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13/11/2007 | FRANCE | N°04PA03110

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 13 novembre 2007, 04PA03110


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août et 18 octobre 2004, présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est 3 avenue Victoria à Paris Cedex 04 (75184), représentée par son président en exercice, par Me Tsouderos ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9711089/6-2 du 15 juin 2004 en tant que par celui-ci le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation in solidum de la SCP Roux-Delaere, ès qualité de manda

taire de la société Sintab, M. X, architecte, la société Thales Ingineeri...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août et 18 octobre 2004, présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est 3 avenue Victoria à Paris Cedex 04 (75184), représentée par son président en exercice, par Me Tsouderos ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9711089/6-2 du 15 juin 2004 en tant que par celui-ci le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation in solidum de la SCP Roux-Delaere, ès qualité de mandataire de la société Sintab, M. X, architecte, la société Thales Ingineering et Consulting, venant aux droits de la société Sogelerg Ingenierie à lui verser la somme de 5 618 523, 62 euros TTC, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, au titre du préjudice subi du fait des fissures affectant les ouvrages de la seconde tranche de l'hôpital Saint-Louis engageant leur responsabilité décennale, d'autre part, à la condamnation in solidum de la société Parisienne d'Entreprise - SPE, M. X, architecte, la société Thales Ingineering et Consulting, venant aux droits de la société Sogelerg Ingenierie à lui verser la somme de 75 000 euros, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, au titre du préjudice subi du fait des désordres affectant les poteaux en sous-sol des ouvrages de la seconde tranche de l'hôpital Saint-Louis engageant leur responsabilité décennale, enfin à ce qu'il soit ordonné avant dire droit un complément d'expertise relatif aux préjudices qu'elle a subis et a mis à sa charge les frais d'expertise fixés à la somme de 15 325, 06 euros ;

2°) de condamner in solidum de la SCP Roux-Delaere, ès qualité de mandataire de la société Sintab, M. X, architecte, la société Thales Ingineering et Consulting, venant aux droits de la société Sogelerg Ingenierie à lui verser la somme de 5 618 523, 62 euros TTC, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, au titre du préjudice subi du fait des fissures affectant les ouvrages de la seconde tranche de l'hôpital Saint-Louis engageant leur responsabilité décennale ;

3°) de condamner in solidum de la société Parisienne d'Entreprise - SPE,

M. X, architecte, la société Thales Ingineering et Consulting, venant aux droits de la société Sogelerg Ingenierie à lui verser la somme de 75 000 euros, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, au titre du préjudice subi du fait des désordres affectant les poteaux en sous-sol des ouvrages de la seconde tranche de l'hôpital Saint-Louis engageant leur responsabilité décennale ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit un complément d'expertise relatif aux préjudices qu'elle a subis ;

5°) de condamner in solidum la société Parisienne d'Entreprise - SPE,

M. X, architecte, la société Thales Ingineering et Consulting, venant aux droits de la société Sogelerg Ingenierie, de la SCP Roux-Delaere, ès qualité de mandataire de la société Sintab, à supporter l'intégralité des dépens et notamment les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 381,13 euros et à lui verser la somme de 50 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable à la société Axa Assurances ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2007 :

- le rapport de M. Piot, rapporteur,

- les observations de Me Ben-Zenou pour la société Axa France Iard et celles de

Me Bryden de la SCP Guy-Vienot-Bryden pour la société Bureau Veritas,

- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS (APHP) a, en 1978, décidé de procéder, au sein de l'hôpital Saint-Louis, à des travaux de construction, réalisés en deux tranches, dont elle a confié la maîtrise d'oeuvre et l'ingéniérie à M. X et Y, architectes, et aux sociétés Bet et Sedim, la société Sogelerg s'étant ensuite substituée à cette dernière ; qu'après réalisation de la première tranche, dont les travaux ont été réceptionnés le 15 février 1984, elle a conclu le 31 décembre 1986 plusieurs marchés de travaux pour la construction d'un bâtiment R+5, objet des travaux de la seconde tranche, lesquels ont été réceptionnés sans réserve le 25 mai 1989 ; que de nombreuses fissures étant apparues dans les bâtiments construits au cours des deux tranches de travaux, l' APHP a, dans un premier temps fait désigner en référé par le tribunal administratif de Paris, le 25 mars 1997, un expert aux fins de décrire l'étendue, la nature et la gravité des désordres, de donner tous éléments d'appréciation sur la nature de leur cause et des responsabilités encourues, et de déterminer les travaux propres à y mettre fin ; que l'expert ainsi désigné a rendu un rapport d'étape le 6 mai 2002, puis son rapport définitif le 30 juin 2003 ; qu'elle a dans un second temps, le 30 juillet 1997, recherché devant le même tribunal la responsabilité décennale des constructeurs en demandant notamment la condamnation solidaire de la SCP Roux-Delaere, ès qualité de mandataire de la société Sintab, de M. X, architecte, de la société Thales Ingineering et Consulting, venant aux droits de la société Sogelerg Ingenierie à lui verser la somme de 5 618 523, 62 euros TTC, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, au titre du préjudice subi du fait des fissures affectant les ouvrages de la seconde tranche, la condamnation solidaire de la société Parisienne d'Entreprise - (SPE), de M. X, architecte, de la société Thales Ingineering et Consulting, venant aux droits de la société Sogelerg Ingenierie, à lui verser la somme de 75 000 euros, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, au titre du préjudice subi du fait des désordres affectant les poteaux en sous-sol du bâtiment de la seconde tranche ; qu'enfin l'APHP a complété ses conclusions, après la remise du rapport d'expertise susmentionné, en demandant un complément d'expertise , et que soient mis à la charge des constructeurs les frais d'expertise ; que l'APHP demande la réformation du jugement en date du 15 juin 2004 du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté lesdites demandes ;

