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29/11/2006 | FRANCE | N°04PA02045

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre - formation a, 29 novembre 2006, 04PA02045


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2004, présentée pour Mme Paule X, demeurant ... (92100), par Me Guilleminet ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0009964/3 en date du 17 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné la commune de Boulogne-Billancourt à lui verser la somme de 76 296,50 euros en réparation des dommages causés à son immeuble sis

..., et a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de la Compagnie générale des eaux à la réparation desdits dommages ;

2°) de condamner co

njointement et solidairement la commune de Boulogne-Billancourt et la Compagnie génér...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2004, présentée pour Mme Paule X, demeurant ... (92100), par Me Guilleminet ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0009964/3 en date du 17 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné la commune de Boulogne-Billancourt à lui verser la somme de 76 296,50 euros en réparation des dommages causés à son immeuble sis

..., et a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de la Compagnie générale des eaux à la réparation desdits dommages ;

2°) de condamner conjointement et solidairement la commune de Boulogne-Billancourt et la Compagnie générale des eaux à lui verser au même titre la somme de 199 351, 26 euros, actualisée en fonction de l'indice du coût de la construction, et celles de 12 763, 03 euros et 68 602, 06 euros ;

3°) de condamner conjointement et solidairement la commune de Boulogne-Billancourt et la Compagnie générale des eaux à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont les frais d'expertise ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2006 :

- le rapport de M. Jarrige, rapporteur,

- les observations de Me Guilleminet, pour Mme X, et celles de Me Radigon, pour la Compagnie générale des eaux,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'au mois de septembre 1995, le trottoir situé devant les deux maisons des époux Y et de Mme X sises, respectivement, aux 18 et ... s'est affaissé et de nombreuses fissures sont apparues sur les façades et murs intérieurs de ces habitations ; que Mme X a demandé au Tribunal administratif de Paris la condamnation conjointe et solidaire de la commune de Boulogne-Billancourt et de la Compagnie générale des eaux à la réparation des conséquences dommageables des désordres affectant son habitation qu'elle imputait, pour une part, à une fuite du branchement particulier des époux Y à l'égout municipal et, d'autre part, à deux autres fuites survenues en mai 1992 et septembre 1995 sur le branchement des époux Y et le sien à la canalisation d'alimentation en eau potable dont l'entretien incombait à la Compagnie générale des eaux ;

Sur la compétence :

Considérant que si la demande formée contre la compagnie gestionnaire d'un service public industriel et commercial par une personne privée, en réparation du dommage provoqué par le branchement particulier qui la dessert, échappe à la compétence de la juridiction administrative, le demandeur ayant la qualité d'usager dudit service, il appartient en revanche à cette juridiction de connaître des conclusions dirigées contre cette même compagnie lorsque le dommage allégué trouve sa provenance dans le branchement particulier d'un autre usager à l'égard duquel le demandeur a la qualité de tiers ;

Considérant que c'est à bon droit que si les premiers juges se sont reconnus compétents pour connaître des conclusions de Mme X tendant à la condamnation de la Compagnie générale des eaux à la réparation des dommages qui lui auraient été causés par la fuite survenue en mai 1992 sur le branchement particulier des époux Y à la canalisation d'alimentation en eau potable dont cette compagnie avait la charge, ils ont décliné leur compétence pour statuer sur sa demande tendant à l'indemnisation par la même des conséquences dommageables de la fuite ayant affecté son propre branchement particulier à ladite canalisation, et rejeté celle-ci comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'à supposer même que les conséquences dommageables de ces deux fuites ayant affecté à plus de deux ans d'intervalle des branchements distincts puissent être regardées comme indissociables, cette circonstance est sans incidence sur le bien fondé de l'exception d'incompétence ainsi opposée par les premiers juges à Mme X ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, M. Z, que si les dommages causés à l'immeuble de Mme X ont pour cause principale une fuite ancienne du branchement particulier des époux Y à l'égout municipal situé sous la voie publique, ils ont été aggravés par un sol de fondation constitué par des remblais de médiocre qualité ; que si la commune de Boulogne-Billancourt conteste le caractère probant des conclusions de l'expert sur le rôle joué par le branchement précité, elle a elle-même reconnu sa détérioration lors des opérations d'expertise, et celle-ci a été confirmée lors d'une nouvelle expertise ordonnée le 19 mars 2002 par la Cour d'appel de Versailles ; que si M. Z a également imputé les désordres litigieux aux apports ponctuels d'eau provenant des deux fuites précitées ayant affecté la canalisation d'alimentation en eau potable dont l'entretien incombait à la Compagnie générale des eaux, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas regardé cette imputabilité comme établie pour la seule fuite survenue sur le branchement particulier des époux Y deux ans auparavant et immédiatement réparée ; que les premiers juges ont également fait une juste appréciation de la part des dommages imputable aux caractéristiques du sous-sol en la fixant à 30% ; que, par suite, la commune de Boulogne-Billancourt, dont la responsabilité est seule établie devant la juridiction administrative, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à indemniser Mme X, tiers par rapport à l'ouvrage public dont elle devait assurer l'entretien, à concurrence de 70% des dommages causés à son immeuble ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'une étude en date du

