Vu, avec les pièces et les mémoires qui y sont annexés, l'arrêt, en date du
8 novembre 2006, par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a, avant dire droit sur la requête présentée pour Mme Fernande X, procédé à une expertise médicale contradictoire aux fins, d'une part, de déterminer si le centre hospitalier Louis Mourier de Colombes a commis une erreur de diagnostic prénatal ou une autre faute dans le suivi de la grossesse de la requérante et si celle-ci a reçu une information suffisante sur les risques de trisomie présentés par les enfants à naître, les examens indispensables pour détecter ce handicap et les mesures envisageables et, d'autre part, de connaître les charges découlant pour sa mère de l'état de santé du jeune Y ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2008 :
- le rapport de M. Demouveaux, rapporteur,
- les observations de Me Tsoudéros, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles : « I. Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation... » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, alors âgée de 38 ans, était déjà mère de trois enfants nés en 1985, 1987 et 1996, exempts d'anomalies génétiques ; qu'elle a débuté en avril 1999 une grossesse gémellaire ; que pesait sur elle, de ce fait, une probabilité de naissance d'un enfant trisomique estimée par l'expert à 2% ; que si des échographies prénatales ont été réalisées sur elle, les 24 juin 1999 et 12 juillet 1999, afin de mesurer plus précisément ce risque, ces examens ont été insuffisants ; qu'ainsi la première échographie, réalisée le 24 juin 1999, a été trop précoce pour qu'il fût possible, au vu de la taille des embryons, de procéder à des mesures fiables ; que, lors de la deuxième échographie, réalisée, le 12 juillet 1999, en dehors des services du centre hospitalier, la clarté nucale des foetus n'a pas été mesurée ; que, selon les dires non contestés de l'expert, cette absence de mesure revêt, pour des foetus de 12,5 semaines, un caractère anormal qui aurait dû appeler l'attention du centre hospitalier Louis Mourier ; qu'il appartenait dès lors à ce centre, compte tenu de la défaillance technique ainsi survenue, laquelle ne pouvait être couverte par des échographies ultérieures de morphologie foetale, de proposer à l'intéressée de se soumettre à une amniocentèse ou, au moins, à un test sérologique HT21 de dépistage de la trisomie 21 ; que rien de tel n'a été entrepris, l'intéressée n'ayant par ailleurs pas été informée de l'existence des risques et de la possibilité qu'elle avait de demander elle-même une amniocentèse ; qu'il en résulte que
Mme X a été privée de toute information relative à la trisomie d'un des enfants qu'elle portait et de la possibilité de demander que fût pratiquée sur elle une interruption sélective de sa grossesse, intervention qui, aux dires de l'expert, était techniquement réalisable en 1999 ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a commis une erreur de diagnostic, laquelle constitue une faute caractérisée au sens des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, que la réparation du dommage résultant pour
Mme X de la perte de chance de se soustraire au risque de trisomie dont était porteur son fils Y, lequel s'est réalisé, doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subi ; que, compte tenu du rapprochement entre le risque en question et les risques de perte du second enfant encourus en cas de réalisation d'une amniocentèse et d'une interruption volontaire de grossesse sélective, compte tenu également de l'éventualité toujours possible d'un refus de la requérante de se prêter à de telles opérations, eu égard à leur pénibilité et aux fausses couches déjà subies par le passé par Mme X, cette fraction doit être évaluée à 30% des conséquences dommageables de l'intervention susmentionnée ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que si le jeune Y présente un profond handicap intellectuel, il est pris en charge pendant la semaine par une institution spécialisée et n'est présent au domicile de la requérante que pendant le week-end ; qu'il n'a besoin de la présence d'une autre personne qu'au moment de l'endormissement ; que selon l'expert, il est « très câlin », sociable et s'entend bien avec ses frères et soeurs ; que, dans ses conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de Mme X en le limitant à la somme de 15 000 euros ; que compte tenu de la fraction du préjudice mis à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, il y a donc lieu de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à la requérante la somme de 4 500 euros et d'annuler le jugement attaqué ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés à taxés à la somme de 1 800 euros, à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de tout ou partie de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 4 novembre 2003 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à
Mme X la somme de 4 500 euros.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros, sont mis à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.
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N° 04PA00885