La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2008 | FRANCE | N°05PA04205

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre - formation a, 26 juin 2008, 05PA04205


Vu le recours, enregistré le 26 octobre 2005, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE demande à la cour :

1°) à titre principal : a) d'annuler le jugement n° 9805640/2 du 8 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement déchargé la société Orlane des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 1990 à 1992, des pénalités de mauvaise foi assortissant certains chefs de redressements et de la retenue à la source demeurant en litige au titre des mêmes

années, ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ...

Vu le recours, enregistré le 26 octobre 2005, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE demande à la cour :

1°) à titre principal : a) d'annuler le jugement n° 9805640/2 du 8 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement déchargé la société Orlane des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 1990 à 1992, des pénalités de mauvaise foi assortissant certains chefs de redressements et de la retenue à la source demeurant en litige au titre des mêmes années, ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la même période ; b) de remettre à la charge de la société Orlane les droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités afférentes auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1990 à 1992 à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour le montant de 888 794 euros ( 5 830 100 F) ; c) de remettre à la charge de la société Orlane la retenue à la source et les intérêts de retard y afférents auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années, à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour le montant de 327 916 euros ( 2 151 000 F ) ; d) de remettre à la charge de la société Orlane les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et les intérêts de retard y afférents auxquels elle a été assujettie pour la période correspondant aux mêmes exercices à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour le montant de 56 794 euros ( 372 560 F ) ;

2°) à titre subsidiaire : a) d'annuler les articles 2, 4 et 6 du jugement n° 9805640/2 du Tribunal administratif de Paris du 8 juillet 2005 ; b) d'annuler partiellement l'article 5 du jugement en tant qu'il a déchargé la société Orlane des pénalités de mauvaise foi appliquées aux redressements afférents aux dépenses personnelles de son dirigeant ; c) de remettre à la charge de la société Orlane les droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités afférentes auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1990 à 1992 à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour le montant de 888 794 euros (5 830 100 F) ; d) de remettre à la charge de la société Orlane la retenue à la source et les intérêts de retard y afférents auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années, à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour le montant de 327 916 euros (2 151 000 F) ; e ) d'annuler partiellement l'article 7 du jugement n° 9805640/2 en ce qu'il a à tort déchargé la société Orlane des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard y afférents, dont le montant excède celui visé dans la réclamation préalable ; f) de remettre à la charge de la société Orlane les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et les intérêts de retard y afférents, auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1992 à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour le montant de 56 794 euros (372 560 F ) ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi de finances rectificative n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2008 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- les observations de Me Davidian, pour la société Orlane,

- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue de deux vérifications de sa comptabilité, la société Orlane a été assujettie, d'une part à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source au titre des années 1990 à 1992, d'autre part à des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à ces années ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE interjette appel du jugement du 8 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande dont l'avait saisi la société Orlane, qui tendait à la décharge de ces impositions ; que la société Orlane forme appel incident de ce même jugement en tant qu'il a maintenu à sa charge une partie des impositions contestées ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

En ce qui concerne les conclusions principales du recours :

Considérant que la société Orlane a été assujettie, au titre de la période vérifiée, à des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée résultant en particulier de la remise en cause de la déduction de la taxe qui avait grevé le coût d'acquisition et de l'aménagement d'une propriété sise à Vauville (Calvados) ; que devant le tribunal, la société a demandé la décharge des suppléments de droits de taxe qui procédaient de cette remise en cause ; que, dans son mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2001, le directeur des vérifications nationales et internationales a expressément invoqué l'irrecevabilité des conclusions en décharge du chef de redressement correspondant, qui n'avait pas été contesté dans la réclamation préalable de la société ; que les premiers juges ont toutefois accordé la décharge des suppléments de droits demandée, y compris des pénalités de mauvaise foi qui les assortissaient, sans se prononcer sur la pertinence de la fin de non-recevoir ainsi soulevée par le directeur ; que le jugement est dès lors irrégulier sur ce point et doit être annulé en tant qu'il a prononcé la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des intérêts de retard y afférents résultant de la réintégration dans son chiffre d'affaires de la taxe relative à la propriété de Vauville, dès lors que le MINISTRE ne conteste pas la décharge des pénalités de mauvaise foi également prononcée par le tribunal ; qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer cette partie du litige et de statuer immédiatement sur la demande de la société devant le tribunal ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : « (...) Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. (...) » ; que l'article L. 199 C du même livre dispose par ailleurs que : « L'administration, ainsi que le contribuable, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction (...) » ; qu'en application de ces dernières dispositions, les prétentions d'un contribuable présentées pour la première fois devant le tribunal administratif ne sont recevables que dans la mesure où, ajoutées aux dégrèvements prononcés par l'administration, elles ne conduisent pas à un dégrèvement supérieur à celui demandé dans la réclamation adressée à l'administration des impôts ;