28 juin 1996 de la société Géoexperts, que les fondations de l'immeuble de Mme X étaient superficielles ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les travaux de reprise de ces fondations préconisés par M. Z apportaient une plus value directe et certaine audit immeuble ; que, toutefois, il sera fait une plus juste appréciation de ladite plus value en abattant de 30% le montant de ces travaux ouvrant droit à indemnisation à Mme X ; qu'ainsi il y a lieu de ramener ledit montant, frais de maîtrise d'oeuvre inclus, à 130 698, 40 euros toutes taxes comprises ;

Considérant que les conséquences dommageables des désordres doivent être évaluées à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il peut être procédé aux travaux destinés à les réparer ; qu'il n'en va autrement que si ces travaux sont retardés pour une cause indépendante de la volonté de la victime ; qu'il résulte de l'instruction que la commune de Boulogne-Billancourt n'a effectué les travaux de remise en état du branchement des époux Y à l'égout municipal qu'en mars 2002 ; qu'il n'est pas contesté que les travaux de reprise des fondations et de réfection intérieure de l'immeuble de Mme X ne pouvaient être effectués avant ; que, par suite, celle-ci est fondée à demander, comme elle l'avait fait en première instance contrairement à ce que soutient la commune de Boulogne-Billancourt, que les sommes de 130 698, 40 euros et 12 639 euros toutes taxes comprises à retenir pour les montants respectifs de ces travaux et des frais de maîtrise d'oeuvre y afférents, sur la base des devis fournis par l'expert, soient actualisées au 1er avril 2002 en fonction de l'évolution du coût de la construction ;

Considérant que si Mme X demande le versement d'une indemnité d'un montant de 10 671, 43 euros à titre de provision sur des travaux qui pourraient être rendus nécessaires par de nouveaux désordres causés par la reprise des fondations de son immeuble, cette demande tendant à la réparation de dommages purement éventuels ne saurait être accueillie ; qu'il appartiendra à la requérante, en cas de nouveaux dommages, de faire valoir ultérieurement ses droits à réparation ;

Considérant, enfin, que si Mme X n'établit pas que les désordres affectant son immeuble lui ont causé un préjudice professionnel, les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation de ses troubles de jouissance en les évaluant à la somme de 3 000 euros ; qu'eu égard à l'importance desdits désordres et à l'impossibilité dans laquelle elle a été d'y remédier de façon durable jusqu'au 1er avril 2002, il y a lieu de fixer la réparation qui lui est due à ce titre à la somme de 7 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'eu égard à la part de responsabilité de la commune de Boulogne-Billancourt dans la survenance des dommages, Mme X est fondée à demander la condamnation de ladite commune à lui verser en réparation desdits dommages, d'une part, les sommes de 91 488, 88 euros et 8 847, 30 euros actualisées au 1er avril 2002 en fonction de l'évolution du coût de construction et, d'autre part, la somme de 4 900 euros ; que, par voie de conséquence, le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant, d'une part, que Mme X justifie avoir exposé des frais d'assistance à expertise d'un montant de 3 251, 18 euros dont l'utilité est attestée par la prise en compte des devis et factures correspondants par M. Z ; que, par suite, il y a lieu de porter à 5 000 euros la somme qui lui a été allouée par les premiers juges en application des dispositions susrappelées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant, d'autre part, que Mme X, qui a en cause d'appel la qualité de partie perdante dans le litige l'opposant à la Compagnie générale des eaux, n'est pas fondée à demander sa condamnation au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner au même titre, d'une part, Mme X à verser à la Compagnie générale des eaux la somme de 1 500 euros et, d'autre part, la commune de Boulogne-Billancourt à verser la même somme à Mme X ; qu'enfin, la demande dirigée aux mêmes fins par la commune de Boulogne-Billancourt à l'encontre de Mme X ne peut qu'être rejetée ;

D É C I D E :

Article 1er : La commune de Boulogne-Billancourt est condamnée à verser à Mme X, d'une part, les sommes de 91 488, 88 euros et 8 847, 30 euros actualisées au 1er avril 2002 en fonction de l'évolution du coût de la construction et, d'autre part, la somme de 4 900 euros.

Article 2 : La somme de 2 000 euros que la commune de Boulogne-Billancourt a été condamnée à verser à Mme X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'article 4 du jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 mars 2004 est portée à 5 000 euros.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 mars 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Mme X est condamnée à verser à la Compagnie générale des eaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Boulogne-Billancourt versera au même titre la somme de 1 500 euros à Mme X.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et l'appel incident de la commune de Boulogne-Billancourt sont rejetés.

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N° 04PA02045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 04PA02045
Date de la décision : 29/11/2006
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme PIERART
Rapporteur ?: M. Antoine JARRIGE
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : S.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-11-29;04pa02045 ?
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