Sur la responsabilité décennale :

En ce qui concerne les désordres affectant les poteaux du sous-sol

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise susmentionné que ces désordres, consistant en fissures et épaufrures, proviennent de contraintes ponctuelles et accidentelles apparues progressivement pendant la mise en charge normale des bâtiments et sont dûs à des imprécisions de mise en oeuvre lors de la superposition des joints de construction ; que les fondations du bâtiment n'ont pas bougé ; qu'ainsi, bien qu'ils concernent des éléments essentiels de l'ouvrage, ils ne remettent pas en cause sa solidité ; que, par suite, la responsabilité décennale des constructeurs ne peut être retenue sur ce point ;

En ce qui concerne les multiples fissures affectant les cloisons

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment dudit rapport que les mouvements de flexion des planchers ainsi que les variations dimensionnelles observés ont des amplitudes normales, prévisibles et prévues, et que la qualité des bétons est bien supérieure à celle requise ; que les fissures affectant les cloisons et doublages ne peuvent résulter que de fautes d'exécution de la part des entreprises qui les ont mis en oeuvre tenant au mauvais positionnement des joints verticaux et à ce que les réservations au-dessus des cloisons ont été insuffisantes ou remplies avec des matériaux trop rigides ; que ces fautes d'exécution n'apparaissent pas imputables à des erreurs ou imprécisions de rédaction des CCTP ; que, toutefois, seules les fissures qualifiées de « traversantes » sont susceptibles de rendre cet immeuble impropre à sa destination hospitalière, surtout pour les laboratoires et chambres stériles ; que le bureau d'études techniques SETAE, missionné par l'APHP pour décrire ces désordres, a établi en avril 1997 un rapport descriptif complet de ces fissures, accompagné de 12 plans détaillés distinguant, pièce par pièce et niveau par niveau, les locaux affectés par les tranches 1 et 2 des travaux ; que l'affirmation de l'APHP selon laquelle ce rapport a été remis à toutes les parties associées à l'expertise est confirmée par le fait que le rapport d'étape de l'expert comporte en annexe 1 la lettre du conseil de l'APHP, datée du 22 mai 1997, adressant à l'expert le dossier des désordres constatés, incluant des « fiches descriptives » et une série de 12 plans détaillés, et en annexe 30 (« dossier fourni en première réunion à l'expert ») la page de garde de ces 12 plans ainsi que celle desdites fiches descriptives ; que ce document, qui a été produit à nouveau devant le tribunal, recensait les fissures sur l'ensemble des bâtiments des tranches 1 et 2 ; qu'un examen approfondi de ce rapport, à la lumière des plans détaillés qui l'accompagnent et de leurs légendes, fait apparaître que, sur les 1299 fissures recensées, 544 ont affecté les locaux de la seconde tranche et que, parmi ces dernières, 74 avaient un caractère « traversant », 9 ayant une largeur supérieure à 4mm ; que d'après le même document, 69 de ces 74 fissures traversantes affectaient des cloisons en carreaux de plâtre et placostil, les autres concernant des ouvrages de béton ou de maçonnerie ; que la société SINTAB était titulaire du lot n°10 du marché, relatif aux cloisonnements légers, dont étaient exclues les cloisons maçonnées « lourdes » en parpaings et briques, lesquelles relevaient du lot n° 4, relatif au gros oeuvre, attribué à la société Parisienne d'Entreprise (SPE SA), ainsi qu'il ressort des CCTP respectifs de ces marchés ; que par suite l'APHP est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a estimé que les pièces qu'elle avait fournies « ne permettaient pas de préciser lesquelles des fissures relevaient de la première ou de la seconde tranche de travaux ni de déterminer la liste des locaux touchés par lesdites fissures » et qu'elle n'avait pas davantage produit de document permettant de distinguer les travaux réalisés par la société SINTAB de ceux réalisés par la société SPE SA ;