Considérant que dans sa réclamation préalable du 17 janvier 1997 relative à la taxe sur la valeur ajoutée, la société Orlane a expressément indiqué qu'elle acceptait les redressements relatifs à la propriété de Vauville et n'a contesté que les majorations pour mauvaise foi qui les assortissaient ; qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu des dégrèvements prononcés par l'administration tant dans le cadre de l'instruction de la réclamation de la société qu'en cours d'instance devant le tribunal, la demande en décharge de la requérante excédait le quantum de sa réclamation à l'administration ; que cette demande était en conséquence irrecevable et doit être rejetée ;

En ce qui concerne les autres conclusions du recours :

S'agissant de l'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source :

Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance d'entreprises situées hors de France ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de minoration des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (....) » ; que ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices, qui ne peut être utilement combattue par l'entreprise imposable en France qu'à charge, pour celle-ci, d'apporter la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation ; que, dans le cas où l'existence d'un transfert de bénéfices est établie , celui-ci doit, en application des dispositions combinées du 1° du 1 de l'article 109 et de l'article 110 du code général des impôts, être regardé comme un revenu distribué ; que, dès lors que son bénéficiaire a son siège hors de France, cette distribution est soumise à la retenue à la source prévue par le 2° de l'article 119 bis du même code ;

Considérant que la société Orlane, filiale de la société de droit néerlandais « Orlane International BV », est propriétaire de la marque et a l'exclusivité de la fabrication des produits cosmétiques ; qu'elle a conclu, le 25 avril 1989, avec la société américaine « Orlane Inc », également filiale de la société « Orlane International BV », et qui a le monopole de la distribution des produits de la marque aux Etats-Unis, un protocole d'accord en vertu duquel elle s'engageait, en contrepartie de l'acquisition par la société américaine d'un montant minimum de ses produits, à participer à hauteur d'un montant annuel de 4 000 000 F, au budget publicitaire et promotionnel de cette société ; que le vérificateur a estimé que la société Orlane n'avait retiré aucune contrepartie personnelle des versements effectués durant les années en cause en application de ce protocole et que ces versements constituaient dès lors un transfert indirect de bénéfices à l'étranger, au sens de l'article 57 du code général des impôts ; qu'il en a réintégré le montant dans le bénéfice imposable de la société desdites années ;

Considérant que l'existence d'un lien de dépendance est constant ; que le MINISTRE fait par ailleurs valoir qu'après prise en compte du montant de la subvention ainsi accordée par la société Orlane à la société Orlane Inc, la marge bénéficiaire réalisée par la contribuable avec cette dernière, qui ne lui versait aucune redevance de marque et acquérait ses produits à des prix sensiblement inférieurs aux prix moyens pratiqués avec les autres sociétés du groupe tout en bénéficiant de délais préférentiels de paiement, était négative ; qu'ainsi le MINISTRE établit l'existence d'une présomption de transfert indirect de bénéfices ; qu'il appartient dès lors à la société Orlane d'établir l'existence de la contrepartie qu'elle a personnellement retirée des versements effectués ;

