Vu la requête, enregistrée le 2 février 2007, présentée pour M. Patrick X, demeurant ..., par Me Gentilhomme ;
M. X demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0405642/6-1 en date du 21 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a qu'en partie fait droit à sa demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à lui verser une somme de
197 117, 54 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises lors des interventions chirurgicales réalisées les 18 et 22 décembre 2001 à l'hôpital Ambroise Paré ;
2°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 108 117, 51 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 2008 :
- le rapport de M. Demouveaux, rapporteur,
- les observations de Me Sourou pour M. X et celles de Me Tsoudéros pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que
M. X s'est présenté, le 18 décembre 2001 à l'hôpital Ambroise Paré, pour y subir une ostéotomie du péroné ; qu'aucune ostéotomie n'a toutefois été pratiquée, le patient faisant seulement l'objet d'une arthrodèse péronéo-tibiale supérieure après qu'eût été retiré le matériel d'ostéo-synthèse placé lors d'une ostéotomie du tibia antérieure ; que cette intervention a eu pour suite une paralysie du nerf sciatique poplité externe, causant de vives douleurs à
M. X ; que, le 22 décembre 2001, il a été procédé au retrait de la vis d'arthrodèse posée le 18 décembre précédent et à une neurolyse du nerf sciatique ; qu'enfin, le 31 décembre 2001, les douleurs persistant, M. X a fait l'objet d'une troisième intervention, au cours de laquelle a été pratiquée l'ostéotomie du péroné initialement prévue ; que l'état de santé du patient ne s'est ensuite que partiellement amélioré du fait de la persistance d'un déficit moteur et sensitif du nerf sciatique poplité externe et de douleurs neuropathiques nécessitant, jusqu'en janvier 2003, un traitement par antalgiques permanent suivi d'une période de sevrage ;
Considérant que, par jugement du 21 novembre 2006, le Tribunal administratif de Paris a écarté l'existence d'une faute médicale mais a retenu à la charge de l'établissement un défaut d'information préalable du patient quant au risque de lésion nerveuse que comporte une opération de pose d'une prothèse du genou ; qu'il a fixé à 50 % la fraction du dommage devant être mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et a condamné cette dernière à verser, d'une part, à M. X une indemnité de 8 250 euros et, d'autre part, à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine une somme de 19 564 euros ; que
M. X demande la réformation de ce jugement en tant que, outre le défaut d'information relevé par les premiers juges, des fautes dans l'organisation du service et des fautes médicales ont été commises à son encontre et que les indemnités qui lui ont été allouées sont insuffisantes ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, que si l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris n'explique pas les raisons pour lesquelles, lors de l'intervention du 18 décembre 2001, il n'a pas été procédé à l'ostéotomie du péroné alors envisagée, il ne résulte pas de l'instruction que le caractère incomplet de cette intervention soit à l'origine du préjudice invoqué ; qu'en effet, les douleurs post-opératoires éprouvées par M. X, lesquelles ont motivé une seconde intervention le 22 décembre 2001, ont été causées par la paralysie du nerf sciatique poplité externe ; que le risque que survînt une telle paralysie était inhérent à l'intervention du
18 décembre 2001 et n'aurait pas été diminué, voire aurait été même accru, par la réalisation en outre d'une ostéotomie ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'une lésion du sciatique poplité externe peut toujours survenir lors de la mise en place d'une prothèse ; qu'elle n'apparaît pas avoir été causée en l'espèce par une faute médicale ; que si les douleurs qui s'en sont suivies ont donné lieu à une seconde intervention, qualifiée de « très discutable » par l'expert, il n'est pas établi ni même allégué que cette intervention, qui s'est normalement déroulée, ait causé à la victime un préjudice spécifique ;
Mais considérant, en troisième lieu, que des risques tels que la paralysie du nerf sciatique poplité externe, qui sont en relation avec l'intervention chirurgicale envisagée, doivent être portés à la connaissance du patient ; qu'il n'est pas contesté que M. X n'a pas été informé des risques inhérents à l'intervention proprement dite ; que, par suite, ce manquement à l'obligation d'information, alors que le degré d'urgence ne faisait pas obstacle à ce que celle-ci soit délivrée, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Considérant, enfin, et en quatrième lieu, que le préjudice résultant pour M. X de ce défaut d'information s'analyse comme la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'il doit être fixé à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques encourus par le patient en cas de renoncement à l'opération, le tribunal administratif, en établissant cette fraction à 50 %, n'a pas fait une insuffisante appréciation de la perte subie à ce titre par M. X ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Considérant, en premier lieu, que la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine est en droit de prétendre au remboursement des frais d'hospitalisation et d'appareillage de M. X, lesquels s'élèvent à la somme totale de 29 583, 19 euros ; que, compte tenu de la fraction de préjudice mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, il y a lieu de condamner cette dernière à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 14 791, 94 euros ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X demande également que soient indemnisés les frais supplémentaires résultant, d'une part, de l'acquisition d'un véhicule adapté à son handicap, soit comportant une boîte de vitesses automatique pouvant être actionnée du pied gauche, et, d'autre part, de la majoration de sa prime d'assurance ; qu'il est constant qu'une somme de 14 000, 03 euros lui a été versée au titre de ces chefs de préjudice par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ; que si cette somme ne couvre pas la valeur totale d'acquisition du véhicule, il n'est pas établi ni même soutenu qu'elle serait inférieure au surcoût lié à l'adaptation demandée, augmenté de la majoration de la prime d'assurance ;
Considérant, en troisième lieu, que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la perte de revenus subie par le requérant du fait de son état en l'évaluant à la somme globale de 8 045, 42 euros, incluant, d'une part, sa perte de rémunération, soit 3 272, 30 euros et, d'autre part, que les sommes que la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine justifie lui avoir versées au titre des indemnités journalières, soit 4 773, 12 euros ; que compte tenu de la fraction du préjudice mis à la charge de l'hôpital, la part d'indemnité réparant la perte de revenus s'élève à 4 022, 71 euros ; que le requérant peut dès lors prétendre au versement de la somme de 3 272, 30 euros ; qu'il y a lieu d'allouer le reliquat de la somme réparant la perte de revenus, soit 750, 41 euros, à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Considérant que les premiers juges ont évalué à 8 000 euros le préjudice résultant des souffrances endurées par M. X, qui ont été qualifiées d'importantes par l'expert, et à 10 000 euros son préjudice esthétique qualifié de léger et le préjudice d'agrément et les troubles dans les conditions d'existence liés au port d'un appareillage, aux difficultés dans la marche et à l'impossibilité de poursuivre des activités sportives ; que, ce faisant, ils n'ont pas fait une suffisante appréciation des préjudices encourus ; que les souffrances physiques, d'une part, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, d'autre part, doivent respectivement être évalués à la somme de 15 000 euros ; que compte tenu de la fraction du préjudice mis à la charge de l'hôpital il y a donc lieu de condamner ce dernier à verser à M. X la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices à caractère personnel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement susvisé du 21 novembre 2006, le Tribunal administratif de Paris, a limité à 8 250 euros la somme que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a été condamnée à lui verser ; qu'il y a lieu de porter cette somme à 18 272, 50 euros ; que la somme que cet établissement a été condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine sera en revanche ramenée à 15 542, 35 euros ; que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris succombant pour l'essentiel en la présente instance, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à M. X est portée à 18 272, 50 euros.
Article 2 : La somme que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine est ramenée à 15 542, 35 euros.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 21 novembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 07PA00429