Considérant que le complément d'expertise demandé par l'APHP pour évaluer notamment le coût de son préjudice n'apparaît pas opportun, compte tenu de la très longue durée déjà écoulée depuis le début de l'instance, à laquelle l'APHP est d'ailleurs loin d'être étrangère, et des éléments déjà présents au dossier qui permettent à la cour de situer et chiffrer équitablement les responsabilités respectives des parties ; que le chiffrage de 5 618 523, 62 euros TTC proposé par l'APHP procède de l'extrapolation à l'ensemble de la surface du bâtiment de la seconde tranche, d'une évaluation faite par le même bureau d'études sur une zone témoin du premier étage du coût, au 1er novembre 2001, de la remise à neuf des cloisons selon un procédé que l'expert a qualifié d' « unique, très onéreux et contraignant et ne correspondant ni à (ses) souhaits, ni à ceux des techniciens de l'APHP » ; qu'il y a donc lieu d'appliquer à ce chiffrage un premier abattement de 30% à raison de ce caractère excessivement onéreux, et un second abattement de 85% à raison de ce que seules les fissures traversantes sont susceptibles de rendre l'immeuble impropre à sa destination ; qu'enfin, les exigences techniques particulières liées au caractère hospitalier de l'immeuble ne sauraient justifier que l'ensemble des locaux concernés par des fissures traversantes, pour la plupart très étroites, soient regardés comme devenus impropres à leur destination ; qu'en dépit des demandes de l'expert, l'APHP n'a jamais fait dresser par ses services la liste des locaux rendus inutilisables par les fissures traversantes ; qu'à ce titre il sera donc appliqué un troisième abattement, de 50%, aux prétentions de l'APHP ; qu'après ces trois abattements, le préjudice de l'APHP doit être évalué à 294 972 euros TTC ;

Considérant que les dépenses exposées par l'APHP pour faire valoir ses droits, tant au titre des études qu'elle a fait réaliser, qu'au titre de l'expertise ordonnée par le tribunal, s'élèvent à la somme de 52 291, 68 euros ; que cette somme ne doit compléter son préjudice que dans la proportion où les prétentions de l'APHP sont accueillies, c'est à dire 5, 25%, soit 2 745 euros, ce qui porte son préjudice à 297 717 euros ;

Considérant que cette somme doit être répartie entre les sociétés SINTAB et SPE SA selon la proportion de 93% et de 7%, correspondant à la part des fissures traversantes affectant respectivement les cloisons légères et les ouvrages de maçonnerie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés SINTAB et SPE SA doivent être condamnées à verser à l'APHP, respectivement, les sommes de 276 876 et de 20 840 euros ; que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 1er novembre 2001, date à laquelle remontent les bases de leur évaluation, et que ces intérêts seront ensuite capitalisés à chaque échéance annuelle pour produire eux même intérêts ;

Sur les conclusions de la société Thales Engineering et Consulting venant aux droits de la SNC Sogelerg Ingenierie tendant à être garantie par les sociétés SPE, Sintab, Bet « GD-MH » et M. X :

Considérant qu'aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la société Thales Engineering et Consulting venant aux droits de la SNC Sogelerg Ingenierie, ses appels en garantie dirigés contre les sociétés SPE, Sintab, Bet « GD-MH » et M. X sont sans objet ;

Sur les conclusions de M. X tendant à être garanti par les sociétés SPE, Bureau Veritas, Gemo, Thales Engineering Consulting Et Sintab :

Considérant qu'aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de M. X, ses appels en garantie dirigés contre les sociétés SPE, Bureau Veritas, Gemo, Thales Engineering Consulting et Sintab sont sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X et la société Thales IngineeringetConsulting, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à verser à l'APHP la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de condamner l'APHP à payer la somme de 1 000 euros respectivement à la société Societep, à la société Thales Engineering et Consulting, à M. X, à la société Bureau Veritas et à la société Gemo au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'enfin il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux autres demandes présentées sur le même fondement par l'APHP, la société SPE SA et la société Axa-France IARD ;

D E C I D E :

Article 1er : Les sociétés SINTAB et SPE SA sont respectivement condamnées à verser à L'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS les sommes de 276 876 et de 20 840 euros, lesquelles porteront intérêt au taux légal à compter du 1er novembre 2001, ces intérêts étant ensuite capitalisés à chaque échéance annuelle pour produire eux même intérêts.

Article 2 : Le surplus de la requête de L'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS est rejeté.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 15 juin 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie présentés par la société Thales Engineering et Consulting venant aux droits de la SNC Sogelerg Ingenierie et M.X.

Article 5 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS versera respectivement à la société Societep, à la société Thales Engineering et Consulting, à M. X, à la société Bureau Veritas et à la société Gemo une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par L'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS, la société SPE SA et la société Axa-France IARD sont rejetées .

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N° 04PA03110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 04PA03110
Date de la décision : 13/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MARTIN LAPRADE
Rapporteur ?: M. Jean-Marie PIOT
Rapporteur public ?: M. COIFFET
Avocat(s) : CHATENET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-11-13;04pa03110 ?
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