Considérant, en premier lieu, que la société ORLANE fait valoir que le marché des Etats-Unis revêt, pour les fabricants de produits cosmétiques, une importance stratégique dès lors que ce marché exerce une influence considérable sur d'autres marchés, tels ceux d'Amérique latine, et qu'il permet de les pénétrer ; que la société ne fait toutefois que se référer aux déclarations d'ordre général de ses anciens dirigeants, ainsi qu'aux conclusions du rapport de l'expert judiciaire désigné par le tribunal de commerce dans un litige l'opposant à son comité central d'entreprise, selon lequel l'aide accordée au cours de l'année 1991 « ne peut pas être considérée comme un acte anormal de gestion dans la mesure où la stratégie des dirigeants d'Orlane est de pénétrer le marché américain qui constituerait selon eux un débouché important » ; que, cependant, la part du marché des Etats-Unis dans le chiffre d'affaires total réalisé par la société durant les années au cours desquelles l'aide a été versée est restée mineure ; que la société ne fait état d'aucun élément précis et circonstancié susceptible d'établir ou même de laisser fortement supposer qu'elle était tenue de renforcer sa position sur le marché des Etat-Unis pour pouvoir pénétrer les marchés sud-américains ; qu'ainsi, en l'absence de preuve de l'importance stratégique alléguée du marché des Etats-Unis, la société n'établit pas que le financement, dans les conditions susrappelées, de la publicité de ses produits commercialisés aux Etats-Unis, avait pour contrepartie escomptée la pénétration des marchés sud-américains ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société Orlane fait également valoir que l'aide accordée était indispensable à la survie de la société Orlane Inc, et que cette survie lui était personnellement nécessaire pour vendre ses produits aux Etats-Unis ; que, toutefois, eu égard à la faiblesse du chiffre d'affaires réalisé par la société sur le marché des Etats-Unis, la survie de la société américaine, fût-elle dépendante de l'aide accordée, ne peut être tenue pour une contrepartie de cette aide ;

Considérant, en troisième lieu, que le fait que la société « Orlane Inc » ait respecté ses engagements contractuels en achetant les produits fabriqués par la requérante, n'est, eu égard à la disproportion entre le montant de l'aide et celui du chiffre d'affaires induit par ces achats, pas davantage susceptible de constituer une contrepartie à cette aide ;

Considérant, en quatrième lieu, que la requérante ne peut utilement se référer à la relative modestie du montant total de l'aide qu'elle a personnellement consentie qui se chiffrait à 20 millions de francs, par rapport l'aide apportée par la société mère du groupe à sa filiale américaine qui s'élevait à 98 millions de francs, dès lors que cette circonstance est en elle-même insusceptible d'établir une quelconque contrepartie à l'aide ;

Considérant, en dernier lieu, que les instructions administratives de la direction générale des impôts, référencées sous les numéros « 4 A 1211 » et « 4 A 1212 » qui ne font que rappeler que l'administration doit établir, d'une part l'existence de liens de dépendance entre l'entreprise française et l'entreprise étrangère, d'autre part l'existence d'avantages particuliers consentis à cette dernière ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration ;

Considérant que la société Orlane n'établit pas l'existence de la contrepartie qu'elle a personnellement retirée ou escomptée de sa participation au budget promotionnel et publicitaire de la société Orlane Inc ; qu'ainsi, le montant de l'aide accordée a été à bon droit regardé comme un transfert indirect de bénéfices par le vérificateur ; que, dès lors, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal, après avoir estimé que l'avantage accordé par la société Orlane avait une contrepartie suffisante dans l'intérêt du groupe et était justifié par une gestion normale de son intérêt, a déchargé cette dernière, tant des redressements d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration dans ses résultats imposables des années 1990, 1991 et 1992, du montant des versements, que des retenues à la source correspondantes ;

S'agissant des pénalités de mauvaise foi afférentes aux impositions résultant des redressements afférents aux dépenses personnelles du dirigeant :

