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18/12/2007 | FRANCE | N°07PA01764

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 décembre 2007, 07PA01764


Vu, enregistrée le 21 mai 2007, la requête présentée pour M. D...C...et Mme F...E..., demeurant..., par Me B...; M. C...et Mme E...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0614267/7-1 en date du 15 mars 2007 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 24 avril 2006 par laquelle l'inspecteur d'académie leur a demandé de se conformer aux dispositions de la loi et de soumettre leur fille à une inspection pédagogique dans des locaux choisis par l'inspectrice de l'éducation nationale

et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au ministre d'effectuer l...

Vu, enregistrée le 21 mai 2007, la requête présentée pour M. D...C...et Mme F...E..., demeurant..., par Me B...; M. C...et Mme E...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0614267/7-1 en date du 15 mars 2007 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 24 avril 2006 par laquelle l'inspecteur d'académie leur a demandé de se conformer aux dispositions de la loi et de soumettre leur fille à une inspection pédagogique dans des locaux choisis par l'inspectrice de l'éducation nationale et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au ministre d'effectuer le contrôle prévu par l'article L. 131-1-1 du code de l'éducation à leur domicile et en leur présence ;

2°) de constater l'inexistence de la circulaire n° 99-070 du 14 mai 1999 et, à défaut, d'en constater l'illégalité ;

3°) d'annuler la décision du 24 avril 2006 ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C...et Mme E...soutiennent que le jugement est entaché d'une insuffisance de motifs et d'une double contradiction de motifs ; qu'en effet, ils avaient articulé un moyen tiré de l'incompétence négative de l'auteur de l'acte, l'inspecteur d'académie ayant refusé de fixer lui-même les modalités du contrôle qui lui est imposé par l'article L. 131-10 du code de l'éducation, alors que les premiers juges se sont bornés à relever que, conformément à ces dispositions, le contrôle de l'instruction à domicile était prescrit par l'inspecteur d'académie qui n'avait pas à s'en acquitter en personne ; que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une première contradiction de motifs en relevant d'abord que l'opposition des parents portait sur les seules modalités pratiques du contrôle pour ensuite estimer que cette opposition remettait en cause la mise en oeuvre effective du contrôle et, par là même, son principe même ; qu'ils ont entaché leur jugement d'une seconde contradiction de motifs en admettant que la décision du 24 avril 2006 prêtait à confusion après en avoir dénié le caractère ambigu ; que l'inspectrice de l'éducation nationale n'était pas compétente pour effectuer le contrôle ; que la décision a donc été prise par une personne incompétente ; que la décision est insuffisamment motivée ; qu'en effet, cette décision est une décision administrative défavorable qui restreint la liberté de choix d'enseignement ; que cette décision est entachée d'une erreur de fait ; qu'en effet, ils n'ont jamais refusé le principe du contrôle de l'enseignement, mais qu'ils ont formé une demande relative aux modalités du contrôle ; que l'administration a remis en cause la mise en oeuvre effective du contrôle pédagogique en refusant le dialogue prévu par l'article R. 131-1 du code de l'éducation ; que le tribunal administratif commet une erreur de droit en renversant la charge de la preuve concernant les circonstances particulières justifiant l'impossibilité pour eux ou pour leur enfant de se soumettre aux modalités de contrôle pédagogique ; qu'en jugeant que la décision attaquée n'était pas fondée sur la circulaire du 14 mai 1999, le tribunal administratif a entaché sa décision d'une erreur de fait ; que la circulaire a un caractère impératif et qu'elle est contraire à la loi qu'elle est censée explicitée, ainsi qu'à l'article 371-1 du code civil et à la CEDH ; que, pour assurer l'effectivité de la prescription de l'article L. 131-10 du code de l'éducation dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, le contrôle pédagogique doit nécessairement avoir lieu dans le lieu où l'enseignement est dispensé le plus souvent, à savoir le domicile des parents ; qu'ils ne se sont jamais opposés à un contrôle de l'inspecteur d'académie, mais simplement à ses modalités ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 septembre 2007, le mémoire en défense, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que les moyens relatifs à l'irrégularité du jugement doivent être rejetés ; qu'en effet, le jugement attaqué n'est entaché ni d'insuffisance de motivation, ni de contradiction de motifs ; que la demande de première instance était irrecevable, la requête de M. C...et de Mme E...étant déjà dépourvue d'objet dans la mesure où elle concernait l'année scolaire 2005-2006 et avait été enregistrée le 29 septembre 2006, alors qu'une nouvelle année scolaire avait débuté ; qu'en outre, les requérants ont renouvelé leur déclaration à la rentrée 2006-2007, laquelle a donné lieu à la délivrance du certificat prévu par l'article R. 131-2 du code de l'éducation, laquelle n'a été assortie d'aucune observation ; que la décision du 24 avril 2006 n'est pas entachée d'incompétence ; qu'elle n'avait pas à être motivée sur le fondement de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; qu'en tout état de cause, la motivation en droit et en fait est bien établie ; que la décision n'est entachée d'aucun vice de procédure, le contrôle ayant été prévu le 7 avril 2006, soit plus de 7 mois après le début de l'année scolaire en cause ; que le choix des modalités du contrôle n'appartient pas aux familles ; que c'est donc à juste titre que le refus de se soumettre aux modalités de contrôle a été considéré comme un refus de contrôle, cette opposition ayant nécessairement pour effet de faire obstacle au contrôle ; que la circulaire du 14 mai 1999 n'a d'autre objet que de rappeler les dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière ; qu'elle n'ajoute rien aux dispositions du code de l'éducation applicables au contrôle de l'instruction dans la famille ; que la décision du 24 avril 2006 doit être considérée comme ayant été prise en application de la loi et non de la circulaire ;

