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12/06/2006 | FRANCE | N°03PA04541

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 12 juin 2006, 03PA04541


Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2003, présentée pour la société anonyme LE NICKEL-SLN, dont le siège est ... (98848), par Me X... ; la société LE NICKEL-SLN demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-0786 du 4 septembre 2003 en tant que le Tribunal administratif de Nouméa a limité à 50 000 000 F CFP l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui verser en réparation des dommages qu'elle a subis du fait d'une rupture d'approvisionnement en énergie électrique ;

2°) de porter à 412 728 460 F CFP la somme que l'Etat a été condamné à lui ver

ser, avec intérêts à compter du 30 juillet 2002 et capitalisation des intérêts ;

3°) de...

Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2003, présentée pour la société anonyme LE NICKEL-SLN, dont le siège est ... (98848), par Me X... ; la société LE NICKEL-SLN demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-0786 du 4 septembre 2003 en tant que le Tribunal administratif de Nouméa a limité à 50 000 000 F CFP l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui verser en réparation des dommages qu'elle a subis du fait d'une rupture d'approvisionnement en énergie électrique ;

2°) de porter à 412 728 460 F CFP la somme que l'Etat a été condamné à lui verser, avec intérêts à compter du 30 juillet 2002 et capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu l'article 92 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ;

Vu l'article 27 de la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986 portant dispositions diverses relatives aux collectivités locales ;

Vu la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 24 mai 2006 :

- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,

- les observations de Me X... pour la Société LE NICKEL SLN et celles de M. X représentant le ministre de l'outre-mer,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'au cours d'une période de violents affrontements, qui a duré plusieurs mois, entre communautés mélanésienne et wallisienne sur le territoire de la tribu de Saint-Louis en Nouvelle-Calédonie, un pylône de la ligne qui alimente, depuis la centrale électrique de Yaté, l'usine métallurgique de la société LE NICKEL de Doniambo (commune de Nouméa), a été, le 11 juin 2002, volontairement détruit par des tirs d'arme à feu ; que la situation tendue prévalant autour de la parcelle privative où se situait ce pylône rendant trop dangereuse l'intervention immédiate des techniciens de la société d'énergie ENERCAL, ceux-ci n'ont pu rétablir le fonctionnement de cette ligne que le 29 juin 2002 ; que la société LE NICKEL, qui d'une part a dû faire appel, pour alimenter ses fours qui fonctionnent en continu, à d'autres sources d'approvisionnement électriques, plus coûteuses, et d'autre part réduire sa production de nickel, a demandé à l'Etat réparation du préjudice que lui a causé la privation, pendant 18 jours, de sa source d'approvisionnement la moins onéreuse ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que l'incapacité de l'Etat, malgré le déploiement d'importantes forces de police sur le terrain, à mettre fin aux troubles à l'ordre public et notamment à assurer, en l'espèce sur demande expresse de la société ENERCAL, la sécurité d'accès aux propriétés et installations privées ne révèle dans les circonstances de l'espèce aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; que l'abstention non fautive des forces de police peut toutefois engager la responsabilité de l'Etat, sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'elle a entraîné un préjudice anormal et spécial ;

Considérant que si l'installation dont l'Etat n'a pas permis l'accès sécurisé était située à distance de l'usine de Doniambo et appartenait à ENERCAL, cette société n'assumait, sauf faute de sa part, aucune responsabilité envers la société requérante, seule utilisatrice de la ligne interrompue ; que celle ci est donc fondée à soutenir que le préjudice dont elle fait état est en lien avec l'abstention des autorités de police sur le territoire de la tribu de Saint-Louis ; que cependant l'impossibilité d'accéder au pylône endommagé n'a causé qu'un surcoût d'exploitation pendant 18 jours et selon la requérante une diminution de sa production de 312 t, soit 0,5 % de la production annuelle ; que ce préjudice ne présente pas, alors même qu'un autre incident se serait produit en avril de la même année, un caractère de gravité tel qu'il justifie l'engagement de la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la rupture de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie s'est fondé sur la responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publique pour indemniser la société SLN ;

Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société requérante devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983, rendu applicable aux territoires d'outre-mer par l'article 27-II de la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986 : « L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (…) » ;

Considérant que la requête de la société LE NICKEL-SLN demande réparation du dommage résultant de l'impossibilité d'accéder à une propriété privée en raison de la situation d'insécurité régnant à ses abords ; que rien ne permet d'imputer ce dommage, non plus d'ailleurs que la destruction initiale du pylône, à un attroupement ou rassemblement armé au sens du texte précité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à verser à la société LE NICKEL la somme de 50 MF CFP en réparation du dommage résultant de la rupture d'alimentation électrique de son usine de Doniambo ; que la demande de première instance et la requête d'appel de la société LE NICKEL, y compris les conclusions à fin de condamnation de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 4 septembre 2003 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et la requête d'appel de la société LE NICKEL-SLN sont rejetées.

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N° 03PA04541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 03PA04541
Date de la décision : 12/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : CAZIN D'HONINCTHUN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-06-12;03pa04541 ?
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