Considérant qu'au cours des exercices 1990 et 1991, la société Orlane a comptabilisé en charges des dépenses personnelles de son dirigeant, payées avec une carte bancaire de la société ; que le vérificateur en a réintégré le montant dans les résultats imposables de la société et assorti les redressements correspondants des pénalités de mauvaise foi ; que, pour accorder la décharge de ces pénalités, le tribunal s'est fondé sur ce que ces dépenses avaient fait l'objet d'un remboursement du dirigeant avant même le début du contrôle ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les frais en cause, qui s'élèvent à 143 289 F en 1990 et à 110 085 F en 1991, correspondent à des dépenses personnelles du dirigeant ; que le fait que ce dernier ne percevait pas de rémunération ne justifiait pas la prise en charge par la société de dépenses de cette nature ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, en particulier des observations en défense non contestées du directeur des services fiscaux devant le tribunal et reprises en appel par le MINISTRE, que le compte courant ouvert au nom du dirigeant en vue de régulariser sa situation à la suite des remarques du comité d'entreprise, était débiteur de 278 523 F le 31 décembre 1992 ; que le remboursement de la dette avant le début de la vérification n'est dès lors pas établi ; que, dans ces conditions, le MINISTRE qui établit la mauvaise foi de la société est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a déchargée desdites pénalités et à en demander le rétablissement;

Sur l'appel incident de la société Orlane :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant de la régularité de la vérification :

Considérant, en premier lieu, qu'en réponse à l'avis de vérification de sa comptabilité du 19 avril 1993 afférent aux exercices 1990 et 1991, le président directeur général de la société Orlane a, par lettre du 12 mai suivant, demandé que les opérations de contrôle se déroulent dans les locaux de l'établissement d'Orléans ; qu'il a également confirmé, le 26 avril 1993, un précédent pouvoir donné le 30 novembre 1992 à M. Ury, président international, pour représenter la société dans ses rapports avec les administrations fiscales et sociales ; que M. Ury, compte-tenu de ses fonctions et des termes de son mandat qui n'avait pas à être renouvelé, était habilité à représenter la société lors de la vérification ultérieure ayant porté sur l'exercice 1992 et annoncée par avis du 4 octobre 1993 ; que, dans ces conditions, la vérification de cet exercice a régulièrement pu, conformément à la demande exprimée par M. Ury le 11 octobre 1993, avoir lieu à l'établissement d'Orléans, où se trouvaient les services et documents comptables ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société ne saurait utilement se plaindre de ce que le vérificateur aurait emporté un grand nombre de photocopies de documents comptables, dès lors que la prise ou la conservation par l'agent des impôts de telles photocopies ne constitue pas un emport irrégulier de documents ;

Considérant, en troisième lieu, que les redressements initialement envisagés qui procédaient spécifiquement de la vérification de comptabilité informatisée ont été abandonnés ; que sont dès lors sans incidence les éventuelles irrégularités entachant la mise en oeuvre des traitements informatiques effectués dans le cadre de cette vérification spécifique ;

S'agissant de la régularité des redressements :

Considérant, en premier lieu, que les notifications de redressements des 16 décembre 1993 et 27 juin 1994 mentionnaient les raisons de fait et de droit pour lesquelles les aides accordées à la société américaine Orlane Inc étaient regardées comme un transfert indirect de bénéfices à l'étranger ; que ces notifications étaient, dès lors, motivées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : « Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration » ; que le § 5 du chapitre I de la charte relatif au déroulement de la vérification précise qu'en cas de difficultés, le contribuable peut s'adresser à l'interlocuteur départemental ou régional et qu'il peut le contacter pendant la vérification ; qu'aux termes du § 5 du chapitre III de la même charte, consacré à la conclusion du contrôle, : « Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, le contribuable peut saisir l'inspecteur principal, puis l'inspecteur départemental » ;