Vu, enregistré le 28 novembre 2007, le mémoire présenté pour M. C...et Mme E..., par MeB..., qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2007 :

- le rapport de Mme Descours-Gatin, rapporteur,

- les observations de M.C...,

- et les conclusions de Mme Régnier-Birster, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des écritures présentées par M. C...et Mme E...devant le tribunal administratif, qu'à l'appui du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, ils ont fait valoir que le contrôle avait été effectué par une inspectrice de l'éducation nationale et non par l'inspecteur d'académie ; qu'en relevant que, aux termes des dispositions de l'article L. 131-10 du code de l'éducation, le contrôle de l'instruction à domicile était prescrit par l'inspecteur d'académie qui n'avait pas à s'en acquitter en personne, les premiers juges ont répondu au moyen soulevé par les requérants ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que " si l'opposition des parents portait sur les seules modalités pratiques du contrôle, elle remettait en cause la mise en oeuvre effective de celui-ci, et donc son principe même ", les premiers juges, qui ont ainsi précisé que l'opposition des parents aux modalités du contrôle avait pour conséquence pratique de remettre en cause l'exercice et donc le principe même de ce contrôle, n'ont entaché leur décision d'aucune contrariété de motifs ;

Considérant, en troisième lieu, que le tribunal a relevé que la décision du 24 avril 2006 était suffisamment motivée alors même que la motivation en droit ne faisait explicitement apparaître qu'une référence à la circulaire, dès lors que cette dernière renvoyait aux termes des dispositions légales qu'elle avait pour objet d'interpréter ; que le tribunal a pu, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs, rejeter ensuite comme inopérant le moyen tiré de l'illégalité de la circulaire en constatant que la décision attaquée, " dont la rédaction prête certes à confusion ", reposait en réalité, non sur la circulaire, mais sur les dispositions légales qu'elle interprète ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...et Mme E...ne sont pas fondés à contester la régularité du jugement précité ;

Sur la légalité de la décision en date du 24 avril 2006, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de M. C...et de Mme E...devant le tribunal administratif :

