement du navire. La procédure de vérification des déclarations est suivie directement entre l'administration et la copropriété » ; que l'article 61 A dispose que : « les résultats à déclarer par les copropriétés mentionnées aux articles 8 quater et 8 quinquies sont déterminés dans les conditions prévues pour les exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel, avant déduction respectivement de l'amortissement du navire...Les copropriétés sont tenues aux obligations qui incombent à ces exploitants » ; qu'aux termes de l'article 39 E du même code « chaque membre des copropriétés de navire mentionnées à l'article 8 quater amortit le prix de revient de sa part de propriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires » ; qu'il résulte de ces dispositions que les bénéfices industriels et commerciaux imposables d'un copropriétaire de navire doivent être déterminés en deux étapes, d'abord au niveau de la copropriété, laquelle doit tenir la comptabilité des opérations d'exploitation du navire, dont elle n'a que la jouissance et qui ne figure donc pas à l'actif de son bilan, ensuite au niveau du copropriétaire, lequel doit comptabiliser, outre sa quote-part des résultats de l'exploitation de la copropriété, ses propres opérations patrimoniales d'acquisition des quirats, les charges d'amortissement et le cas échéant d'emprunt supportées à ce titre, ainsi que le produit de leur cession éventuelle ; enfin, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : « (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification » ;
Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en s'abstenant de notifier l'avis de vérification de comptabilité de la copropriété à chacun des quirataires ayant un droit de propriété direct sur le navire ; que, toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 61 A du code général des impôts que la procédure de vérification des déclarations est suivie directement entre l'administration et la copropriété, qui est alors légalement représentée par son gérant ; que, par suite, l'administration pouvait légalement, d'une part, procéder à une vérification de la comptabilité de la copropriété sans notifier à chacun des quirataires un avis individuel de vérification et, d'autre part, procéder à un contrôle sur pièces des déclarations individuelles des copropriétaires ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les impositions supplémentaires en litige résultent de la remise en cause par l'administration, à l'issue d'un contrôle sur pièce des déclarations du contribuable, de la déduction des revenus soumis à l'impôt de sa part dans l'acquisition du navire Blue Bird et des charges d'amortissement supportées à ce titre ; qu'elles n'ont pas pour fondement le refus de déduction des déficits d'exploitation de cet investissement qui aurait pour origine la vérification de comptabilité de la copropriété du navire ; que, par suite, eu égard au principe de l'indépendance des procédures, les éventuelles irrégularités qui affecteraient la procédure de vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de la copropriété sont sans influence sur la procédure d'imposition menée à l'encontre de M. et Mme X, dès lors que les impositions en litige n'en résultent pas ;
Considérant, en troisième lieu, que les requérants soutiennent que la procédure d'imposition serait irrégulière dès lors que l'administration ne leur a pas communiqué les documents relatifs à la vérification de comptabilité de la copropriété ; que, toutefois, s'il incombe à l'administration d'informer le contribuable de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir auprès de tiers afin que l'intéressé soit mis à même de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux de ces renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ; qu'il résulte de l'instruction que M. X a eu communication des documents que le vérificateur a utilisés pour motiver le redressement d'impôt sur le revenu litigieux qui ont été joints à la réponse aux observations du contribuable du 21 septembre 1999 et que l'administration a produit le bilan de la copropriété allant du 1er janvier au 31 décembre 1995 ;
Considérant, enfin, que la notification de redressements en date du 21 décembre 1998 précise la procédure suivie par l'administration et indique, notamment, comment l'administration a évalué la valeur du bateau en se référant à la valeur vénale retenue dans le contrat d'assurance ; qu'ainsi, les motifs de droit et de fait qui ont conduit l'administration à rehausser les impositions de M. X sont clairement exposés ; que, par suite, la notification de redressement doit être regardée comme suffisamment motivée ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...) » ; qu'il résulte de l'instruction que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, par un avis rendu le 17 septembre 2001, s'est déclarée incompétente ; que l'administration, qui au demeurant ne le conteste pas, supporte la charge de la preuve en application de ces dispositions ;
En ce qui concerne les modalités d'imputation des déficits commerciaux :
Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche (...). La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209 » ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies D de l'annexe III au même code, pris pour l'application des dispositions précitées : « La déduction est pratiquée par l'entreprise propriétaire. Elle est opérée sur les résultats imposables, déterminés avant tout autre déduction ou abattement, de l'exercice au cours duquel l'immobilisation a été livrée à l'entreprise ou créée par elle » ;