Considérant qu'un contribuable qui n'a, à aucun moment de la procédure de vérification, demandé à bénéficier de la garantie offerte par la charte du contribuable permettant d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur tous les points où persiste un désaccord avec ce dernier, ne saurait utilement soutenir devant le juge qu'il aurait été privé de cette garantie et que la procédure d'imposition serait, pour ce motif, irrégulière ; que, par suite, la requérante, qui n'a pas demandé à rencontrer le supérieur hiérarchique du vérificateur, ne peut contester la régularité de la procédure d'imposition sur ce point ;

Considérant en troisième lieu que la loi du 12 avril 2000, dont l'article 4 prévoit que toute décision administrative doit comporter les nom et prénom de son auteur, n'était pas en vigueur le 9 juillet 1996, date des réponses aux observations du contribuable ; qu'ainsi et en tout état de cause, est sans incidence le fait que le prénom du signataire de ces réponses n'était pas mentionné ;

S'agissant de la régularité de l' avis de mise en recouvrement du 9 décembre 1996, qui vise les retenues à la source :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article 25 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1999 : « (...) B Sont réputés réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressements effectuées avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressements ; (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : « L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° les éléments du calcul et le montant des droits et pénalités, indemnités ou intérêts de retard qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi du document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement (...) » ;

Considérant que les dispositions précitées de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1999 font obstacle à ce que la société requérante puisse invoquer utilement le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement du 9 décembre 1996 méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales en ce qu'il se réfère aux notifications de redressements des 16 décembre 1993 et 27 juin 1994 ; que, si l'administration a ensuite modifié le montant de ces redressements à la suite des observations du contribuable, celui-ci en a été avisé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : « (...) L'avis de mise en recouvrement est individuel ou collectif. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret (...) Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat » ; que l'article R. 256-8 du même livre dispose : « Le comptable mentionné aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 256 est le comptable de la direction générale des impôts (...) » ;

Considérant que contrairement aux allégations de l'intimée, l'avis de mise en recouvrement du 9 décembre 1996 est revêtu de la signature du receveur principal de la recette des impôts de Roule Hoche ; qu'en tout état de cause, le patronyme du signataire y est expressément mentionné ;

Considérant, en troisième lieu, que la société ne peut utilement faire valoir que les mentions de l'avis de mise en recouvrement ne seraient pas conforme aux énonciations de l'instruction administrative référencée sous le numéro « 12 C 1221 », dès lors que cette instruction, relative à la procédure d'imposition, ne comporte aucune interprétation du texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que sont par suite sans incidence les circonstances que le signataire de l'avis n'aurait pas opposé son visa et que la raison sociale de la société n'est pas mentionnée ;

S'agissant du bien-fondé des redressements afférents à la propriété de Vauville :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa du 4 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « (...) sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt (...) les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences (....) » ; que ces dispositions visent les charges qu'expose une entreprise, fût-ce dans le cadre d'une gestion commerciale normale, du fait qu'elle dispose d'une résidence ayant vocation de plaisance ou d'agrément, à laquelle elle conserve ce caractère et dont elle ne fait pas une exploitation lucrative spécifique ;

Considérant qu'au cours de l'année 1990, la société a acquis une propriété sise à Vauville (Calvados), composée d'un manoir et de ses dépendances, entourée d'un parc et comprenant notamment un terrain de tennis et une piscine ; que le caractère de résidence de plaisance et d'agrément de cette propriété est au demeurant constant ; que la circonstance que des travaux y auraient été entrepris en vue de permettre la tenue de réunions et de séminaires dans le prolongement direct de l'activité de l'entreprise n'est pas de nature à lui ôter ce caractère dès lors que ladite résidence n'a pas fait l'objet d'une activité lucrative spécifique ; que l'instruction administrative n° 4 C 4743 ne contient aucune interprétation du texte fiscal ; que c'est par suite à bon droit que le vérificateur n'a pas admis la déduction des amortissements et dépenses d'entretien afférents à cette propriété ;

S'agissant du bien-fondé des redressements afférents aux appartements du 75 rue du Faubourg St Honoré :