Considérant que, par une lettre en date du 24 avril 2006, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, a rejeté la demande formulée par M. C...et Mme E...dans leur lettre en date du 31 mars 2006 tendant à ce que le contrôle de l'enseignement dispensé dans la famille à leur fille Margot soit effectué à leur domicile et leur a demandé de prendre contact dans les deux semaines suivant la réception du courrier avec l'inspectrice de l'éducation nationale pour que soit fixé un rendez-vous dans les locaux de l'inspection ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-10 du code de l'éducation dans sa rédaction alors applicable : " Les enfants soumis à l'obligation scolaire qui reçoivent l'instruction dans leur famille sont dès la première année, et tous les deux ans, l'objet d'une enquête de la mairie compétente, uniquement aux fins d'établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables, et s'il leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est communiqué à l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale. Lorsque l'enquête n'a pas été effectuée, elle est diligentée par le représentant de l'Etat dans le département. L'inspecteur d'académie doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction par la famille, faire vérifier que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction tel que défini à l'article L. 131-1-1. Ce contrôle prescrit par l'inspecteur d'académie a lieu notamment au domicile des parents de l'enfant. Ce contrôle est effectué sans délai en cas de défaut de déclaration d'instruction par la famille, sans préjudice de l'application des sanctions pénales" ; qu'aux termes de l'article L. 131-9 du même code : " L'inspecteur d'académie saisit le procureur de la République des faits constitutifs d'infraction aux dispositions du présent chapitre ... " ;

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'inspecteur d'académie " prescrit " le contrôle de l'enseignement dispensé dans la famille, en faisant vérifier que l'enseignement ainsi assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction, sans procéder personnellement à ce contrôle, d'autre part, qu'il ne ressort pas de la décision attaquée que l'inspecteur d'académie, qui a répondu aux requérants qui contestaient le choix opéré par l'administration du lieu du contrôle en leur rappelant que ce choix ne leur appartenait pas, ait renoncé à exercer sa compétence au profit de l'inspectrice de l'éducation nationale placée sous son autorité ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision contenue dans la lettre du 24 avril 2007 n'entre dans aucune des catégories de décisions devant être motivées sur le fondement de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette décision n'a eu ni pour objet ni pour effet de restreindre leur liberté de choisir l'enseignement pour assurer l'instruction de leurs enfants ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision est donc inopérant ;

Considérant, en troisième lieu, que le contrôle ayant été mis en oeuvre plus de sept mois après le début de l'année scolaire 2005-2006, et non " sans délai " ainsi qu'il est prévu par les dispositions sus-rappelées en cas de défaut de déclaration d'instruction par la famille, la circonstance que l'inspecteur d'académie n'aurait pas accusé réception de la déclaration d'instruction à domicile de l'enfant des requérants pour l'année scolaire en cause, ainsi que l'article R. 131-2 du code de l'éducation lui en fait obligation, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en indiquant que les requérants avaient refusé de se rendre dans les locaux de la circonscription Invalides-Etoile pour que leur fille Margot se prête à l'évaluation pédagogique, l'inspecteur d'académie n'a entaché sa décision d'aucune erreur de fait ;

Considérant, en cinquième lieu, que les requérants invoquent l'illégalité de la circulaire du ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire en date du 14 mai 1999 relative au renforcement du contrôle de l'obligation scolaire ; que cette circulaire se borne à rappeler et à commenter les dispositions législatives, notamment en expliquant que le législateur a voulu que le contrôle ne se déroule pas exclusivement au domicile des parents, en indiquant, en l'absence de précision de la loi sur ce point, que le contrôle peut avoir lieu en présence ou non des parents, puis en informant les services qu'en cas d'opposition des parents au contrôle, l'inspecteur d'académie serait fondé à saisir le procureur de la République ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, elle n'a pas de caractère réglementaire et ne peut être regardée comme ayant servi de fondement à la décision individuelle du 24 avril 1997 ; que, dès lors, M. C... et Mme E...ne peuvent utilement exciper ni de son illégalité, ni de " son inexistence ", à l'appui de leur demande d'annulation de ladite décision individuelle ;

Considérant enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C...et MmeE..., qui sont la partie perdante, bénéficient du remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...et Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et Mme F...E...et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2007, où siégeaient :

M. Merloz, président,

Mme Descours-Gatin, premier conseiller,

M. Trouilly, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 décembre 2007.

Le rapporteur, Le président,

C. DESCOURS-GATIN G. MERLOZ

Le greffier,

F. GOUTENOIR

2

N° 07PA01764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA01764
Date de la décision : 18/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: Mme Chantal DESCOURS GATIN
Rapporteur public ?: Mme REGNIER-BIRSTER
Avocat(s) : HENRY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-12-18;07pa01764 ?
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