Considérant que M. et Mme X font valoir qu'ils étaient en droit d'imputer sur leur revenu global de l'année 1995 les déficits résultant de l'acquisition du navire « Lotus Bleu » par la copropriété Blue Bird au motif que ce bateau avait fait l'objet d'une demande de francisation acceptée par les Douanes le 10 novembre 1995, qu'un permis provisoire de navigation avait été délivré le 18 décembre 1995, qu'il avait été livré par le chantier naval OCEA des Sables-d'Olonne à la société R.E.I. le 26 décembre 1995 et que la propriété du navire avait été transférée à la copropriété par des factures de cession du navire en dates des 20 et 30 décembre 1995 établies entre la société R.E.I. et la copropriété ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, si un procès-verbal de réception provisoire du navire a été établi le 26 décembre 1995, ce document, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il a été émis pour des raisons administratives, ne rend pas compte de la livraison effective dudit bien ; qu'un avenant au contrat initial a fixé une nouvelle date de livraison au 31 octobre 1996 ; que celle-ci a été confirmée par un procès-verbal de recette définitive daté du même jour et signé par OCEA et R.E.I. en qualité d'armateur du navire ; que si M. et Mme X soutiennent que cette pièce contient une erreur matérielle, ils n'apportent aucun élément de nature à montrer le bien-fondé de leur allégation en particulier sur l'existence d'un autre navire acheté par la même copropriété et portant le nom de « Green Bird » ; que, dès lors, le navire n'a pas pu faire l'objet d'une livraison effective, au sens des dispositions de l'article 46 quaterdecies D de l'annexe III précité, à la copropriété de navire, avant le 31 décembre 1995 ; que, si les requérants soutiennent également qu'il faut se fonder sur la date du dépôt de la demande d'acte de francisation auprès des autorités douanières, il résulte de l'instruction que ledit acte, lequel emporte droit de porter pavillon français, ne pouvait légalement intervenir avant que le navire n'ait effectivement été livré à la copropriété, soit le 31 octobre 1996 ; qu'en outre, il n'est pas utilement contesté par les requérants que, durant l'année 1995, la copropriété n'a pas fait enregistrer ses statuts ni réalisé quelque démarche que ce soit auprès de l'administration fiscale locale et qu'elle n'avait pu être constituée avant le 31 décembre 1995, par suite de la défection de certains quirataires pressentis ; que, dès lors, les pièces dont font état les requérants sont insuffisantes pour établir la réalité de l'achèvement du navire et sa livraison avant le 31 décembre 1995 ; que la date de réalisation de l'investissement ne se situant pas au cours de l'année 1995, les requérants ne pouvaient légalement déduire de leur revenu imposable de ladite année le coût d'acquisition de leurs parts dans la copropriété du navire ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, si la copropriété a acquis le navire « Lotus Bleu » auprès de l'armateur pour un prix de 25 000 000 F, l'armateur a lui-même acquis ce navire, à la sortie du chantier, pour un montant total de 8 995 100 F ; que les requérants ne font état d'aucune prestation spécifique de nature à justifier la différence constatée entre le prix d'acquisition du navire par l'armateur et son prix d'acquisition par la copropriété et soutiennent qu'il s'agit du prix de marché du navire, augmenté de la marge réalisée par la société R.E.I. en tant que promoteur de l'opération et des charges de cette société, et que la Compagnie Viking aurait commercialisé un navire identique à un prix comparable ; que toutefois ils n'apportent aucun élément probant à l'appui de leurs allégations quant aux termes de comparaison et à la réalité des prestations fournies par la société R.E.I. ; qu'en outre, il n'est pas contesté que celle-ci a déclaré ce navire à sa compagnie d'assurance pour une valeur de 12 000 000 F ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant la surestimation du prix d'acquisition du navire déclaré par la copropriété et comme justifiant le montant de 12 000 000 F qu'elle a retenu pour calculer les déductions auxquels avaient droit les contribuables sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts ; qu'ainsi, c'est également à bon droit que l'administration a limité à 960 000 F la déduction du prix d'acquisition des parts admise au titre de l'article 238 bis HA précité, pour l'année 1996, et a réintégré une partie des amortissements pratiqués par les contribuables au titre des années 1996 et 1997 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce issue de l'article 72 de la loi de finances pour 1996 : « l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...) Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 1° bis des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. Il en est ainsi, notamment, lorsque la gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas un membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention. Les déficits non déductibles pour ces motifs peuvent cependant être imputés sur les bénéfices tirés d'activités de même nature exercées dans les mêmes conditions, durant la même année ou les cinq années suivantes (...) Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables au déficit ou à la fraction de déficit provenant de l'exploitation : (...) - de biens meubles corporels acquis à l'état neuf, non encore livrés au 1er janvier 1996 et ayant donné lieu avant cette date à une commande accompagnée du versement d'acomptes au moins égaux à 50 p. 100 de leur prix (...) » ; que le III quater de l'article 238 bis HA du même code dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 1996 dispose que : « Les dispositions du 1° bis du I de l'article 156 ne sont pas applicables aux déficits provenant de la déduction des investissements visée au I et de leur exploitation ou des souscriptions mentionnées aux II et II bis réalisés à compter du 1er janvier 1996 et qui reçoivent un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions fixées au deuxième alinéa du III ter. Si l'investissement ou la souscription n'excède pas trois millions de francs, l'agrément est tacite à l'expiration d'un délai de deux mois » ;
Considérant qu'il est constant que l'exploitation du navire de pêche « Lotus Bleu », qui n'a pas commencé, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, avant 1996, ne comporte la participation personnelle, continue et directe ni de M. X ni d'un membre de son foyer fiscal, que l'investissement n'a pas donné lieu à une demande d'agrément et que les acomptes versés avant le 1er janvier 1996 étaient inférieurs à 50 p. 100 du prix ; qu'ainsi le contribuable ne peut se prévaloir des dispositions précitées du 1er du I de l'article 156 pour soutenir que les déficits résultant de l'exploitation étaient déductibles de ses revenus globaux ;
Considérant, enfin, que l'instruction du 16 janvier 1996 dont se prévaut M. X, en des termes d'ailleurs imprécis, se borne à rappeler la situation fiscale des copropriétés de navires et celle des copropriétaires, ainsi que les obligations déclaratives incombant à chacun de ces redevables, et ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale susceptible d'être utilement invoquée par le requérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
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N° 06PA02638
Mme Anne SEFRIOUI
2
N° 06PA04153
Classement CNIJ :
C