Considérant que la société a acquis en 1986 et 1990, deux appartements respectivement situés aux quatrième et cinquième étage de l'immeuble du 75 rue du Faubourg St Honoré (Paris 8ème) ; que la société demande la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas admis la déduction de ses résultats imposables, d'une part des charges et amortissements concernant l'appartement du 4ème étage au titre des années 1991 et 1992, d'autre part, d'un loyer de 75 000 F concernant l'appartement du 5ème étage au titre de l'année 1992 ;

Considérant, s'agissant de l'appartement du quatrième étage, que l'administration a, en définitive, admis à hauteur de cinquante pour cent la déduction des charges et amortissements y afférents ; que la société n'établit pas que, ainsi qu'elle le soutient, ledit appartement avait été mis à la disposition de ses cadres et collaborateurs dans un but professionnel ; que, dès lors, elle ne justifie pas de l'insuffisance du pourcentage de déduction admis par l'administration ;

Considérant, par ailleurs, que l'appartement du cinquième étage était mis à la disposition du dirigeant de la société, résident italien, lors de ses séjours professionnels à Paris ; que pour l'année 1991, la société lui a au demeurant facturé un loyer de 75 000 F ; que, dès lors que les conditions d'occupation de cet appartement n'avaient pas changé durant l'année 1992, le service était fondé à estimer que la société aurait dû percevoir une redevance de même montant et à réintégrer dans ses résultats imposables de l'année 1992 une somme de 75 000 F correspondant au loyer non perçu ;

S'agissant des intérêts :

Considérant que l'intérêt de retard, qui est destiné à compenser le préjudice du Trésor et s'applique indépendamment de toute appréciation portée sur le comportement du contribuable n'a pas le caractère d'une sanction, y compris pour la fraction de son taux qui excède celui de l'intérêt légal ; que, dès lors, il n'entre pas dans le champ de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander, d'une part l'annulation partielle du jugement attaqué en ce qu'il a déchargé la société Orlane des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre des années 1990 à 1992 à raison de la réintégration dans son chiffre d'affaires de la taxe ayant grevé les dépenses d'acquisition et d'aménagement de la propriété de Vauville et des intérêts de retard y afférents, d'autre part la réformation dudit jugement en ce qu'il a déchargé la société Orlane des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1990 à 1992 en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables desdites années de la subvention annuelle de 4 000 000 F versée à la société Orlane Inc, ainsi que des pénalités de mauvaise foi appliquées aux redressements résultant de la remise en cause de la déduction des dépenses personnelles du dirigeant ; que le recours incident de la société Orlane doit être rejeté ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 7 du jugement n° 9805640/2 du Tribunal administratif de Paris du 8 juillet 2005 est annulé en tant qu'il a déchargé la société Orlane des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 1990 à 1992 en conséquence de la réintégration dans son chiffre d'affaires de la taxe ayant grevé les dépenses afférentes à la propriété de Vauville et des intérêts de retard y afférents.

Article 2 : Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et les intérêts de retard y afférents résultant de l'avis de mise en recouvrement du 9 décembre 1996 sont remis à la charge de la société Orlane, à concurrence de la décharge prononcée à tort par le tribunal (56 794 euros).

Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités de mauvaise foi y afférentes, auxquelles la société a été assujettie au titre des années 1990 à 1992 sont remises à sa charge à concurrence du montant de la décharge prononcée à tort par le tribunal (888 794 euros ).

Article 4 : Les retenues à la source et les pénalités y afférentes, résultant de l'avis de mise en recouvrement du 9 décembre 1996, auxquelles la société a été assujettie au titre des années 1990 à 1992 sont remises à sa charge à concurrence du montant de la décharge prononcée à tort par le tribunal (327 916 euros).

Article 5 : Le recours incident de la société Orlane est rejeté.

Article 6 : Les articles 1 à 6 du jugement du Tribunal administratif de Paris sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

2

N° 05PA04205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 05PA04205
Date de la décision : 26/06/2008
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. JARDIN
Avocat(s) : GOGUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-06-26;05pa04205 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award