Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2004, présentée pour la société LAGUIOLE, dont le siège est ... (75001), représentée par son président directeur général en exercice, par Me X... ; la société LAGUIOLE, anciennement dénommée « société Gil Technologies Internationales », demande à la cour :
1° ) d'annuler le jugement n° 9704069 du 17 février 2004 en tant que le Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à ses demandes de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 1990 au 31 décembre 1993 ;
2° ) de prononcer la décharge sollicitée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2006 :
- le rapport de Mme Isidoro, rapporteur,
- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société LAGUIOLE demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses deux demandes à fin de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er juillet 1990 au 31 décembre 1993 et des pénalités y afférentes ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 20 décembre 2005, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 188 413 francs (33 267 euros) en droits et de 130 430 francs en pénalités (19 834 euros) correspondant au rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er janvier au 31 décembre 1992 ; que les conclusions de la requête de la société LAGUIOLE relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'absence de saisine de la commission départementale des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : « Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (…) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du Code général des impôts (...). » ; et qu'aux termes de l'article L. 59 A du même livre dans sa rédaction alors applicable : « La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte (…) sur le montant du (…) chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (…) » ;
Considérant que la société soutient que l'administration aurait violé les dispositions susmentionnées du livre des procédures fiscales en ne soumettant pas à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires l'ensemble des différends qu'elle souhaitait voir examinés par ladite commission et en ne soumettant à cette dernière que ceux dont elle a estimé qu'ils relevaient de sa compétence telle qu'elle est définie à l'article L. 59 A du livre précité ;
Considérant cependant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l'administration, saisie par le contribuable qui lui demande de soumettre à la commission précitée les différends qui l'opposent à l'administration, de soumettre ces différends dans leur intégralité à la commission sous peine d'entacher la procédure d'imposition d'irrégularité ; qu'elle dispose en effet de la faculté de soumettre à la commission les seuls chefs de redressement pour lesquels elle considère qu'il existe un différend et les seuls différends dont elle estime qu'ils relèvent de la compétence de la commission ; qu'en cas d'erreur de l'administration sur l'étendue du différend ou de la compétence de la commission, la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que par le seul fait de ne pas avoir saisi la commission de l'intégralité de sa demande, l'administration a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité ; qu'elle n'est par suite pas davantage fondée à soutenir qu'en écartant le moyen ci-dessus analysé, les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une erreur de droit ;
Considérant en revanche qu'en considérant qu'il n'existait plus de différend s'agissant du rappel sur la non déclaration d'affaires au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1993 au motif que la société ayant admis que son chiffre d'affaires à l'exportation devait être fixé à 112 500 francs pour 1992, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée s'élevait implicitement mais nécessairement à 49 113 francs, l'administration s'est méprise sur l'étendue du différend qui l'opposait au contribuable ; qu'en effet, la société ne pouvait être regardée comme ayant tacitement accepté le redressement de 49 113 francs alors, d'une part, que dans sa lettre du 17 mai 1995, la société se bornait à indiquer que le redressement devait être ramené de 57 901 francs à 36 976 francs et, d'autre part, que l'administration n'a fait droit à ses prétentions relativement à ce chef de redressement qu'à hauteur de 8 788 francs, et non à hauteur de 47 251 francs comme l'ont relevé à tort les premiers juges ; que, par suite, la société LAGUIOLE est fondée à soutenir que la mise en recouvrement desdites impositions est intervenue au terme d'une procédure d'imposition irrégulière dès lors qu'il résulte des pièces du dossier que la commission n'a pas été saisie de ce chef de redressement alors qu'elle était compétente en vertu des dispositions de l'article L. 59 A du livre précité ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 17 février 2004 en ce qu'il a de contraire au présent arrêt et d'accorder à la société LAGUIOLE la décharge des impositions concernées ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 262 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les exportations de biens meubles corporels ainsi que les prestations de services qui leur sont directement liées (…). » ;
Considérant que le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 262 du code précité est subordonné à ce que le contribuable établisse qu'il remplit les conditions posées par l'article 74 de l'annexe III au code précité ; que la nature particulière des opérations d'exportation justifie que soient limitées les modalités de preuve de la réalisation de telles opérations à la production de documents garantissant leur réalité ; qu'ainsi, la société n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en considérant que la production d'un bordereau de chèque et la production d'une facture, qui ne sont pas au nombre des documents mentionnés à l'article 74 de l'annexe III au code précité, n'étaient pas de nature à établir la réalité des deux opérations d'exportation litigieuses ; que, par suite, la société n'est pas fondée à demander la décharge des rappels relatifs à ces deux opérations dont il n'est, en tout état de cause, pas établi qu'elles correspondraient à des opérations d'exportation et ouvriraient droit, à ce titre, à l'exonération prévue par l'article 262 du code précité ; que la société n'est pas davantage fondée à soutenir que les premiers juges auraient insuffisamment motivé leur jugement sur ce point ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : « Les décisions mettant à la charge à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable » ; et qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti … d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie… » ;
Considérant que la société LAGUIOLE soutient, d'une part, que les pénalités de mauvaise foi qui lui ont été infligées sont insuffisamment motivées et, d'autre part, que l'administration n'établit pas sa mauvaise foi ;
Considérant, toutefois, en premier lieu, que la notification de redressements en date du 19 décembre 1994, relative à la période du 1er juillet 1990 au 31 décembre 1991 et celle en date du 26 avril 1995, relative aux années 1992 et 1993, indiquent les considérations de droit et de fait qui ont fondé les pénalités de mauvaise foi en litige ; que celles-ci ont été par suite régulièrement et suffisamment motivées, conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant, en second lieu, qu'en se fondant sur la nature, l'importance et le caractère répété des infractions commises, liées notamment à l'importance du pourcentage de minoration du chiffre d'affaires et au caractère répété de ces minorations, l'administration établit, pour les redressements restant en litige, l'intention du contribuable d'éluder l'impôt ; que, par suite, la société LAGUIOLE ne saurait prétendre à la décharge des pénalités de mauvaise foi ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la société LAGUIOLE à concurrence de la somme 188 413 francs (33 267 euros) en droits et de 130 430 francs en pénalités (19 834 euros).
Article 2 : La société LAGUIOLE est déchargée des droits dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1993 par avis de mise en recouvrement n° 96015037 du 7 février 1996 à concurrence d'une somme de 12 137 francs (1 850,27 euros) en principal et des pénalités y afférentes.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 17 février 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de SOCIETE LAGUIOLE est rejeté.
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N° 04PA01427